Par Raouf SEDDIK La crise syrienne a donc pris une nouvelle ampleur sur la scène mondiale. L'arrivée massive de réfugiés en Europe et l'image choc d'un enfant mort, échoué sur la plage d'une île grecque, a eu l'effet d'un séisme dans l'opinion internationale. On se rend mieux compte maintenant du drame qui se déroule en Syrie, par-delà la guerre et les barbaries extrêmes que l'Etat islamique a inventées et mises en scène pour les besoins de sa stratégie. Les chiffres sont dans toutes les dépêches : 250.000 tués, plus d'un million de blessés et quelque 7,6 millions de déplacés... Le tableau exhaustif a été dressé récemment par le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Stephen O'Brien, qui a souligné dans un rapport le non-respect de la vie des populations civiles par les «parties en conflit», la destruction délibérée des infrastructures comme celles qui assurent l'eau potable et l'électricité... Le rapport ajoute une précision que chacun pourrait retenir : parmi les populations menacées par la guerre, 422.000 se trouvent dans des zones assiégées et ne peuvent même pas bénéficier des aides du Programme alimentaire mondial (PAM). Ces personnes sont isolées du monde, livrées à la loi de la guerre, à la misère et à la faim ! On apprend, par ailleurs, que les populations déplacées, et dont beaucoup ont trouvé refuge dans les pays environnants (Jordanie, Liban, Turquie, Irak et Egypte) subissent actuellement une baisse sévère de l'aide alimentaire du PAM. The Guardian rapportait récemment que cette aide a été réduite à la valeur de 14 dollars par personne et par mois. Abir Etefa, la porte-parole de cette agence onusienne dans la région, explique au journaliste anglais que les ressources sont en train de manquer et que les donateurs font défaut... Cependant, même si la communauté internationale décidait de remobiliser des ressources afin de venir en aide aux populations déplacées, le problème ne serait que très partiellement résolu. Il ne servirait qu'à contenir provisoirement le flux des migrations. Les grandes puissances, en fait, se savent au pied du mur et obligées d'agir pour mettre un terme à une situation qui a trop duré. Les tergiversations autour de la question de la coalition à mettre en place deviennent indécentes à l'heure où le drame prend une telle dimension. Sans distinction, elles portent le poids du déshonneur dans cette affaire. On sait que le conflit syrien fait les frais du désaccord américano-russe, en ce qui concerne à la fois l'Ukraine et l'avenir politique de Bachar Al-Assad. On parle désormais de deux coalitions distinctes, depuis que la Russie envisage un engagement plus franc: une première coalition, qui existe déjà mais qui est timide et inefficace, regroupant sous la supervision des Etats-Unis près d'une vingtaine de pays. Et une deuxième coalition, emmenée par la Russie, qui inclurait l'Iran et la Syrie... mais qui, à ce jour, reste encore sur le papier malgré quelques signes avant-coureurs d'une présence sur le terrain. La mise en place de ces deux coalitions pose un évident problème de coordination, qui constitue en réalité un blocage majeur. Les choses ne peuvent pourtant que changer à brève échéance. D'abord, à cause de la situation humanitaire et, ensuite, parce que la Russie ne peut plus faire machine arrière. D'autant que l'Etat islamique ne lui laisse guère le choix. Le 31 août dernier, une vidéo des jihadistes menaçait directement Poutine d'actions terroristes dans le Caucase, pour le punir de son soutien à Bachar Al-Assad. Dans un sens, c'est une occasion à saisir pour le président russe qui, depuis l'affaire ukrainienne, est sur la défensive sur le plan diplomatique. Si par lui devait survenir le dénouement pour le peuple syrien, pour la région du Moyen-Orient tout entière et pour le monde, alors on peut dire qu'il se serait ménagé une sortie triomphale. La clé de la crise, c'est cependant un accord avec les Américains en vue, sinon d'une coalition unifiée, du moins une action coordonnée entre les deux coalitions... Une rencontre américano-russe, à laquelle ont assisté les Saoudiens, s'est tenue à Doha le 3 août dernier. Des pourparlers sont également à l'ordre du jour en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, à la fin du mois, selon le département d'Etat américain : quel peut en être l'objet, si ce n'est la question de la coordination entre les deux coalitions ? D'ores et déjà, les Américains ont cessé d'évoquer le départ de Bachar comme condition de tout règlement, même si sa participation à la coalition semble difficilement imaginable... Mais le temps presse : le monde ne veut plus attendre !