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Travail des enfants, entre le marteau et l'enclume
OPINIONS : International
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 08 - 2010

Qui d'entre nous n'a jamais porté de vêtements fabriqués par des enfants? Qui d'entre nous n'a jamais bu de café ou mangé de riz cultivés et ramassés par des enfants ? Qui de nos enfants ne s'est jamais amusé avec un jouet fabriqué à l'autre bout de la planète par un enfant de même âge ? Le travail des enfants est présent chez nous quotidiennement : dans nos placards, dans nos assiettes, dans nos salons, etc. C'est une conséquence induite de la mondialisation de l'économie. La société de consommation engendre une dépersonnalisation des produits : les consommateurs achètent des objets anonymes. Et pourtant l'objet a aussi une histoire ! Cette histoire est, parfois, celle du travail des enfants. Si culpabilité il doit y avoir, c'est, donc, d'une culpabilité collective qu'il s'agit, incluant, nécessairement, le consommateur. Consommer n'est pas un acte innocent, c'est un acte situé politiquement.
Situation inquiétante
Un enfant sur 4 travaille aujourd'hui à l'échelle planétaire. Selon le Bureau international du travail (BIT), il y avait, en 2002, environ 350 millions d'enfants de 5 à 17 ans exerçant une activité économique. Sur ces 350 millions, environ 250 millions travaillent dans des conditions inacceptables. L'une des grandes difficultés de la matière consiste dans l'absence de définition précise du travail des enfants et, plus particulièrement, de celui qui serait inacceptable. Où passe, en effet, la frontière entre les formes de travail des enfants qui seraient tolérables et celles qui ne le seraient pas ? Certes, un «job» d'été est bien entendu tolérable et, à l'inverse, la prostitution enfantine est, évidemment, intolérable. Entre ces deux extrêmes, il existe une infinité de situations très variées. L'âge est, également, un élément important. Le travail d'un enfant de 5 ans n'a rien à voir avec le travail d'un enfant de 16 ans. Il faut aussi distinguer entre le travail des filles et celui des garçons. Les filles étant souvent obligées de travailler pendant que les garçons sont envoyés à l'école. Les situations sont, également, distinctes selon que les pays utilisant le travail des enfants font partie des pays les moins avancés, c'est-à-dire sous-développés ou bien des pays émergents ou «nouveaux pays industrialisés». Le travail des enfants n'a pas non plus les mêmes caractéristiques selon les régions du monde (Afrique, Amérique du Sud, Asie…), ni selon les secteurs d'activité (agriculture, artisanat ou industrie). Il y a aussi le travail qui se voit (exemple : en usine) et le travail qui ne voit pas (exemple : le travail domestique). La réalité, à elle seule, est très complexe.
Effets néfastes
Le travail des enfants, dans ses formes les plus extrêmes, est fortement préjudiciable au développement des enfants. En effet, les formes dégradantes de travail entravent, de manière irrémédiable, le développement physique, intellectuel et affectif des enfants. De telles formes de travail empêchent, également à jamais, les enfants d'être scolarisés. Dans ces conditions, le travail des enfants a une particularité, en ce qu'il est susceptible de causer des dommages graves irréversibles sur la personne humaine. Les enfants qui travaillent sont le plus souvent des êtres humains brisés. C'est dans ce sens que la convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) de 1999, sur les pires formes de travail, tend à éradiquer l'esclavage et le travail forcé des enfants, la prostitution enfantine, le recrutement d'enfants aux fins d'activités illicites. Dans cette perspective, la lutte contre le travail des enfants permet de protéger les enfants en tant qu'individus.
Source de pauvreté perpétuelle
Comme l'évoque le BIT, «le travail des enfants doit être considéré à la fois comme une conséquence et comme une cause de la pauvreté et du sous-développement». De la même manière que le travail des enfants est préjudiciable au développement personnel des enfants, il est préjudiciable au développement économique des pays qui y ont recours. C'est un cercle vicieux dans lequel les enfants travaillent parce qu'ils sont pauvres, mais resteront pauvres parce qu'ils travaillent. Le travail enfantin n'offre aucune issue en termes de développement. C'est une source de pauvreté perpétuelle. Il ne suffit, cependant, pas d'interdire le travail des enfants pour œuvrer en faveur du développement. La problématique est plus globale et s'insère, nécessairement, dans une politique générale de développement économique et social.
Le travail des enfants n'est, donc, pas une solution à la pauvreté. Au contraire, le travail des enfants est emblématique du problème de la pauvreté. De la sorte, le développement des pays pauvres passe, de manière irrémédiable, par la lutte contre le travail des enfants. Dans le même ordre d'idées, ce développement passe aussi par l'émancipation des femmes et une mise en place de politiques de traitement égalitaire hommes-femmes. Outre les mesures d'aide économique, c'est, donc, à travers une véritable politique familiale et éducative que l'avenir des pays sous-développés se joue.
