« La situation est difficile, complexe (...) mais la Tunisie n'est pas en train de basculer dans l'islamisme à outrance », a affirmé Moncef Marzouki, président de la République, lors d'une longue interview accordée dimanche 08 septembre 2012 au site internet du journal Le Figaro. M. Marzouki s'est dit « scandalisé » et « blessé » par l'image de notre pays véhiculée en France : « J'aime la France, mais je suis accablé, scandalisé, blessé, indigné par l'image qu'on y donne de la Tunisie, à savoir un pays qui va basculer dans l'escarcelle de l'islamisme, qui est sur le point de verser dans le salafisme ». En ce qui concerne ses récentes accusations contre les nahdhaouis d'être revenus à des pratiques dignes de l'ère Ben Ali, le président a indiqué que « si nous sommes là, ce n'est pas pour refaire ce qui a été fait avant, c'est pour faire autre chose » : « Ennahda est accusé d'avoir phagocyté l'administration. Les deux tiers des gouverneurs seraient issus de leurs rangs. Oui, je confirme, et cela m'indispose fortement. Moi, je refuse de m'installer dans une stratégie de partage du gâteau. Tout ce qui relève des grands rouages de l'Etat n'a rien à faire avec les nominations partisanes. Il n'empêche que bon nombre d'acteurs de la société civile qui avaient fait confiance à Ennahda se disent aujourd'hui trahis… ». Moncef Marzouki considère le saccage, par des salafistes, de l'exposition d'art à La Marsa, un nouveau dérapage : « J'ai fait savoir que je préfère tous les effets pervers de la liberté d'expression à la censure. Nous avons hérité d'une culture de l'intolérance ». De même pour le projet de loi criminalisant l'atteinte au sacré : « Je suis contre. C'est absurde. Ce projet n'a pas de raison d'être, d'autant qu'il existe déjà une loi qui punit de tels actes ». M. Marzouki a ajouté que le débat politique est très virulent parce qu'il y a des forces antagonistes qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble : « La Tunisie est en train de se reconstruire. Nous devons créer un nouveau système politique, un nouveau système d'information, un nouveau système de valeurs, et chacun tente de donner à ces nouveaux systèmes les configurations qui l'arrangent ».