Le chef du gouvernement résiste jusqu'ici aux pressions et aux recommandations et répète que seul le critère de la compétence sera pris en considération dans les futures nominations dans ce corps important et fort sensible Il semble que Habib Essid, chef du gouvernement, ne sait plus à quel saint se vouer face au flux de listes qui lui parviennent quotidiennement lui proposant de désigner telle ou telle personnalité au poste de gouverneur dans une région donnée. Idem pour les postes de délégué dans la mesure où l'on s'attend à un mouvement qui permettra, selon plusieurs sources, «d'écarter les délégués nommés par la Troïka et le gouvernement Mehdi Jomâa et qui ont conservé leurs postes après l'avènement du gouvernement Essid». Mohsen Marzouk, secrétaire général de Nida Tounès, n'y va pas par quatre chemins et afirme qu'il «est temps que les gouverneurs et les délégués que Habib Essid a hérités de la Troïka soient écartés. La raison est toute simple : ces responsables régionaux n'adhèrent pas à la démarche de développement prônée par Nida Tounès mise en place par le gouvernement actuel même s'il est considéré comme un gouvernement de coalition des quatre premiers partis issus des élections du 26 octobre 2014. Il est donc normal que les gouverneurs et les délégués soient désignés parmi les partis appartenant à cette coalition. Il est également normal que les électeurs demandent à Nida Tounès, auquel ils ont accordé leur confiance, des résultats concrets. A l'heure actuelle, la plupart des gouverneurs et des délégués en place ne peuvent pas être tenus pour responsables des politiques de développement que nous voulons appliquer dans les régions puisqu'ils n'appartiennent pas à notre parti ou même aux partis avec lesquels nous partageons des affinités plus ou moins étroites». Il ajoute, en s'adressant à ceux qui reprochent à Nida Tounès de vouloir se tailler la part du lion dans le prochain mouvement des gouverneurs et des délégués, attendu dans les prochains jours : «Partant du fait que Nida Tounès est le parti qui a gagné le plus grand nombre de sièges au Parlement, partant du fait que le gouvernement Essid est considéré comme le gouvernement de Nida Tounès même s'il comporte plusieurs ministres indépendants, d'Ennahdha, d'Afek Tounès et de l'Union patriotique libre, et partant enfin du fait que c'est Nida Tounès qui paiera en fin de compte les erreurs de ce gouvernement, il est inacceptable que la gestion des régions nous échappe et que notre parti soit sanctionné pour des fautes que d'autres pourraient commettre. Et dans les régions de l'intérieur, les dépassements, même insignifiants d'un délégué, jeune ou inexpérimenté, se paient cash». Dans le même contexte, Mehdi Abdeljaoued, membre de la direction élargie de Nida Tounès, est convaincu que «les véritables compétences doivent accéder aux postes de responsabilité dans les régions et réparent les catastrophes commises jusqu'ici par les gouverneurs et les délégués désignés par les gouvernements de la Troïka I et II au point que l'aura de l'Etat s'est trouvée bafouée à plusieurs reprises et que plusieurs délégations ont fonctionné des mois et des mois sans délégués du fait que ces derniers étaient interdits d'y accéder». Concertation? Pour le responsable nidaiste, «il est temps de mettre un terme définitif à cette situation et d'envoyer des messages rassurants aux habitants de ces régions qui attendent que les projets de développement décidés en leur faveur soient enfin exécutés». Du côté de Montplaisir, Ennahdha, principal partenaire de Nida Tounès au sein du gouvernement, adopte un autre discours et ses responsables se proclament les chantres du dialogue et de la concertation. Abdellatif Mekki, membre du bureau exécutif d'Ennahdha, confie à La Presse : « Nous n'avons soumis aucune liste au chef du gouvernement. Notre position est on ne plus claire et nette. La déclaration issue de la dernière réunion du Conseil de la choura a tranché. Nous appelons à ce que les nominations des gouverneurs et des délégués soient décidées à l'issue de consultations et de concertations entre les partenaires composant la coalition gouvernementale, sur la base de la compétence et rien que la compétence. A l'époque où la Troïka dirigeait le pays, il y avait une commission commune qui veillait aux nominations. Il est nécessaire que le gouvernement Essid comprenne que les désignations qui s'opéreront en dehors de la concertation sont inacceptables. Le gouvernement actuel est composé de plusieurs partis qui ont le droit absolu de dire leur mot en matière de désignation de responsables régionaux et locaux. Quant au discours de Mohsen Marzouk, secrétaire général de Nida Tounès, il montre clairement une volonté manifeste d'accaparer le pouvoir au sein de la coalition gouvernementale». Il est à préciser que l'on s'attend à ce que le prochain mouvement dans le corps des gouverneurs concerne 14 gouvernorats sur les 24 que compte le pays. Plusieurs sources précisent que le chef du gouvernement Habib Essid estime que «les noms qui lui ont été proposés jusqu'ici par les partis de la coalition n'obéissent pas aux critères de la compétence et du rayonnement». «Essid, ajoutent ces mêmes sources, ne ferme pas totalement la porte aux avis ou conseils des partis de la coalition, mais il refuse que les désignations se fondent exclusivement sur l'appartenance politique des candidats aux postes convoités». Et ce ne sont pas uniquement les 14 gouvernorats qui sont en compétition, il existe également les hauts postes au sein des sociétés nationales et des entreprises étatiques. Plusieurs nidaistes non satisfaits lors de la formation du gouvernement veulent y accéder. Et l'on s'attend à ce que Habib Essid vive bien des moments difficiles d'ici la fin du mois d'août s'il n'arrive pas à éteindre, à temps, le feu de la contestation parmi ceux qui le soutiennent.