La révision de la loi de la concurrence et des prix est devenue, pour les pouvoirs publics, une exigence nationale en vue de préserver l'économie nationale sur la base d'une organisation optimale du marché conformément aux normes internationales. La Tunisie a opté depuis des années déjà pour l'économie du marché après la crise vécue au cours des années quatre-vingt et la mise en œuvre d'un plan de réforme structurelle (PAS). Plusieurs textes législatifs ont été promulgués et des mécanismes ont été mis en place en vue de concrétiser cette orientation économique consistant à consacrer l'économie du marché. L'un des textes les plus importants publiés dans le journal officiel concerne la loi de la concurrence et des prix qui date de 1991 ainsi que la loi organisant le commerce de distribution, promulgué au cours de la même année. On peut citer aussi la loi de protection des consommateurs qui a vu le jour en 1992, suivi de la révision du code des investissements, une année plus tard. Dans une perspective d'intégration dans l'économie mondiale, l'Etat a jugé approprié, à juste titre d'ailleurs, de se dégager de plusieurs activités concurrentielles au profit du secteur privé. La Tunisie a adhéré à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994 et signé un accord de partenariat avec l'Union européenne, l'année suivante. Cependant, ce processus de l'économie de marché a provoqué de nombreuses problématiques socio-économiques, aggravées au cours des dernières années à la suite de la crise économique mondiale et aux perturbations politiques au niveau national. L'économie légale et organisée et le commerce parallèle ont été obligés de cohabiter malgré l'écart qui existe entre les deux genres. On a constaté aussi un manque de transparence des prix, la monopolisation de certains secteurs et l'absence d'une vraie concurrence. Même le contrôle économique est mis en cause, vu sa faiblesse et ses moyens limités pour agir efficacement et à large échelle. Des mécanismes de régulation du marché La révision de la loi de la concurrence et des prix est devenue pour les pouvoirs publics une exigence nationale en vue de préserver l'économie nationale sur la base d'une organisation optimale du marché conformément aux normes internationales en vigueur. Des bailleurs de fonds mondiaux ont recommandé, de même, d'effectuer, dans les meilleurs délais, les réformes nécessaires. Ainsi, la banque mondiale, par exemple, a souligné dans son rapport en date du 17 septembre 2014 l'importance de commencer à éliminer les barrières dressées devant la concurrence dans tous les secteurs y compris celui des services. La concurrence mise en œuvre sur des bases solides et saines permettra d'accélérer la création de nouveaux postes d'emploi — estimés à 50 mille — et de renforcer le secteur commercial qui contribuera à la croissance de près de 4,5%. Mieux encore, l'amélioration de la compétitivité de l'économie nationale, la relance de l'investissement et de l'exportation ainsi que la maîtrise des prix et de l'inflation tout en poursuivant la protection des consommateurs et de son pouvoir d'achat ne peuvent être réalisées que par une révision de la loi de la concurrence et des prix. Toutefois, cette loi aussi importante soit-elle ne constitue qu'un maillon de toute une chaîne du secteur commercial. En effet, la réforme entreprise à ce niveau doit être accompagnée par d'autres qui concernent la fiscalité, la douane, le code des investissements. L'Etat a déjà commencé à entreprendre les réformes de ces secteurs. De nouvelles législations devraient être promulguées en vue de renforcer le partenariat entre les secteurs public et privé, d'instituer la décentralisation — conformément aux dispositions de la Constitution — dans le cadre de la bonne gouvernance. C'est dans ce sens que s'inscrit l'amendement de la loi n°64 du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et des prix. Les axes de la réforme s'articulent autour de la libéralisation des prix et la concurrence, la transparence, et les pratiques spéculatives, les produits et les services homologués. Le commerce parallèle fausse la donne Le commerce parallèle demeure l'une des problématiques qui n'a pas encore trouvé de solution malgré la volonté exprimée par les pouvoirs publics. Les consommateurs constatent encore dans plusieurs zones des produits venus d'Asie d'une qualité hors normes mais qui sont proposés à des prix abordables défiant toute concurrence. Le commerce parallèle se fait à travers la contrebande. Nombreuses personnes travaillent dans ce secteur en important, d'une façon illégale, des produits à partir de la Libye. Une intégration des personnes qui vivent de ce type de commerce dans le circuit légal pourrait changer la donne et réduire un tant soit peu la contrebande. En fait, le commerce parallèle est une activité pratiquée en dehors du cadre réglementaire dans la mesure où les produits achetés ou vendus se font sans présentation de facture, ce qui veut dire que «le commerçant» ne s'acquitte pas de son devoir fiscal. En