A vrai dire, la sortie de Yassine Ibrahim, ministre du Transport et de l'Equipement dans le gouvernement de transition, loin des écrans des ordinateurs, là où il s'est contenté d'assez souvent apparaitre, moyennant les réseaux sociaux, n'a pas tout a fait répondu aux attentes. Etant aux rênes de deux des plus avariés des départements de l'Etat, le jeune ministre semble avoir préféré le calme. Ceci semble être de son caractère, cartésien. Il semble se donner encore du temps avant de trancher dans pas mal de questions, qui restent encore sans réponses. Néanmoins, « à chaque semaine, je me rends de plus en plus compte du volume de la fraude et des malversations qui logent dans les veines de ces ministères » dit-il dans la foulée. C'est d'autant plus vrai puisqu'« on peut se rendre compte de l'ampleur des malversations, si on imagine ce que le fait de tricher quelques centimètres des deux côtés lors de la construction d'une route de 20 kilomètres, peut valoir à la communauté» enchaîne-t-il, tout en affirmant qu'il « ne sera pas complice ». Le ministre compte finir son « Tour de Tunisie », gouvernorat par gouvernorat, région par région avant le 26 mai 2011. Son périple prendra fin à Tunis et à l'Ariana le 25 mai 2011. Pour lui, il s'agit « d'une philosophie de travail qui me permet d'être sur le terrain, de prêter oreille aux responsables dans les régions et aux citoyens. Lorsque je travaillais à l'étranger, je parcourais 400 mille miles par an ». Ayant visité pas moins de douze régions depuis sa nomination, Yassine Ibrahim a déduit que « la méthode de prise de décision est exagérément centralisée, on ne peut pas s‘attendre à des résultats lorsque la décision est prise loin de la région». Il donne l'exemple de Bizerte, un chef lieu bien entretenu, mais avec des sous-régions sous développées. Les pistes agricoles « il nous en faut 2000 kilomètres, dit-il. Durant les dix dernières années, seuls 1750 kilomètres de ces pistes ont été construits. Imaginez alors comment les agriculteurs dans ces régions réussissent-ils à livrer leurs produits, ceci sans parler des cas humanitaires urgents, ou lorsqu'il pleut ». Ou encore cette route menant à Sidi Bouzid « lorsque vous allez vers les autres villes entourant Sidi Bouzid, tout est nickel, mais une fois vous vous orientez droit vers cette ville, la route devient impraticable », remarque-t-il. Le secteur des transports qui représente 14 % du PIB de la Tunisie, ou 8 milliards de dinars emploie 575 mille personnes, soit 17% de la population active. En 2010 « ce secteur a attiré des investissements de l'ordre de 1,6 milliard de dinars ». Mais il aurait été beaucoup plus intéressant ce montant si ce n'était le régime déchu. Yassine Ibrahim raconte comment « Imed Trabelsi a bousillé l'affaire du Réseau ferroviaire rapide (RFR) devant moderniser les transports publics liant la banlieue sud de Tunis à la capitale. En voulant imposer la règle du moins disant, le bailleur de fonds étranger partenaire de la Tunisie à hauteur de 60% dans le financement de ce projet a eu la trouille et a annulé son financement, le 16 janvier dernier ». Et dans ce genre d'affaires « beaucoup de PDG d'administrations publiques se sont montrés incompétents. Et c'est pour cette raison que nous avons demandé à 20 de ces 33 projets d'être au frigo », dit aussi Yassine Ibrahim, qui reconnait par la suite que « nous avons commis des fautes aux dépends de certains d'entre eux, mais ceci est toujours en question pour certains autres. Pour ceux qui ont commis des fautes graves et d'ordre pénal, la justice dira le dernier mot ». Pour le ministre du Transport et de l'Equipement « Tunisair est la réincarnation de la Tunisie. Ce qui se passait au sein de cette entreprise tout au long des dernières années est exactement ce que la Tunisie a survécu ». Yassine Ibrahim remonte aux années 1998, date à laquelle il travaillait pour le compte d'une banque étrangère avec qui Tunisair avait affaire « je me rappelle, dit-il, que les cadres de cette compagnie que je côtoyais me racontaient qu'après la sélection de candidats à l'issue d'un concours, sur les 100 personnes choisis, 80 personnes des admis nous étaient des inconnus ». Interrogé sur les commissions dont peuvent en avoir bénéficié certaines personnes proches du président déchu, le ministre explique simplement que «dans les contrats signés auparavant, l'Etat tunisien partageait ses demandes entre Airbus et Boeing, après que le constructeur européen eut accepté de venir s'installer en Tunisie, ce qui n'a pas été le cas pour Boeing, la Tunisie a décidé d'acheter tous ses appareils auprès d'Airbus ». Et c'est sur ces mêmes notes que le ministre du Transports et de l'Equipement a continué d'aborder les sujets, la question de l'aéroport de Monastir, les rames de métro, les rames de la SNCF, le déficit financier et d'image de la CTN…