Par Abdelhamid Gmati Le terrorisme a fait de nouvelles victimes : deux de nos quatre militaires blessés par l'explosion d'une mine antipersonnel, au Jebel Mghila, ont succombé. Et il est à craindre que cela ne soit pas terminé. C'est ce que laissent entendre les activités de nos soldats dans les montagnes et la chasse aux terroristes que mènent les forces de l'ordre. Chaque jour on nous annonce démantèlement de cellules dormantes ou actives et arrestations par dizaines. Le 17 août, 74 rafles, ayant permis l'arrestation de 305 personnes recherchées pour diverses infractions, ont été effectuées. L'une d'entre elles était recherchée par l'unité nationale de recherche des crimes terroristes, et avait en sa possession plusieurs CD comportant des séquences d'entraînement au combat. Dimanche, on apprenait qu'une cellule terroriste, dont les membres ont prêté allégeance et adhérait à l'idéologie de Daech a été démantelée. Ses membres, dont un élément très dangereux, ont été arrêtés à Bizerte. Ils projetaient de commettre des attentats ciblant les institutions sécuritaires et militaires. A Kairouan, les unités sécuritaires relevant de la garde nationale ont démantelé un réseau terroriste composé de six personnes, qui avait l'intention de commettre des actes terroristes, à l'encontre de sites vitaux à Kairouan et dans d'autres régions du territoire tunisien. Tous les membres de la cellule ont été arrêtés et un imam, écarté précédemment qui incitait les jeunes à attaquer le poste de police d'El Menchia à Kairouan, fait partie du réseau. Ces actions se poursuivent, avec succès, depuis des semaines. Et on se rend compte de l'ampleur de cette gangrène qui s'étend sur tout le pays. Et cela appelle à certaines interrogations. Comment se fait-il que ces cellules se sont implantées sans être remarquées et empêchées ? On savait que nos forces de sécurité étaient très efficaces avant la Révolution et étaient aux aguets sur tout le territoire national. Ont-elles perdu leur efficacité du jour au lendemain ? Et pourquoi ont-elles retrouvé cette efficacité ces derniers mois ? Des éléments de réponse nous sont fournis. Le 15 août dernier, le secrétaire d'Etat chargé des Affaires de sûreté, Rafik Chelly, a annoncé que la révision de certaines nominations anarchiques au cours des deux dernières années au sein du ministère de l'Intérieur est examinée, et que des mesures seront prises si l'existence de liens entre des agents de sûreté et des parties extrémistes sont prouvées. Notre journal en ligne La Presse News, de lundi dernier, nous apprend que «plus de 7.800 dossiers d'agents de sécurité recrutés ces derniers années ont été passés au crible par les services spéciaux. Environ 200 cas d'agents douteux ont été relevés, dont environ 120 pour relation présumée avec les milieux extrémistes». C'est explicite. Mais il n'y a pas que les recrutements ciblés qui sont en cause. Il faut aussi considérer les nombreuses nominations partisanes à des postes de commandement, effectuées par les gouvernements de la Troïka, qui ont paralysé les forces de l'ordre et permis aux terroristes d'essaimer. C'est dans cette optique qu'il faut comprendre les nominations entreprises ces dernières semaines par le ministre de l'Intérieur. Un début de purge visant à écarter les éléments nocifs. Mais il n' y a pas que cela. On se pose également des questions concernant la justice. Les arrestations de terroristes se suivent sans qu'il y ait une suite judiciaire. Aucune condamnation de terroriste jusqu'ici. On sait les péripéties de 7 présumés terroristes, arrêtés deux fois et libérés par un juge d'instruction. La police présente-t-elle des présumés coupables sans dossier d'accusation solide et sans preuve ? Ou y a-t-il laxisme voire complicité de la part des juges ? La députée Nida Tounès, Bochra Belhaj Hmida, et présidente de la commission spéciale en charge d'enquêter sur l'affaire des 7 détenus qui auraient subi des actes de torture, estime que «certains juges tunisiens ne sont pas aptes à se charger d'affaires de terrorisme, ceci est dû à un manque de compétences»... Et elle précise : «L'un des détenus a avoué qu'il a des liens avec Daech en Irak : le juge ne lui a même pas posé les questions de circonstance, concernant des appels téléphoniques qui ont eu lieu entre lui et un combattant de Daech se trouvant en Irak !». Lui répondant, Raoudha Laâbidi, présidente du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT), affirme que «si Mme Bel Haj Hmida estime que certains juges menacent la sûreté nationale, j'estime, pour ma part, que ses déclarations menacent aussi la sûreté nationale». Et à la question de savoir s'il existait une suspicion de corruption sur l'enquête ou le traitement judiciaire de ladite affaire, Raoudha Laâbidi botte en touche estimant qu'elle ne «ni affirme ni infirme cette hypothèse. La suspicion de corruption pèse sur tout le pays et pas seulement sur le secteur de la justice». Nous ne sommes pas plus avancés. Reste que cette nécessaire purge devrait englober aussi plusieurs autres secteurs de l'administration. C'est en tous cas l'avis de Mohsen Marzouk, secrétaire général de Nida Tounès, dans une interview accordée à notre journal : «Il faut réviser toutes les nominations partisanes qui ont été faites à l'époque de la Troïka. Il faut surtout faire attention à ces gens qui ont des responsabilités régionales et locales. Sont-ils d'accord sur la stratégie du gouvernement actuel qui consiste à combattre le terrorisme ? Est-ce qu'ils sont tous engagés dans ce combat ? Est-ce qu'ils sont engagés dans la mise en place des grands projets qui sont en train d'être réalisés dans le pays en ce moment. Sachant que des milliards sont encore à la disposition de ces projets qui n'ont jamais été concrétisés ? Il y a même des fonds alloués depuis 2009 qui n'ont pas été utilisés pour des problèmes fonciers. Donc, cette révision des nominations est une question fondamentale. Nous comprenons que le gouvernement ait des priorités, mais pour nous, cette affaire de révision est une grande priorité». Cela sera-t-il suivi d'effet ?