Nous avons tous entendu en boucle les discours respectifs de Kais Saied et Nebil Karoui à la radio, sur les plateaux télé, dans les réseaux sociaux mais a-t-on regardé du côté de leurs gestes et de leurs expressions faciales. Disent-ils autre chose que leurs paroles ? Cela reste à découvrir… Dans une situation de communication directe, nous recevons les informations à partir de deux canaux : les paroles certes mais également la gestuelle. Notre conscience s'intéresse au discours et notre inconscient est beaucoup plus intuitif et perspicace. Il retient plutôt les éléments captés par le corps qu'il s'agisse d'expressions faciales ou de gestes corporels. Nabil Karoui, le deuxième favori du peuple est un homme de pouvoir au vrai sens du mot. Il s'agit d'un homme d'affaires qui possède richesses, alliés et des relations à l'étranger mais aussi une expérience politique comme l'entendent les médias. Mais que vaut tout cela quand le candidat n'a même pas sa liberté ? En effet, Nabil Karoui est en prison. Mais avant d'être appelé devant la justice, il a été accusé, à tort ou à raison, de plusieurs félonies. Dans son interview avec Meriem Belkadhi dans le programme « Tounes Alyaoum », la journaliste énumère les accusations qui lui sont attribuées tels que le blanchiment d'argent ou encore l'évasion fiscale. Le candidat aux présidentiels semble dérangé par ce rappel qui n'est pas très glorieux. En effet, il montre une émotion de tristesse puisque les deux côtés des lèvres prennent furtivement la forme d'un demi-cercle penché vers le bas. Ce changement facial est appuyé par un léger pincement de lèvres qui révèlent peut-être un désarroi. Toutefois, il ne s'agit pas de la seule émotion divulguée. En effet, le dégoût est tout aussi présent par le mouvement du nez qui remonte légèrement. Simultanément, une troisième émotion se met en place à savoir le mépris ; la personne se retrouve jugée et condamnée. Suite à tout cela l'émotion de la colère surgit. Il y a eu comme une escalade émotionnelle. Toutes ces émotions ressenties à la fois suggèrent non seulement que le sujet met l'homme d'affaires certainement mal à l'aise mais aussi qu'il semble ressentir de l'injustice. Les accusations ne terminent pas, Meriem Belkadhi passe à la question en rapport avec son association l'accusant d'avoir instrumentalisé cette dernière pour faire de la propagande puis pour proposer sa candidature. Cette accusation déclenche plusieurs émotions aussi. Nous remarquons mépris, colère et dégoût s'assemblant encore une fois mais cette fois-ci nous avons deux gestes qui s'ajoutent aux micro-expressions à savoir le penchement de la tête et la remontée de l'épaule gauche. La personne montre des signes de confusion et de malaise. Dans tous les cas le sujet évoqué est un point qui fait mal. Le malaise devient tellement fort qu'à un moment donné le candidat déclare de ne pas vouloir répondre. Il se contente de dire « je ne peux même pas le souhaiter à un ennemi » cette réponse a été suivie de grande tristesse par une posture de repli sur soi et des côtés des lèvres qui visent encore une fois vers le bas suivis de sourcils qui retombent légèrement. Il s'agit d'un vrai moment de sincérité de la part de Nabil Karoui qui a été blessé par ce sac d'accusations. Nous avons pu remarquer que le visage de Nabil Karoui ainsi que son corps dévoilent beaucoup d'éléments. Le candidat est une personne très expressive. Elle s'inscrit dans la spontanéité ce qui fait de lui une personne charismatique qui peut facilement attirer la sympathie du peuple. Les plus grands hommes politiques qui ont gagné le cœur du peuple ont ce trait de caractère comme Bill Clinton et Obama. Parler la langue du corps est beaucoup plus impactant parce que c'est la langue la plus ancienne et la plus commune. Mais parfois elle peut trahir la personne. En effet, nous pouvons parfois tomber dans l'excès. Dans une interview « Nabil Karoui parle de sa vision pour les Jeunes Tunisiens » Nous pouvons