DANS sa version actuelle, le processus de la formation du gouvernement est devenu une source d'inquiétude, une crainte avérée. En l'absence de compromis, d'orientations et de cohérence au profit des approches futuristes, le risque d'un débordement, tout comme la menace d'un égarement sur un terrain glissant sont évidents. Tout ce qui a été annoncé jusque-là, ou encore conçu, manque de vision. Il ne dépasse pas, selon les observateurs avertis, le stade des paroles et des promesses. Une chose est sûre, la liste de Habib Jemli ne fait pas l'unanimité, avec une précision qui mérite d'être retenue et telle que développée par certaines parties : le gouvernement proposé est celui de Rached Ghannouchi et non celui d'Ennahdha. S'il a pris plus de temps que prévu, le processus a même provoqué un branle-bas de combat à Montplaisir. Mais Ennahdha soutiendra finalement le gouvernement Habib Jemli, tout en émettant des réserves sur certains noms autour de sa composition. Plusieurs nahdhaouis qui sont mécontents de ne pas figurer dans le gouvernement, ou encore de ne pas voir certains de leurs leaders dans la liste, n'approuvent pas le choix de Habib Jemli pour un gouvernement apolitique. Ennahdha espère encore pouvoir intervenir dans la liste proposée, mais Jemli est toujours décidé à ne pas apporter des modifications à l'équipe qu'il a choisie. S'il reconnaît que des erreurs ont été commises, il promet de les rectifier après le vote de confiance ! Pour lui, il ne serait pas opportun de laisser les choses traîner encore, et si un remaniement devait être opéré, il pourrait se faire quand le gouvernement aura été voté. Entre les intentions déclarées du mouvement islamiste et la détermination du chef de gouvernement désigné, les différents observateurs n'ont pas manqué de relever un flou constitutionnel. Certains pensent que la liste ne devient officielle qu'au moment de son dépôt pour validation en plénière devant les députés. D'autres vont jusqu'à accuser le président de l'ARP, Rached Ghannouchi, d'outrepasser la Constitution dans la mesure où la liste est déjà soumise à l'ARP et que la plénière pour le vote de confiance a été fixée. Cette situation nous amène à constater que les insignifiances et les dérives ne sont plus une affaire marginale dans les affaires politiques. Cela ne touche pas uniquement les parties qui n'arrivent pas à se rendre utiles, mais aussi la constitution qui révèle chaque fois des insuffisances. Serait-ce l'impasse? En tout cas, à aucun moment l'élite politique n'a donné l'impression d'être à la hauteur des aspirations des Tunisiens. Chaque fois que l'espoir renaît, ils sont rapidement rattrapés par une triste réalité. Tant et si bien que la confiance fait défaut entre les partis politiques et les plaies du passé restent toujours ouvertes.