Yasmina Khadra flirte avec le suspense sans tomber dans la légèreté. C'est du lourd. De sa plume ne jaillit que la beauté et de ses mots la volupté. Il sait décrire les situations en impliquant tout son être et son savoir-dire. Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohamed Moulessehoul, est d'origine algérienne. A travers des mots qui stimulent l'émotion, des mots intenses et bien profonds, il a dépeint l'Algérie avant et après l'indépendance. Il a pointé du doigt le Front islamique de salut (fis) et il a puisé dans le conflit entre Orient et Occident. Ses mots sont habiles, agiles, ses phrases semblent sortir d'une plume trempée dans son sang. Elles sont magiques et nous baladent tantôt dans la réalité tantôt dans les dédales de son imaginaire. Ses œuvres ont presque toutes été primées. Il a été traduit dans 45 pays. Illustre écrivain, on aime lire ses romans d'une seule traite. Les hirondelles de Kaboul, les agneaux du seigneur, les sirènes de Bagdad, ce que le jour doit à la nuit (adapté au cinéma avec succès) lui ont valu plusieurs prix, dont le meilleur livre de l'année, grand-prix des lectrices et, enfin, le grand prix de littérature Henri-Gal de l'académie française pour l'ensemble de ses œuvres en 2011. Il écrit dans la langue de Molière, une langue qu'il chérit et qu'il manipule avec une grande aisance. Ainsi elle obéit à sa volonté de dire les choses telles qu'en lui-même. Il sait tenir en haleine le lecteur qui est enchaîné, comme ensorcelé par ses phrases simples et d'une sensibilité à fleur de peau. Son dernier roman Les anges meurent de nos blessures nous renvoie dans la vie d'un homme. On le surnomme Turambo, le nom de son village natal décimé par la force de la nature. On s'introduit peu à peu à travers les phrases dans la vie de ce héros. Descriptions précises, minutieuses et parfois entachées de poésie d'un parcours houleux d'une existence bien misérable et de la force du destin. Turambo est né pauvre, son père, détruit par la guerre, a fui la réalité. Sa famille est prise en charge par son oncle. Notre héros est analphabète. Il vivote dans la pauvreté la plus dure. Il s'accroche à la vie en faisant de petits boulots et il est payé une misère. Le style descriptif et précis de l'auteur stimule notre imagination. On croit voir l'existence que mène Turambo dans un gourbi algérien du temps de la colonisation. En ce temps, les arabes étaient comme des pestiférés, appelés indigènes, ils n'avaient droit qu'aux miettes du colon. Puis, un jour, notre héros rencontre Gino, un adolescent juif de mère italienne, et une belle amitié se tisse entre eux. Tous deux refont le monde et goûtent aux plaisirs de la vie. Par la suite, un crochet de la main gauche hisse turambo au rang des plus grands boxeurs de son temps. Un personnage presque mafieux le prend sous sa houlette et fait de lui un héros. Mais Turambo a soif de vivre. Son cœur bat et son âme cherche d'autres sensations. Ce fut un temps où il a aimé sa cousine Nora dont le mariage avec un riche algérois lui a brisé le cœur. Turambo découvre aussi le plaisir charnel et croit aimer. Il n'obéissait qu'a ses sensations et puis, pour être champion de boxe, il n'y a pas de place pour une femme qui risque de mettre fin à sa carrière. Les phrases de l'auteur sont de plus en plus profondes, des leçons de vie, une évasion poignante dans un monde d'où est banni l'amour, où l'on doit se battre pour survivre à la misère. Turambo devient le héros de tous les Algériens. Son nom est clamé par tous. Il est la fierté de l'Algérie... Mais son cœur bat toujours. Amoureux de la mer, il s'évade souvent dans ses pensées... Un jour, il rencontre Irène, la fille d'un ancien boxeur. Fou d'elle... Elle hante ses jours et ses nuits. Tous deux tombent dans les bras l'un de l'autre. Et la vie de Turambo bascule... c'est le commencement de la fin... Yasmina Khadra flirte avec le suspense sans tomber dans la légèreté. C'est du lourd. De sa plume ne jaillit que la beauté et de ses mots la volupté. Il sait décrire les situations en impliquant tout son être et son savoir-dire. Il rend les murmures bruyants et voile les mystères. Sa plume est fière et pas du tout hautaine. Il fait montre d'une grande humilité et respecte chaque personnage qu'il crée. Une belle maîtrise de la langue française domine ses livres, chacun de ses mots peut devenir une citation, un hymne à la vie, une manière d'exister. Ses livres décortiquent la réalité. Sa plume vaillante est son épée pour dénoncer des vérités souvent difficiles à affronter. Ses mots croient au destin sans s'accrocher à sa force. Ses phrases sont imagées et on verrait bien ses écrits sur le grand écran... ses livres sont à consommer sans modération et on en demande toujours plus. Profonds, ils attisent l'émotion à l'affût du moindre détail. Ils sont la vie.