remarquer dans certaines séquences comme dans la majorité de la vidéo des mouvements presque frénétiques. Il y a beaucoup de gestuelles . En effet, en observant nous voyons que le candidat utilise beaucoup ses mains. Toutefois, les gestes de ses mains ne sont pas là toujours pour appuyer ce qu'il dit dans la mesure où le geste qu'il fait ne renvoie pas nécessairement à l'idée émise. Il y a une simple présence de mouvements dans plusieurs parties de l'interview. Cette utilisation qui peut réellement être spontanée peut devenir tout aussi gênante quand il s'agit de mouvements sans réel message derrière. Cela peut créer une confusion chez celui qui regarde. La question qui se pose : fait-il exprès d'utiliser autant de mouvement ? Nous pouvons dire que cette pseudo-agitation est soit une expression d'une excitation interne non gérée dans le sens ou il se laisse emporter par son rêve pour la Tunisie ou un moyen d'embrouiller celui qui regarde pour qu'il ne se concentre pas sur les paroles car dans certains cas beaucoup de mouvements révèlent un manque de maîtrise du sujet compensée par un excès de mouvements. Pourtant sa gestuelle générale s'inscrit dans le naturel. Son corps ne se tient pas en place, nous pouvons voir cela clairement quand il évoque Youssef Chahed sa gestuelle déborde à droite et à gauche . Sa posture est rarement symétrique tout cela dévoile de la liberté, de la souplesse comme pour dire « je suis authentique à moi-même» et « je n'ai rien à cacher ». Il ne regarde pas ses interlocuteurs droit dans les yeux. La plupart du temps les mouvements oculaires sont divers il n'y a certainement pas de mal à cela sauf qu'un regard plus stable donne beaucoup plus d'assurance au message verbal et montre une meilleure capacité à structurer les idées. Tous ces éléments créent une image d'une personne qui a de la transparence qui ne se cache derrière aucun masque et ne joue aucun rôle. Toutefois si nous retournons à une ancienne vidéo nous verrons au contraire un homme qui essaye de se maîtriser et dont les expressions faciales sont beaucoup moins apparentes. Si nous comparons cette interview à la fois ou le candidat a déclaré sa décision de s'inscrire aux élections nous verrons une grande différence sur le plan du langage corporel. La première question posée lors de cet entretien était « Avez-vous décidé de vous présenter en tant que candidat à la présidentielle ». Le candidat déclare verbalement avoir décidé d'être « sincère, honnête et transparent » et annonce son « intention de se porter candidat » une déclaration qui semble claire sans laisser place aux interprétations pourtant son corps n'est pas de cet avis. Lorsqu'il dit « j'ai décidé » avec un mouvement de tête il dit « non » puis il y a l'épaule gauche uniquement qui remonte lorsqu'il annonce vouloir être « transparent ». Nous n'allons pas jusqu'à penser que la personne ne dit pas la vérité mais nous pouvons avancer qu'elle ne dit pas toute la vérité. Dans cet exemple, il y a un décalage entre ce qui est dit et ce qui est fait. Ce décalage montre une certaine hésitation de la part de Nabil Karoui. Ses paroles sont fermes mais sa gestuelle ne l'est pas surtout lorsqu'il parle du « je » et sa tête n'est pas en accord avec lui. C'est quelqu'un d'autre qui a décidé à sa place ou l'a poussé à candidater ? La transparence est-ce un élément à mettre en doute ? Qui aurait influencé sa décision de candidater est ce vraiment les gens démunis comme il le déclare à « Tounes Alyawm » . ou d'autres personnes ? La lecture gestuelle de Nabil Karoui est plus facile à détecter puisque tout son corps est expressif et cette attitude le rend aimable aux yeux de ceux qui regardent. Quant à Kais Saied, la lecture était plus délicate puisque son corps s'inscrit dans la rigidité et cela crée la confusion chez le spectateur qui à ce moment se doit de se concentrer beaucoup plus sur ce qu'il dit. Etude gestuelle des candidats aux élections: Kais Saied, que dit son corps ?