Invité à Midi-Show, l'émission de débat politique de Mosaïque FM, M. Rached Ghannouchi, leader du mouvement « Ennahdha » pourrait prétendre avoir convaincu son auditoire. Mais oui, mais oui, en toute vérité ! Il a tenu un langage que tout esprit lucide et droit aimerait entendre. Un discours mesuré, sage et profondément réfléchi. Cependant, les déclarations du leader islamiste ne manquent pas de laisser invariablement quelque malaise mêlé d'un vague trouble. Certes, son parti a fini par lâcher du lest et par se laisser convaincre d'abandonner cette exigence « d'adopter la Charia comme source fondamentale de la Constitution et de se contenter (sic !) du premier article de celle de 1959.» Tout en expliquant que la charia demeure un concept sinon ambigu dans l'esprit de la majorité, du moins entouré d'un halo de mystère, il n'en profite pas moins pour souligner l'atmosphère cordiale, démocratique prévalant au sein du mouvement de la droite conservatrice qui aurait décidé à une grande majorité de son bureau politique et en respectant le grand principe de la « Choura », de « se plier à la volonté toute relative, dit-il, des masses populaires ». M. Ghannouchi balaie d'un revers de la main cette « idée peu rationnelle » d'appeler le peuple à un référendum sur cette question, craignant qu'un tel recours partage le peuple en parité égale entre laïcs mécréants et croyants intégristes qui continueraient, au meilleur, à se regarder en chiens de faïence. M. Ghannouchi a tenu à rappeler que les électeurs ont choisi « Ennahdha » pour son programme qui n'a jamais évoqué ni promis l'application de la Charia comme mode de gouvernement. Le leader islamiste ne se dérobe pas un instant aux questions directes posées par ses interlocuteurs. Il a réponse à tout : réponses diplomatiques, assez convaincantes, en vérité, pour celui qui n'arrive pas ou ne cherche pas à décrypter le vrai sens de son message. Prié de donner son avis sur les salafistes et sur les conséquences que leurs inquiétantes dérives sectaires pourraient engendrer sur la paix sociale, M. Ghannouchi « condamne avec vigueur » ces agissements et appelle à « un dialogue responsable avec ces gens - il évitera, cette fois, de les appeler « nos jeunes enfants » - puis en cas d'impossibilité de les convaincre par « la bonne parole » de recourir aux « voies légales. » Cependant, M. Ghannouchi ne doit pas ignorer que ces gens-là se sont toujours montrés réfractaires au dialogue. Alors, s'achemine-t-on avec cette sombre mouvance à une « inévitable confrontation », tel que l'a déclaré au « Monde » et sans ambages le ministre de l'Intérieur ? M. Ghannouchi ne l'envisage pas, croyant fermement aux vertus du dialogue et à la force de la persuasion. Pour ce qui est de la profanation du drapeau national, M. Ghannouchi s'insurge avec la plus grande énergie, rappelant que les étendards brandis et portant l'inscription de la profession de foi, tantôt blanche sur fond noir tantôt noire sur fond blanc, n'ont jamais été ceux du Prophète et qu'ils sont par conséquent totalement étrangers à nos mœurs et à notre pays. Pour ce qui est du régime politique à adopter pour les années à venir, le leader nahdhaoui n'a nullement fait mystère de la préférence de son parti pour le régime parlementaire, faisant valoir l'aspect « pouvoir du peuple » et la souplesse de la séparation des pouvoirs, contrairement au régime présidentiel, lequel a montré, jusqu'ici, ses limites. Douces et belles paroles, d'autant plus rassurantes qu'elles se trouvent consolidées par la prise de position du BP d'Ennahdha relativement à la Charia. Le bon peuple ne cherche pas autre chose que d'y croire et de croire enfin que M. Ghannouchi traduit les idées des Nahdhaouis dans leur grande majorité. Nous savons cependant que les déclarations de M. Ghannouchi sont ambiguës et équivoques, souvent déroutantes. Des personnalités de son mouvement assurent encore devoir « poursuivre la lutte pour infléchir cette décision » prise démocratiquement et après vote. Mais ne dit-on pas, dans les sphères d'Ennahdha que religion et démocratie sont incompatibles ? Alors qui devons-nous croire ?