Hégémonie des firmes internationales
A partir des années 1990, la stratégie de délocalisation des firmes internationales va s'intensifier et dans certains secteurs, comme le textile ou la fabrication de jouets, les systèmes productifs sont, en partie, délocalisés dans les pays où la main-d'œuvre, en grande partie enfantine, est bon marché. On peut, donc, émettre, comme hypothèse, que la mondialisation de l'économie tend à aggraver le phénomène du travail des enfants. Dans une recherche des coûts de production les plus bas qui correspond à la fabrication de biens de faible complexité technologique, le travail des enfants est une opportunité intéressante pour les firmes internationales. Dans un marché à vocation mondiale fortement concurrentiel, il va de l'intérêt de ces firmes de chercher à réduire leurs coûts de production. La pression concurrentielle, ressentie au niveau mondial, pousse ainsi à utiliser la main-d'œuvre enfantine.
Avidité des pays sous-développés
Le travail des enfants n'est, toutefois, pas uniquement instrumentalisé par les firmes internationales. La difficulté du problème vient aussi de l'attitude des pays sous-développés eux-mêmes qui veulent profiter de l'avantage comparatif que leur procure le travail des enfants. C'est une manière pour ces pays d'attirer une activité productive étrangère ou bien de produire eux-mêmes à de faibles coûts. Le travail des enfants permet ainsi aux pays sous-développés de participer au commerce mondial de manière compétitive. Dès lors, le recours au travail des enfants n'est pas seulement le fait des firmes internationales qui choisissent une stratégie de délocalisation. Pour la majeure partie, la main-d'œuvre enfantine est employée par des entreprises locales. Seuls 5% des enfants actifs seraient affectés à des tâches de production de biens destinés à l'exportation, ce qui laisse une grande marge à l'utilisation du travail des enfants pour la production locale.
Réglementation juridique internationale à respecter
Au niveau international, la réaction au travail des enfants est ancienne. Dès 1919, l'OIT adopta une convention internationale n°5 sur l'âge minimum dans l'industrie (fixé à 14 ans). C'est en 1973 qu'un instrument international plus complet fut élaboré avec la convention de l'OIT n°138 sur l'âge minimum. Cette convention porte sur tous les secteurs d'activité et fixe l'âge minimum d'admission à l'emploi à 15 ans et, par exception, à 14 ans pour les pays dont l'économie et les institutions sociales ne sont pas suffisamment développées. Par ailleurs, cette convention établit un lien entre l'âge minimum d'admission à l'emploi et l'âge de la scolarité obligatoire.
A partir de 1990, le mouvement de lutte contre le travail des enfants s'intensifia. Tout d'abord, sous l'empire de la convention des Nations unies de 1989 sur les droits de l'Homme qui, à son article 32, reconnaît à l'enfant le droit d'être protégé contre l'exploitation économique. Il en découle des obligations pour les Etats, notamment celles de fixer un âge minimum de travail et de prévoir une réglementation appropriée des horaires de travail et des conditions d'emploi. Ensuite, sous l'égide de l'OIT qui lança, en 1992, un Programme international pour l'abolition du travail des enfants. Enfin, avec l'inscription de l'abolition du travail des enfants dans le socle des droits fondamentaux du travail proclamés lors du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague en 1995. Cette proclamation solennelle fut relayé par l'OIT qui adopta une Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail en 1998, parmi lesquels figure l'abolition effective du travail des enfants.
L'alternative
L'apprentissage devient une alternative au travail des enfants. Il permet à la fois aux enfants d'accumuler du capital humain technique, mais aussi de bénéficier d'un revenu pour satisfaire les dépenses quotidiennes. L'apprentissage lui-même se divise en deux catégories. D'un côté, on a l'apprentissage formel, lié à l'éducation formelle, dont la finalité est de former des techniciens. D'un autre côté, on a l'apprentissage informel ou traditionnel dont la mission est de forger des compétences immédiatement opérationnelles pour le marché du travail. Ces deux formes d'apprentissage sont plutôt complémentaires.
L'éducation informelle et, particulièrement, l'apprentissage traditionnel constituent un choix stratégique pour les parents les plus pauvres. Ces ménages vivent dans un environnement où la dynamique du secteur informel n'est plus caractérisée par sa faible accumulation en capital. Il permet, au contraire, l'enrichissement des entrepreneurs individuels. Les enfants à la sortie de leur apprentissage peuvent très bien se mettre à leur compte propre. Il est facile de créer son entreprise. L'enrichissement personnel d'un maître apprenti ou d'un chef d'entreprise dans l'informel traduit une réussite sociale, une image que ne véhicule plus guère l'éducation formelle. Dans un tel contexte, l'apprentissage traditionnel devient une voie privilégiée pour l'éducation des enfants.
Cette forme d'apprentissage est, cependant, extrêmement problématique. Elle repose souvent sur un lien de domination entre maître et apprentis. A ce titre, les méthodes d'enseignement du savoir-faire impliquent l'entrée en apprentissage des enfants en très bas âge (à partir de 5 ans). Une telle précocité de l'enseignement, sans relation affective, risque fort d'amputer les capacités émotionnelles des enfants. Par ailleurs, le faible niveau de capital humain obtenu par le biais de cet apprentissage limitera aussi les possibilités futures de choix des enfants et constitue, donc, un frein direct aux choix de modes de fonctionnement. Dans un tel contexte, il est clair que les politiques publiques ne sauraient trop faire pour favoriser le développement de l'éducation et inciter les parents les plus pauvres à envoyer leurs enfants suivre une scolarité dans le secteur formel.


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