Par Chokri BEN NESSIR A l'heure où les terroristes se frottent encore les mains après un attentat aux conséquences dramatiques pour le pays et pour le secteur du tourisme, des voix éraillées s'élèvent contre les mesures annoncées par le gouvernement en faveur du secteur. Encore une fois, on met sur le banc des accusés nos hôteliers et nos voyagistes, alors qu'ils sont la première victime de cet acte terroriste. Quel message décrypter à travers cette levée de boucliers contre des acteurs déjà vulnérables, au lendemain de l'attaque terroriste, sinon celui d'achever le travail déjà entamé par les extrémistes, pour mettre à genoux une fois pour toutes le secteur du tourisme? Pourquoi tirer dans les pattes des hôteliers qui se saignent déjà aux quatre veines pour maintenir en activité un secteur déjà englué dans des difficultés inextricables? Comment demander au gouvernement de ne pas se ranger aux côtés des hôteliers et des voyagistes sans lesquels la machine à vendre des voyages se grippe? N'est-ce pas vouloir briser l'épine dorsale d'une activité où le poids des recettes et des emplois touristiques est des plus tangible ? Mais au lieu de pousser les analyses en vue d'extirper le mal de ses racines, animés d'un ardent désir de baliser la voie de la croissance à une industrie qui passe par un trou d'air, les détracteurs de ces mesures se sont employés à fourbir leurs armes pour les pointer en direction des hôteliers, des voyagistes et de l'administration du tourisme. Ils ont sûrement oublié que sans ces mesures, le secteur aurait été déclaré cliniquement mort! Lesquelles mesures qui auraient dû être prises bien avant cet acte criminel, mais pour des raisons que la raison ignore ont toujours été renvoyées aux calendes grecques. A titre de rappel, en plus de son emploi qui échappe à leur contrôle, le Fodec (Fonds de compétitivité touristique) est alimenté par l'argent des professionnels. Et ces mesures qu'on prétend « avantageuses et coûteront cher aux contribuables tunisiens » ne portent sur aucune subvention ou aide de l'Etat au secteur. Il s'agit d'un report de remboursement des crédits à la fin 2016, et de la possibilité d'octroi de nouveaux crédits exceptionnels en vue de financer les activités des établissements touristiques pour les deux prochaines saisons. Qui parle donc de la manne de l'Etat ? L'autre mesure concerne le rééchelonnement des dettes de ces unités auprès de la Sonede, de la Steg et le rééchelonnement du principal de la dette relative à la contribution des employeurs à la Caisse de sécurité sociale, sont des mesures dont bénéficient plusieurs entreprises économiques publiques. Sauf si l'on considère que les investissements privés ne constituent pas une richesse nationale qu'il faut veiller à sa préservation. Ces mesures serviront donc à alléger provisoirement les charges d'exploitation de ces établissements pendant cette période délicate. Enfin, la prise en charge des employeurs pour tous les établissements touristiques qui ne procéderont pas à des licenciements est une mesure sociale dont l'objectif n'est autre que le maintien du personnel malgré la crise. Elle profite beaucoup plus aux employés qu'aux patrons. Mais disons sans ambages, malgré ces mesures qui seront bénéfiques aux professionnels du secteur, rien ne garantit le maintien des établissements touristiques en activité. Car les touristes ne viendront pas à cause de ces mesures et des hôtels sans clients n'auront besoin ni de climatisation, ni de personnel. Et selon l'état de booking après l'attentat de Sousse, plusieurs établissements vont sûrement mettre la clé sous le paillasson. N'oublions pas que le tourisme tunisien est au creux de la vague. Et que le secteur vit le pire revers de son histoire. Après quatre années de troubles, avec une zone tampon au sud qui a ravagé la zone touristique Tozeur-Kebili, avec la zone de Tabarka au point mort depuis des années, avec la déclaration des monts de Semmema, Mghila, Lella Aicha, Ouergha zones militaires fermées, le périmètre touristique tunisien est devenu limité au seul littoral. L'attentat de Sousse a porté au balnéaire un coup dur qui intervient à un moment où notre hôtellerie souffre déjà du faible taux d'occupation à l'année, d'un revenu par chambre en chute libre, de la vétusté de certaines unités, de l'endettement manifestement lourd, du bradage des prix, de la baisse du niveau des prestations hôtelières, etc. Cette évidence s'abat sur les frêles épaules des hôteliers dont l'importance des investissements mobilisés et l'ampleur de leurs charges d'exploitation les acculent à tirer le diable par la queue. Il y a péril en la demeure et pour anticiper une belle sortie du tunnel, il fallait saisir toutes les propositions pour préconiser, dans une situation exceptionnelle, des mesures d'exception qui viendraient au secours des professionnels. Sinon la destination Tunisie disparaîtra des écrans du radar des TO à court terme. Ce serait donc une erreur que de réduire l'analyse de ces mesures au simple prisme d'une assistance publique à des hommes d'affaires confortablement assis. Sauf si l'intention est de donner le coup de grâce aux professionnels du secteur. Dans ce cas, le message serait clair: on achève bien les chevaux!