outre, les produits vendus peuvent être dangereux pour la santé des consommateurs dans la mesure où aucun contrôle sanitaire ni analyses ne sont effectués à l'entrée des frontières tunisiennes. Les circuits du commerce parallèle sont empruntés par les contrebandiers qui ne se contentent pas uniquement de l'importation mais exportent également des produits tunisiens illégalement, selon les besoins, vers les pays voisins et particulièrement la Libye. Aucune déclaration d'importation n'est formulée aux services compétents et cela constitue une infraction grave. Toutefois, le commerce parallèle ne se limite pas aux importations illégales. Certains produits imités sont fabriqués à l'intérieur du pays, mais qui sont d'une qualité inférieure. Ces produits se trouvent notamment dans les marchés hebdomadaires et anarchiques. Parmi ces articles ont peut citer le shampoing, les produits de beauté et de nettoyage... Des pertes substantielles pour l'Etat La banque mondiale a réalisé au cours du mois de décembre 2013 une étude sur le commerce parallèle qui a montré plusieurs lacunes au niveau des mécanismes de contrôle et de gestion de l'Etat. A cause de ce phénomène qui n'est pas encore totalement maîtrisé, la trésorerie de l'Etat a enregistré une perte estimée à 1.2 milliard dont 500 millions de dinars en tant que droits de douane. A noter que la valeur des échanges commerciaux parallèles avec les deux pays voisins – en l'occurrence la Libye et l'Algérie – sont estimés à près de 1.8 milliard de dinars, soit l'équivalent de 5% de l'ensemble des importations légales et la moitié des échanges autorisés avec les deux pays précités. A eux seuls, les hydrocarbures de contrebande représentent près de 20% de la consommation nationale. Egalement, 60% de la production agricole sont commercialisés en dehors des circuits de distribution légaux – à savoir les marchés de gros – qui se caractérisent par de nombreux intervenants dont les intermédiaires entre les agriculteurs et les commerçants de détail. Une telle situation a encouragé plusieurs commerçants à ne pas appliquer la marge bénéficiaire légale, ce qui a provoqué, une flambée des prix. Malgré l'abondance de la production. Le système fiscal et l'administration douanière comportent, eux aussi, certaines lacunes qui doivent être traitées pour pouvoir appliquer correctement l'économie de marché et instituer la transparence des transactions tant attendue. Certains produits échangés avec les pays voisins sont assujettis à des niveaux différents de droits de douane. A titre d'exemple, ces droits sont de l'ordre de 6% en Libye et de 33% en Tunisie. Les importateurs se plaignent que des tarifs de référence appliqués à l'importation ne sont pas actualisés et les certificats de production d'origine ne sont pas toujours exigés. La corruption, la faiblesse du contrôle au niveau des frontières et le manque de moyens logistiques et humains ont aggravé la situation au cours des dernières années. Les professionnels sont pour la réalisation de réformes approfondies dans les domaines douanier et fiscal en diminuant les droits sur certains produits importés et en abaissant le taux du droit à la consommation qui doit tenir compte de la nouvelle donne du commerce mondial. Plusieurs pays ont tiré profit du démantèlement des droits douaniers contrairement à la Tunisie dont la réglementation se caractérise encore par son aspect protectionniste dans le but de préserver le niveau des recettes de l'Etat. Repères... Les mécanismes du marché doivent être en mesure d'assurer l'équilibre entre l'offre et la demande, ce qui permettra de définir les prix de tous les produits et des services soumis à la concurrence et libéralisés. Les transactions doivent se faire, en outre, en respectant le principe de la transparence. En cas de contentieux entre le commerçant et le consommateur, le règlement à l'amiable est toujours favorisé. Au cas où aucune solution n'est trouvée, le consommateur peut recourir aux tribunaux pour faire valoir ses droits. Le rôle de l'Etat pour contrecarrer le commerce parallèle demeure déterminant selon certains professionnels. Ce phénomène constitue, selon eux, un frein pour concrétiser réellement la concurrence loyale dans le cadre de la transparence totale. La solution la plus appropriée est d'intégrer les commerçants du marché parallèle dans le secteur légal. La consultation du Conseil de la concurrence est nécessaire, selon les professionnels, pour prendre toute décision relative à la définition du niveau des prix. Cette structure regroupe des compétences dans le domaine commercial qui sont capables de prendre la décision la plus appropriée pour ce qui est des prix. Pour ce qui est des produits agricoles, il est nécessaire de prendre en compte le coût de la production dans la fixation des prix en cas de besoin. La consultation des professionnels dans ce secteur est indispensable avant toute intervention de la part des autorités publiques lors des importations des produits qui sont disponibles même en quantités réduites sur le marché local.