Par Brahim OUESLATI Selon l'Organisation mondiale pour la migration (OIM), «plus de 350.000 migrants ont traversé la Méditerranée depuis janvier 2015» dont, au moins, «2.643 sont morts en mer, après avoir tenté de rallier l'Europe». Ce nombre «dépasse déjà largement celui de l'année dernière» où durant toute l'année 2014, «219.000 migrants avaient traversé la Méditerranée, et quelque 3 500 personnes avaient trouvé la mort ou avaient été portées disparues en Méditerranée», selon le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Et le flux continue avec son bilan macabre de morts noyés, suite au naufrage de leurs embarcations de fortune ou encore asphyxiés dans des camions de passeurs qui les entassent comme du bétail. Les chiffres sont encore plus alarmants qui, selon le projet d'open «data The Migrant Files», indiquent que «30.816 personnes sont mortes ou ont disparu aux portes de l'Europe depuis 2000». La Libye, plaque tournante du trafic migratoire Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, la Libye est devenue une sorte de plaque tournante de la migration clandestine. Ses côtes connaissent, chaque semaine, des naufrages au cours desquels plusieurs dizaines de migrants meurent noyés. Le mois d'avril dernier a connu l'un des plus grands drames, si ce n'est le plus grand, quand un navire a chaviré en pleine Méditerranée entraînant la noyade de plus de 700 personnes. Le chaos qui s'y installe a favorisé l'émergence de toutes sortes de trafics et la multiplication de réseaux de passeurs. La Libye a plus de 3.400 kilomètres de frontières avec six pays et 1.770 kilomètres de côtes. En proie à une guerre civile, elle est incapable, en l'absence d'Etat et d'institutions, de contrôler ses frontières devenus de vraies passoires. Tout comme la Libye, la Syrie, en plein chaos, voit sa population fuir chaque jour les atrocités de la guerre et les exactions de Daech. Des centaines de milliers de Syriens ont quitté leur pays dans des conditions déplorables et plusieurs d'entre eux sont portés disparus. L'Irak n'est pas à son tour épargné par ce fléau migratoire ainsi que le Yémen et d'autres pays d'Extrême Orient. Ces migrants empruntent ce qui est appelée «la route des Balkans de l'Ouest», chemin privilégié également par les Albanais, les Kosovars et les Serbes. L'Europe peine à se mobiliser Face à cette «crise sans précédent», l'Europe peine à se mobiliser et elle ne nourrit pas l'illusion de la résoudre. La solidarité, qui a souvent prévalu en temps de crise entre les Etats européens, se fissure à la lumière des flux de migrants qui continuent à fouler le sol du Vieux continent. «Jusque-là, les Vingt-huit étaient parvenus à un accord au rabais sur la prise en charge des demandeurs d'asile et sur le nombre de places accordées dans chaque pays». Et si l'Allemagne, qui a décidé de ne plus renvoyer les demandeurs d'asile syriens, s'est déclarée prête à recevoir jusqu'à 800.000 nouveaux migrants, d'autres pays font de la résistance et envisagent même la solution militaire pour repousser ces «nouveaux envahisseurs». Mais la crise est plus profonde encore et se pose aussi en termes de sécurité malgré l'étanchéité des frontières et le verrouillage des points d'accès en Europe par un système coordonné de visas Schengen. L'Europe se trouve, en effet, sous la menace terroriste et elle n'est jamais à l'abri d'un coup comme celui de Charlie Hebdo. Cette menace demeure persistante tant demeure l'instabilité provoquée par ce qui est faussement appelé «printemps arabe» et dont certains pays européens et leurs protecteurs américains sont en partie responsables, comme c'est le cas de la Libye et de la Syrie. Et ces promesses faites à la Tunisie? La résolution de la crise migratoire est tributaire, également, de la résolution des crises qui secouent les pays du sud méditerranéen surtout. Toute stratégie à long terme qui ne prend pas en compte l'aide au développement à ces pays afin de juguler la migration clandestine, devenue incontrôlable et liée à «des trafics en tous genres qui posent des problèmes sécuritaires et criminels», sera vouée à l'échec. La Tunisie n'est pas épargnée par ce phénomène dont la cause principale demeure le chômage. Malgré toutes les difficultés conjoncturelles, à la fois endogènes et exogènes, elle est en train de réussir sa transition démocratique, laquelle a été saluée par le monde entier, et qui, en plus, se trouve aussi en butte au phénomène migratoire. Or, elle n'a récolté que des promesses et l'aide annoncée par les «Grands du monde», notamment lors du dernier G7, au mois de juin à Berlin, et bien avant au cours du G8 de Deauville, en France, au mois de mai 2011, se fait encore attendre. Que dire alors des pays qui sont en pleine guerre civile. L'Europe, qui s'attaque plutôt aux effets qu'aux causes, doit aider à la solution de ces crises sans interventionnisme ni intervention militaire. De la stabilité et de la sécurité dans ces pays dépendent celles de l'Europe. Voire du monde.