Si l'élimination du dangereux jihadiste Mourad Gharsalli constitue un coup dur pour son organisation, rien ne prouve que celle-ci en pâtira longtemps Trois semaines après le retentissant coup de filet des unités spéciales de la Garde nationale (Usgn) aux monts Arbata (gouvernorat de Gafsa) et qui s'est soldé par l'élimination de cinq terroristes, dont le dangereux Mourad Gharsalli, on en parle encore et on risque même d'en reparler, non pour faire l'éloge de cette brigade devenue la bête noire de tous les terroristes ou pour prétendre remettre du baume au cœur des Tunisiens meurtris par la déprime, mais pour voir de quel bois se chauffera dorénavant la branche armée tunisienne de Daech, après la disparition de l'un de ses caïds les plus recherchés dans le monde. C'est que Gharsalli était, avant sa liquidation physique, l'épine dorsale et le maître à penser de cette branche sur laquelle il exerçait une grande influence depuis qu'il a pris les rênes au lendemain de l'élimination de son ex-caïd, Lokmane Abou Sakhr. Agé de 34 ans, originaire de Kasserine, Gharsalli a tôt fait de se forger une peu flatteuse réputation de guerrier doublée de celle d'un redoutable tireur d'élite. Des «atouts» qu'il avait engrangés au contact de son patron Abou Iyadh, puis lors de son dur apprentissage en Irak, en Syrie et enfin en Libye. Ayant fait partie des premiers effectifs d'Ansar Echaria, auteur du début d'un cycle infernal d'attentats perpétrés en Tunisie au lendemain de la révolution, Mourad avait réussi, la veille du mois de Ramadan, à ressouder ses rangs et à remettre, en un temps record, dit-on, de l'ordre dans ses troupes. Au point de planifier, pour le mois du jeûne, des attentats à la voiture piégée à commettre simultanément dans plusieurs régions du pays (Tabarka, Bizerte, Hammamet, La Marsa...). Et selon aussi les mêmes révélations de l'enquête, il y tenait si fermement qu'il bravait tenacement les souffrances de sa maladie qui l'a beaucoup amoindri. Les sécuritaires le savent Pour toutes ces raisons, d'aucuns ont accueilli la nouvelle de sa mort avec autant de satisfaction que de soulagement. Or, il n'en est pas de même pour nos forces de sécurité intérieure et de l'armée où le triomphalisme né de ce joli coup de filet l'a vite cédé au calme plat. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'on est convaincu, ici et là, que dans les traditions de l'internationale intégriste, la vie continue et la terre ne cessera jamais de tourner au lendemain d'une défaite, si cuisante soit-elle. En effet, selon ces traditions instaurées depuis les années 80-90 par Oussama Ben Laden, la notion de hiérarchie est scrupuleusement respectée, orgueilleusement protégée. En ce sens que le poste vacant d'un caïd disparu est vite occupé par un autre caïd conformément à un classement par ordre de mérite et d'expérience. C'est pourquoi d'ailleurs, Al Qaïda a survécu à la mort de Ben Laden, Ansar Echaria n'a pas souffert en Tunisie de la fuite en Libye de son homme fort Abou Iyadh, alors que le réseau Okba Ibn Nafaâ est toujours là, menaçant, en dépit de l'élimination de Lokman Abou Sakhr. Loin de nous, c'est pareil, puisque Abou Bakr Al-Baghdadi n'a rien perdu de sa triste aura internationale malgré la mort de trois de ses proches lieutenants pulvérisés par les drones américains en Irak et en Syrie. Et les exemples abondent, qui prouvent qu'un Gharsalli en appelle un autre. «Nous en sommes entièrement conscients», reconnaît dans le QG des unités spéciales de la Garde nationale (Usgn) à la caserne d'El-Aouina où on est persuadé que «les caïds terroristes se reproduisent à un rythme anormal, d'où la persistance de leurs menaces potentielles».