Après plusieurs semaines d'inactivité, la crise des cafetiers s'est accentuée au cours du mois saint. Des étapes ont été fixées pour le déconfinement ciblé qui a démarré le 4 mai dernier. Afin d'éviter une trop forte concentration de personnes au même endroit dans les administrations, les espaces publics, les commerces….ce qui augmenterait le risque de propagation du virus, des mesures ont été prises prévoyant le retour de 50% des employés dans les administration et la reprise progressive des divers secteurs d'activité économique qui étaient à l'arrêt hormis les commerces spécialisés dans la vente de denrées de nécessité absolue. Cette semaine, après les salons de coiffure et les centres d'esthétique, ce sont les boutiques de prêt-à-porter qui ont ouvert leurs portes, générant des bains de foule et de longues files d'attente. Ayant durement souffert des répercussions de la pandémie du Covid-19, deux autres secteurs d'activité attendent impatiemment la reprise: les malls et les cafés. Depuis la décision qui a été prise par le gouvernement, il y a plus d'un mois, de confiner la population, les cafetiers ont du fermer à contrecœur les portes de leur établissement. Une décision qui s'apparente à un coup de massue pour les propriétaires de ces cafés inquiets de ne pouvoir faire aux divers frais, dépenses et charges liés à leur activité: salaire des travailleurs, loyer et factures à payer…..Ayant juste de quoi payer les salaires d'un seul mois, certains ont fini par licencier une partie de leur personnel gardant le strict minimum pour la réouverture prévue après l'Aid Saghir. Des loyer impayés et des factures qui s'accumulent Gérante d'un café dans un des faubourgs de Tunis, Z.G a du négocier avec le propriétaire du local pour qu'il reporte le payement du loyer jusqu'à la reprise de l'activité du café. « Il a finalement accepté avec beaucoup de réticence certes. J'ai du négocier également avec les institutions auprès desquelles j'ai contracté des crédits pour mettre sur pied ce projet pour qu'elles reportent le versement des échéances mensuelles. Idem avec la Steg et la Sonede. C'est un gros problème car au lieu de payer un mois de loyer, je vais devoir payer deux mois de loyer, sans compter les arriérés bancaires, le cumul des factures de l'eau et de l'électricité… Comme beaucoup de cafetiers, c'est vraiment la galère! ». Cette situation a empiré avec le début du mois de ramadan qui n'a fait qu'accentuer la morosité qui caractérise un secteur d'activité en berne. Elle a été particulièrement difficile pour de nombreux cafetiers, qui après un mois d'inactivité, ont été pénalisés par le manque d'entrée d'argent. Surendettés et ne pouvant rentrer dans leurs frais à cause de l'absence de liquidités, certains ont fini par baisser les bras et mettre la clé sous la porte. Un coup dur à encaisser pour les serveurs qui ont été mis au chômage forcé et qui n'ont plus de source de revenus pour faire vivre leur famille. Serveur dans un café du centre-ville, S.T s'est retrouvé à la porte du jour au lendemain. Au chômage depuis deux mois, le jeune homme qui a perçu un seul salaire, n'a pas bénéficié des 200 dinars, aide sociale octroyée par le ministère des Affaires Sociales alors qu'il y a droit. A l' instar de centaines de serveurs dont les conditions socio-économiques sont modestes et qui se sont retrouvés, comme lui, au chômage forcé, il peine à joindre les deux bouts et n'arrive plus à payer ni le loyer, ni les factures. Des cafés ont rouvert en douce pendant le mois de Ramadan Si les cafetiers, ont été contraints, la mort dans l'âme, d'interrompre leur activité, la fermeture des cafés au cours du mois Saint a également été une pilule dure à avaler pour les amateurs de cafés et les clients fidèles qui ont l'habitude de passer une partie de leur soirée dans un café pour siroter un thé, fumer un narguilé et jouer aux cartes. Echappatoire et lieu social par excellence, beaucoup s'y réfugient pour fuir la routine et oublier leurs problèmes du quotidien. L'habitude d'aller au café après la rupture du jeûne est, en effet, ancrée dans les traditions des tunisiens à un point tel que dans certains quartiers, on a pu voir des citoyens descendre avec leur thé et leur café à la main pour s'asseoir en groupe la nuit tombée devant des cafés fermés et plongés dans l'obscurité. Face à l'insistance de leurs clients, des cafetiers ont même repris leur activité discrètement et rouvert en douce, n'hésitant pas à transgresser l'interdiction d'ouverture des cafés. A Boukornine, Hammam-Lif et dans d'autres cités, des cafetiers affairés, après la rupture du jeûne ont eu recours à des subterfuges en maintenant le rideau à moitié fermé et en servant leur clientèle par la fenêtre. Pourtant, il aurait été beaucoup plus simple de suivre l'exemple de plusieurs régions en Italie qui bien que durement touchées par la pandémie ont autorisé les cafés à rouvrir leurs portes mais sous certains conditions. Les établissements sont, en effet, tenus à respecter une série de mesures sanitaires qu'ils doivent obligatoirement appliquer, dont l'obligation de faire respecter à leurs clients la distanciation sociale, l'interdiction de les laisser s'asseoir à table ou sur la terrasse pour boire leur café-le client doit emporter avec lui son café- et surtout l'utilisation de masques et de gants par le personnel en plus de l ‘usage des produits désinfectants.