Avoir de bons joueurs est une chose, avoir une bonne équipe, c'en est une autre... Le Club Africain n'a plus, désormais, d'autre alternative que changer, évoluer. Prendre une nouvelle identité, de nouvelles prérogatives, une plus grande dimension. Au-delà de toute appréhension, et encore moins de jugement de valeur, les obligations et les contraintes pèsent encore et toujours sur le parcours de l'équipe tant que l'on n'a pas trouvé les solutions adéquates. Et surtout les hommes qu'il faut... On a beau vouloir s'inscrire dans une alternative de rigueur, les coups d'arrêt ne cessent de se multiplier. L'idée était, bien entendu, de repartir sur une dynamique de victoire et de performance. Mais visiblement l'argent ne fait pas une grande équipe. Les recrutements et renforts à coups de millions de dinars n'ont pas finalement répondu aux aspirations du club. Plus qu'un constat, c'est aussi une évidence: la stratégie de reconstruction de l'équipe dans l'urgence était orientée vers la quantité au détriment de la qualité. Les véritables besoins ignorés, la plupart des recrutements clubistes étaient loin d'être ciblés. Résultat: un déséquilibre flagrant dans la composition des différents compartiments de l'équipe. Le secteur le plus démuni est certainement la défense qui, faute de renforts, se trouve dans l'obligation d'évoluer avec les moyens du bord. Il faut dire que le bricolage a ses limites non seulement dans le choix des joueurs susceptibles de se mouvoir dans ce compartiment, mais aussi par rapport à ceux qui n'en ont pas vraiment le profil. D'ailleurs, le fossé laissé par l'absence de Agrebi et de Haddadi, tous les deux blessés et qui évoluent dans des postes sensibles, n'a pas été comblé et jusqu'à présent on tarde encore à trouver les remplaçants potentiels. D'ailleurs, il est de plus en plus difficile pour les quelques bonnes volontés mobilisées à l'occasion, afin de résoudre l'équation impossible, d'avoir la rigueur et la solidité dans un compartiment fragile et fragilisé. Entre le souci de constance et la contrainte de vulnérabilité, la défense clubiste s'est fortement égarée. Les acquis et la force traditionnelle d'une équipe référence sont plus que jamais compromis. Les buts concédés depuis le début du championnat font part du danger qui guette tout un édifice. Dans ce monde qui rend l'échec inacceptable, seule la victoire est belle. De tout temps, la défaite est tellement stigmatisée au CA que le risque d'être perçu comme perdant est devenu insupportable. Cela défie certainement de nombreuses logiques. Mais pas celle d'une équipe de haut niveau, sensible à la performance, aux exploits et à la constance dans le rendement. Illusions perdues? Nous nous gardons de penser l'évolution clubiste en termes de situation et d'histoire toujours susceptibles aux renversements : les joueurs du CA sont capables du meilleur comme du pire. Mais, le plus souvent, ils sont menacés par la révélation d'un possible démon intérieur, qui peut être le doute, la nervosité, l'anxiété, l'inconstance, les états d'âme. Ce qui revient à dire qu'avoir de bons joueurs est une chose, avoir une bonne équipe, c'en est une autre. Pas d'inspiration, pas de résultats. C'est assurément le parcours inévitable de joueurs qui ne peuvent plus justifier leur statut en l'absence des dispositions requises. La liste est longue. Les défaillances le sont encore davantage. Nouioui, Touzghar, Belaïd, Nater, Mikari, Chenihi, où sont-ils? Que deviennent-ils? Que fait-on des jeunes comme Srarfi, Chihab Jebali, Alaa Dahnous, Sabri Akrout, Ghazi Ayadi? Quel est vraiment l'apport de certains autres qui, à défaut de compétitivité, sont tout simplement relégués au second plan ? En football, il est souvent nécessaire de disposer de stratégies et d'idées bien élaborées. Cela s'inscrit dans la faculté de savoir gérer et profiter des dispositions et des aptitudes du groupe. Ici et là, il faut l'aptitude, c'est-à-dire la qualité et le talent, mais aussi l'attitude. Au CA, on ne voit que très rarement tout cela, la persévérance et la régularité en souffrent. Et après, on s'étonne qu'il y ait un fossé entre ce qui est souhaité et ce qui est possible. On s'étonne que les résultats ne suivent plus et que les défaites se succèdent... On ne peut forcément se retenir devant un tel gâchis. Surtout quand la bonne graine existe. Quand, techniquement, il y a des joueurs qui ont les dispositions nécessaires pour valoriser le rendement de l'équipe. On ne saurait, non plus, s'interdire de penser à tout ce qui aurait dû s'accomplir si les responsables avaient manifesté plus de réflexion et si les dépenses (1 million 200 mille dinars chaque mois pour s'acquitter des salaires hors normes des joueurs) étaient mieux réfléchies... Si les problèmes sont connus par tous, les solutions deviennent de plus en plus difficiles. Pourtant, l'avertissement ne s'est pas fait attendre. L'idée que l'équipe est replacée, à travers toutes ses composantes, à sa juste valeur ne date pas d'aujourd'hui. L'obtention du titre de la saison dernière ne peut pas, ne doit pas cacher autant de dérives et de déviations. Les véritables besoins et impératifs, ignorés jusque-là sous l'effet d'arguments erronés, ont fait que l'on continue à se tromper non seulement de priorité, mais aussi d'opportunité. On s'indigne d'un jeu qui ne privilégie pas l'équilibre, qui n'assume pas la bonne défense à la rigueur. L'on se demande ce que deviendrait l'équipe si elle continue à favoriser les mêmes principes. Mais l'on se dit aussi qu'elle pourrait disposer d'une ligne de conduite et d'une compétence certaine. On peut toujours dire, et on le dit: si le CA nous laisse ces derniers temps sur notre faim, qu'il apprivoise insuffisamment ses adversaires et qu'il ne rend pas toujours gai, il reste toujours capable de tout.