Hommage au photographe italien Gigi Sorrentino jeudi dernier en collaboration avec l'association «Dom Polski» à l'espace culturel Dar Bouassida à Radès. "Luigi Sorrentino — «Gigi» pour ses amis et tous ceux qui le connaissent — est un Napolitain né en France, professeur de langues étrangères, travaillant à l'étranger depuis de longues années : Maroc, Pays de Galles, Irlande, Argentine et dernièrement en Tunisie, plus précisément à Tunis où il a résidé pendant quatre ans. Cosmopolite et voyageur curieux et infatigable, il a développé son goût pour la photographie durant ses nombreux voyages à travers le monde afin d'assouvir sa soif de culture. Protagoniste de nombreuses expositions personnelles et collectives (à Naples, Casablanca — où il a remporté le prix «Casablanca en noir et blanc» —, Lille), il a été invité aux rencontres internationales annuelles de photographie de Ghar El Melh et trois de ses œuvres ont été sélectionnées parmi les meilleures photos du concours Wikimonuments Tunisia 2014." En 2015, on a eu le plaisir de découvrir le fruit de ses déambulations au quotidien dans les villes et les quartiers de Tunisie au travers d'un magnifique ensemble de photographies présenté lors de deux expositions, la première intitulée : «Tunis-ville invisible» avec la collaboration de l'Institut italien de la Culture à la Maison des arts du Belvédère et la deuxième porte le titre : «En Voyage avec Ryszard Kapuscinski» avec la collaboration de l'association «Dom Polski» au club Tahar-Haddad. Pour rendre hommage à cet artiste amoureux de la Tunisie et à son art qui a mis en valeur notre richesse patrimoniale et a immortalisé une partie de l'âme tunisienne : en captant l'authentique, le savoureux, le parfumé, le simple et le beau dans tout ce qu'il entrevoyait, une rencontre avec le photographe a eu lieu jeudi dernier pour lui rendre hommage et lui dire au revoir. Gigi Sorrentino s'est manifesté une dernière fois en présence d'un bon nombre de ses amis et de ses admirateurs tunisiens et italiens. «Après quatre ans, je rentre à Naples avec un autre pays dans mon cœur et de nouveaux amis à aimer. Merci beaucoup pour avoir organisé cette soirée», a-t-il dit. Lors de cette rencontre, on a eu le plaisir d'assister à une projection où défile une collection d'œuvres impressionnantes que Luigi Sorrentino a réalisées durant son séjour en Tunisie. Au travers de son travail, il montre que la structuration d'un pays reflète les valeurs que véhicule la société. Et celle-ci s'exprime à fond dans les villes, les quartiers ou les bâtiments qu'elle construit. Ce qu'on n'arrive pas toujours à réaliser, ni à discerner l'ensemble des valeurs ni la richesse inestimable contenue entre leurs murs, leurs portes et leurs rues. C'est à ce moment que le travail de Luigi Sorrentino, qui s'attarde sur des lieux ordinaires, simples ou parfois symboliques et chargés d'histoire, vient nous éclairer. Des lieux de la ville de Tunis, des bâtiments et des objets si directement symboliques, si immédiatement chargés d'un sens qui les déborde sont passés par le prisme de la sensibilité du photographe. D'autres photographies représentant divers personnages reflétant une émotion, une idée, ou une impression. Ils sont représentés simplement, sans pose, dans leurs attitudes de tous les jours. De simples gens sur lesquels le temps semble s'être arrêté. Ce qui donne au spectateur la distance nécessaire pour appréhender cette simplicité figée, pourtant transformée, à travers l'objectif, en une œuvre solide et attachante. Selon le cadrage choisi, le photographe nous donne à voir des fragments de vie, réduits à des regards et à des gestes révélateurs. Des portraits sur un fond sobre contrastant avec une lumière bien étudiée et bien ajustée, accentuée des impressions pour révéler des thèmes touchants. Les photographies nous révèlent des fractions de seconde, où l'éphémère rend les espaces temps scintillants, d'où des séries de poses en gros plan mettant en avant les visages de vieilles personnes ordinaires et chaleureuses ou des enfants au sourire béat, ou encore dans cette scène lumineuse d'un vieil homme devant la porte d'un vieux bâtiment, une femme au safsari, tous deux beaux et resplendissants dans la lumière bien renvoyée par toute une technique du savoir-capter, du cadrage et des tons d'éclairage. «Parfois il me suffit d'une échappée au beau milieu d'un paysage incongru, de l'apparition de lumières dans la brume, de la conversation de deux passants qui se rencontrent dans la foule, pour penser qu'en partant, je pourrai assembler pièce par pièce la ville parfaite, composée de fragments jusqu'ici mélangés au reste, d'instants séparés par des intervalles, de signe que l'on fait et dont on ne sait pas qui les reçoit. Si je te dis que la ville vers laquelle tend mon voyage est discontinue dans l'espace et le temps, plus ou moins marquée ici ou là, tu ne dois pas en conclure qu'on doive cesser de la chercher». Luigi Sorrentino continuera donc sa quête, il change de direction mais en portant notre belle Tunisie dans son cœur !