Amine Mahfoudh : «L'objectif de la cour est de résoudre les crises constitutionnelles et non d'entrer elle-même en crise» La commission de législation générale a entendu lundi dernier plusieurs experts en droit constitutionnel pour donner leur conception de l'architecture de la loi portant création de la Cour constitutionnelle, une loi discutée actuellement à la commission de Abada Kéfi. Une audition très sélective puisque sur la pléiade d'experts, seuls trois ont été invités à s'exprimer au Parlement, il s'agit des universitaires Néji Baccouche, Amine Mahfoudh et de Mohamed Ridha Ben Hammed. Le débat a notamment porté sur la priorité à donner aux projets parvenus à la commission, puisqu'en plus de celui qui a été présenté par le gouvernement Habib Essid, des députés avaient également déposé le leur et contraint les membres de la commission de législation générale à jongler de manière plus ou moins habile entre les deux textes. Pour Amine Mahfoudh cependant, il est clair que c'est le projet du gouvernement qui doit servir de base à toutes les discussions. Selon lui, amendé et discuté, c'est ce projet qui devra faire l'objet du vote en séance plénière. Sur le fond, l'universitaire a demandé aux députés de consacrer à la Cour constitutionnelle toute la place qu'elle mérite, vu que «la garantie de la suprématie de la Constitution n'est pas à la portée de tout le monde». En gros, cette cour « suprême » ne devrait pas être ouverte à quiconque. Amine Mahfoudh semble soutenir le projet du gouvernement en ce qui concerne les compétences de ceux qui siègeront à la cour. Selon le projet du gouvernement, les membres non juristes de la Cour constitutionnelle devront être titulaires d'un doctorat. Anarchie constitutionnelle «La compétence, c'est bien évidemment les diplômes, précise-t-il. Cela vaut pour les professeurs universitaires, les juges et les avocats». Amine Mahfoudh a estimé que les députés doivent faire en sorte, dans la rédaction du projet de loi, que la cour ait toutes les garanties possibles pour l'éloigner des tractations politiciennes et des séismes politiques. «Tout l'objet de la cour est de résoudre les crises constitutionnelles, il ne faut donc pas qu'elle entre elle-même en crise». L'universitaire a qualifié d'«anarchie constitutionnelle» la situation dans laquelle se trouve le pays. Pour lui, beaucoup trop de lois encore en application aujourd'hui sont diamétralement opposées aux dispositions de la Constitution de janvier 2014. A l'issue de l'audition, cependant, Amine Mahfoudh a déclaré aux médias que «même la Constitution devrait subir quelques amendement». De son côté, l'universitaire Néji Baccouche a demandé à ce que la cour constitutionnelle, outre les juristes et les magistrats, puisse inclure des experts-comptables et financiers, à même de pouvoir comprendre la gestion des ressources de l'Etat. Mais contrairement à son collègue, Néji Baccouche a estimé que certains articles de la Constitution (articles 1er, 2 et 49) rendaient difficile la révision de celle-ci. Il est donc selon lui, essentiel que la Cour constitutionnelle puisse être consultée a posteriori, au cas où le Parlement déciderait d'amender la Constitution. La commission de législation générale a, également, entendu hier le ministre de la Justice accompagné de certains membres de l'équipe ayant préparé le projet de loi. Elle doit aussi examiner la copie des députés qui ont déposé au parlement une proposition de loi pour la création de la Cour constitutionnelle. La présidence de la commission espère que la discussion article par article de l'un ou l'autre des projets de loi démarrera après les vacances de l'Aid.