De notre envoyé à Cannes Ikbal Zalila - La conférence de presse organisée vendredi 10 mai par Polimovie International a été l'occasion pour le fondateur de cette jeune société de production Mohamed Ali Ben Hamra de présenter aux journalistes présents l'actualité de ses activités. Sous d'autres cieux, ce point de presse aurait été banal en soi, un non-événement, la communication en direction notamment de la presse spécialisée relevant de l'ordinaire du travail d'une société de production. En Tunisie, il n'a jamais été de bon temps de communiquer, en raison entre autres d'une défiance atavique des producteurs vis-à-vis de leurs pairs et des « journaleux ». Mohamed Ali Ben Hamra du haut de ses vingt-six ans n'est probablement pas le seul jeune producteur de la place, une kyrielle de sociétés de production ont vu le jour ces dernières années en Tunisie à l'initiative de jeunes diplômés d'écoles de cinéma ou de jeunes réalisateurs indépendants qui ont choisi de créer leurs propres structures pour développer leurs projets. Ce qui distingue peut être Polimovie, (à charge de confirmation dans les mois et les années à venir) , c'est le désir de rompre avec les archaïsmes des méthodes de travail de certains producteurs établis, sans pour autant remettre en question ce qui est au cœur du métier de producteur. Si de nouvelles manières de produire basées sur des budgets très serrés et un système d'entraide entre cinéastes sont en train d'imposer un cinéma de la marge on ne peut plus dynamique et vivifiant pour une cinématographie nationale frappée de sclérose, l'avènement dans la profession de producteurs plus professionnels dans leur démarche ne peut être que saluée, surtout s'il se trouve qu'ils soutiennent de jeunes réalisateurs dont les premiers pas sont prometteurs. A l'ordre du jour du point de presse organisé par Polimovie, la participation de deux projets de la société au festival de Cannes et la projection du court-métrage « la nuit de Badr » de Mehdi Hmili, production la plus récente de Polimovie. Majdi Lakhdhar, réalisateur de 24 ans participera avec son scénario de long-métrage « Contente-toi du pire » à « la fabrique du cinéma du monde ». Ce programme mis en place par le Pavillon des cinémas du monde en collaboration avec le festival de Cannes et son marché du film offre à dix jeunes réalisateurs et à leurs producteurs (sélectionnés cette année parmi environ 180 postulants) « un accompagnement personnalisé de leurs projets à travers des rendez-vous individuels avec des acteurs de l'industrie cinématographique ». En 2011, Walid Ettayaa avec son scénario de long-métrage « Fataria » avait été sélectionné pour ce programme. « La nuit de Badr » second court-métrage du jeune réalisateur Mehdi Hmili qui a obtenu l'aide à la production du ministère de la Culture pour son projet de long-métrage » Hourya » , sera projeté au short film corner du festival de Cannes, une plate-forme de diffusion de formes courtes en direction d'acheteurs et d'éventuels diffuseurs. Soyons clairs sur ce point, La présence de ce film dans le short film corner ne revêt aucune signification particulière. Onze courts-métrages tunisiens sont en effet présents cette année au short film corner. Leur présence est la conséquence d'une initiative personnelle des producteurs de ces films qui paient un droit d'entrée et ne passent par aucun processus de sélection. Si cela peut être porteur en matière de communication pour une jeune société de production puisqu'on est à Cannes, ceci ne remet en aucun cas en cause, le constat amer de l'absence du cinéma tunisien dans les différentes sections du festival depuis une quinzaine d'années ( à l'exception notable du documentaire de Mourad Ben Cheikh, en sélection officielle hors compétition en 2011). Avec « la nuit de Badr » l'histoire d'une séparation entre un vieux policier tunisien exilé en France et son jeune amant avec pour toile de fond la révolution tunisienne, Mehdi Hmili entreprend avec plus ou moins de bonheur d'approfondir des options de mise en scène déjà explorées dans son premier-court « Li-La ». Un noir et blanc bien travaillé, une bande-son minimaliste, des trajectoires de personnages erratiques, des pauses suspensives dans le récit, une narration déconstruite sont mis au service d'un cinéma ouvertement inscrit dans la filiation de Godard et Garrel (pour les références explicites). Cette paternité semble par moments un peu trop pesante faisant basculer « la nuit de Badr » dans un maniérisme dont Mehdi Hmili gagnerait à se débarrasser en explorant des voies plus personnelles. Il n'est jamais facile de tuer les pères, mais dans ce qu'a laissé entrevoir ce jeune réalisateur tunisien de prometteur dans ses deux-courts métrages, il y a quelque chose qui rassure quant à son évolution vers des voies plus personnelles où la synthèse esthétique l'emportera sur le travail de citation.