Les travaux du colloque régional récemment organisé par l'ARFORGHE en collaboration avec la Fondation Konrad Adenauer Stiftung, ont été sanctionnés par une synthèse sous forme de cinq recommandations à savoir : 1ère recommandation : l'influence des conventions internationales du travail
En rappelant la notion de travail décent telle que définie par l'OIT (emploi type procurent stabilité et protection sociale), il y a lieu de constater que l'émergence des nouvelles formes d'emploi se caractérisent plutôt par la précarité et l'insuffisance du filet de protection sociale.
En effet, depuis 1998, l'OIT (Organisation internationale du travail) a adopté la déclaration des droits fondamentaux de l'homme au travail sans passer par le processus de ratification classique puisqu'il s'agit d'une urgence qui consiste à sauvegarder la clause sociale dans les accords du GATT avant de devenir l'Organisation mondiale du commerce. Dans le cadre de la mondialisation et l'abolition des frontières, la libre circulation des biens et des services devrait être compatible avec le respect de cette clause sociale quelque soit le niveau du développement du pays en question. Il s'agit du minimum international portant sur les principes humains pour éviter la concurrence déloyale entre les Etats sur la base de : - l'abolition du travail forcé - l'interdiction du travail des enfants - l'égalité de traitement entre hommes et femmes - le respect des salaires minima - le respect des libertés syndicales
2ème recommandation : la segmentation du marché du travail maghrébin
Suite à la pression du chômage des jeunes, le marché du travail maghrébin se caractérise par : - L'importance du marché informel dans les économies des pays du Maghreb (estimé à 80% en Mauritanie) - Le chômage des diplômés de l'enseignement supérieur - Le recul du secteur public suite aux restructurations économiques - L'inadéquation de la demande d'emploi à l'offre (malgré le chômage certaines offres d'emploi restent sans réponses) - Le taux d'activité féminine est en constante évolution (impact sur l'institution familiale) - Le poids des PME dans le secteur privé.
Tous les pays du Maghreb ont cherché à adapter leur législation de travail au nouveau contexte économique pour répondre aux nouveaux besoins des entreprises. Mais la segmentation du marché de travail pose de nouveau le filet de protection sociale. En effet, l'émergence des nouvelles formes d'emploi qui s'adaptent mal au droit de la sécurité sociale qui reste lié à l'emploi type.
3ème recommandation : réviser les mécanismes de financement de la sécurité sociale
Le choix de la solidarité professionnelle via les coti- contributions s'adapte parfaitement aux travailleurs permanents qui appartiennent au marché primaire : les fonctionnaires de l'Etat, le personnel statutaire des entreprises publiques et le personnel bénéficiaire des conventions collectives de branche du secteur privé. En gros, il s'agit du travail décent qui est stable dans le temps et procure une protection sociale satisfaisante.
Quant au marché secondaire occupé par les travailleurs précaires (travail partiel, travail temporaire, travail en sous-traitance, travail à domicile Le financement de la sécurité sociale se heurte à une insuffisance due à la durée d'occupation et donc au montant des salaires déclarés qui demeurent la base de calcul des prestations sociales. Qui donc devrait combler ce déficit en matière de protection sociale ?
Quant aux catégories vulnérables (les pauvres, les chômeurs, les handicapés ) leur prise en charge devrait être assurée par un filet de protection sociale financé essentiellement par l'Etat. Le système de sécurité sociale peut contribuer avec cependant une transparence entre le code de sécurité sociale et le code d'assistance sociale : la solidarité sociale au service de la solidarité nationale ou sociétale.
4ème recommandation : combler le vide juridique
En marge de l'emploi type, on assiste de plus en plus à l'émergence de nouvelles formes d'emploi qui demeurent parfois non réglementées par le droit moderne du travail. C'est pourquoi l'adaptation du droit du travail aux nouvelles formes d'emploi devrait être achevée pour réglementer le travail temporaire et le travail à distance. En effet, les entreprises de travail temporaire méritent d'être réglementées pour éviter la confusion avec les sociétés de sous-traitance du travail. Quant au travail à distance tel que le télé- travail qui commence à se développer via les centres d'appel qui tout en délocalisant leur activité cherchent à satisfaire les exigences de leurs clients 24H/ 24H et 7j/ 7j, leur rythme de fonctionnement reste inadapté à la législation classique du travail, d'où une urgence d'adapter la législation sociale à ces nouveaux besoins.
5ème recommandation : La voie de la flexicurité
Comment concilier la flexibilité de l'emploi avec la sécurité du travail ?
La réponse donnée par le modèle de la flexicurité pratiqué par les pays scandinaves n'est pas transférable aux pays du Maghreb. En effet, 3 conditions préalables sont nécessaires à l'adaptation de ce modèle : - Réduction de la protection de l'emploi : trop de protection de l'emploi nuit à sa création. - Indemnisation généreuse des chômeurs - Politique active de l'emploi via le droit à la mobilité et le droit à l'apprentissage à vie
Seule une formation de qualité pourrait garantir l'employabilité.
Après donc le droit du travail maghrébin en mutation, parce qu'il cherche à s'adapter au nouveau contexte économique, le tour est venu au droit de la sécurité sociale pour voir dans quelle mesure la couverture sociale est compatible avec ces nouvelles formes d'emploi. G.K.