Ce fut surtout l'occasion de se réunir autour de ce format malheureusement pas très consommé par le public. Prolongé pour une autre soirée, le cycle «Rares et tunisiens» concocté par le Cinéclub Cinéfils a offert, mardi dernier, aux cinéphiles et autres intéressés par nos productions locales de courts métrages, une sélection de films, inédits pour certains, très peu vus pour d'autres. Ce fut surtout l'occasion de se réunir, au CinéMadart, autour de ce format malheureusement pas très consommé par le public. Au menu de cette soirée, cinq courts métrages signés, bien entendu, par des cinéastes tunisiens : La nuit de Badr de Mehdi Hmili, Chouf (Regarde) de Imen Dellil, Riah (vents), un film d'animation de Lotfi Mahfoudh, Terre brûlée de Shiraz Fradi et Pousses de printemps d'Intissar Belaïd. Une histoire de transmission Coup de cœur pour La nuit de Badr de Mehdi Hmili, un drame en noir et blanc de 25 minutes. Le réalisateur, connu surtout pour être poète, vit et travaille entre Paris et Tunis. Outre le cinéma, il multiplie les activités artistiques entre photographie, peinture, écriture, mise en scène théâtrale et installation vidéo. Le film au ton mélancolique écrit, à l'image, en noir et blanc nous parle d'un vieux poète, Badr (clin d'œil à Badr Shaker Al Sayab), qui décide de mettre fin à son exil en France pour rentrer en Tunisie et vivre la «révolution» du 14 janvier 2011. Il passe donc sa dernière nuit avec son jeune amant Philippe. Homosexuel et homme de lettres, il semble par ailleurs manquer de courage pour affirmer sa nature dans un pays où l'homophobie est la règle. Filmé avec un minimum de moyens, ce poème en images raconte les maux et autres combats intérieurs de cet homme qui en aime un autre. Une terre natale va bientôt les séparer, Badr passe la dernière nuit de son exil avec ce jeune poète, beau, bourré de talent et d'énergie qui lui rappelle sa jeunesse. Plus qu'une histoire d'amour, il s'agit ici de transmission et de legs. Ce que ce vieux poète (mentor) va léguer à son ami et protecteur : son monde, ses livres, son arbre, son jardin, ses papiers... Badr se projette en Philippe et vice -versa. L'un est vieux, l'autre est jeune et a toute la vie devant lui pour écrire, aimer, partir... Intimiste, empreint de tendresse et de sensibilité, le film qui dépeint la déchirure d'une séparation (le pays d'accueil et l'amour) met le doigt sur cet amour défendu entre deux hommes que même une révolution n'a pas changé. Un autre film autour de la «révolution» tunisienne, le documentaire Pousses de printemps de la plasticienne Intissar Belaïd. Tourné aux environs de la ville du Kef et ses zones rurales longtemps oubliées par les différents régimes, le film suit des enfants qui nous racontent leur révolution. Chacun son récit, chacun ses mots, ses impressions, et la réalisatrice, avec son regard de plasticienne, de leur donner forme à travers le procédé de l'animation en pâte à modeler. Un petit bijou qui lui a valu, lors de la 25e édition des JCC, le premier prix du Centre national du cinéma et de l'image (Cnci).