En 2014, les bureaux régionaux ont recensé 6.092 dénonciations sur les menaces et les abus subis par des enfants. Le chiffre relatif à 2015 sera plus important Mme Samira Maraâi, ministre de la Femme, de la Famille et de l'Enfance, a organisé hier, au siège du ministère, un point de presse pour informer le public sur les mesures prises en faveur de l'enfance. Cette rencontre s'inscrit dans le cadre de la célébration de la proclamation des droits de l'enfant, en date du 20 novembre 1959, et de la signature de la convention sur les droits de l'enfant, le 20 novembre 1989. La ministre a rappelé que la Tunisie a adopté ces deux accords internationaux assurant la protection des droits de l'enfant. Elle a indiqué que la Tunisie, et malgré les défaillances et les polémiques visant la politique relative à l'enfance, s'aligne parmi les pays européens et vient ainsi en seconde ligne en termes de protection de l'enfance. Elle devance ainsi les pays frères, comme le Maroc et l'Algérie. La ministre attire l'attention sur les deux principaux points de faiblesse de la politique tunisienne en matière de protection de l'enfance : d'abord, l'inadaptation des programmes spécifiques à l'enfance aux politiques sociales, économiques et sécuritaires, mais aussi au contexte politique et sécuritaire. Puis le manque de coordination entre les différentes parties concernées. Le ministère s'engage, dans le cadre du plan de développement 2016/ 2020, à développer une approche multidimensionnelle et multi-sectorielle afin d'œuvrer, selon une logique de coordination et de réseautage entre les différentes parties prenantes, pour des interventions de meilleure efficacité. Le mur du silence est tombé S'agissant de la protection des droits de l'enfant, elle a rappelé qu'il ne s'agit aucunement de restreindre les célébrations relatives au 20 novembre à une journée mais de conjuguer les efforts dans l'optique de développer des actions et des programmes à même de donner le plus en faveur de l'enfance. Prenant la parole, M. Hamadi Meâyar, délégué général de protection de l'enfance, a indiqué que la dénonciation des cas d'atteinte aux droits de l'enfant va crescendo. En 2014, les bureaux régionaux ont recensé 6.092 dénonciations sur les menaces et les abus subis par des enfants. Le chiffre relatif à 2015 sera plus important. «Ce phénomène est sorti, enfin, de la sphère du silence et du tabou. L'exploitation de l'enfant aussi bien sexuelle, criminelle et économique ainsi que la maltraitance qui lui est infligée aussi bien dans l'environnement familial éducatif représentent autant d'altérations qu'il convient de dénoncer», a-t-il souligné. Et d'ajouter que 80% des dénonciations portent sur l'environnement familial alors que 4% sur l'environnement éducatif. En ce qui concerne les suicides et les tentatives de suicide des enfants, le délégué en note 80 tentatives et 12 suicides. «Nous avons enregistré deux cas de décès sous l'effet de la torture qui ont été signalés comme étant des suicides d'enfants», a-t-il fait remarquer. Pour booster le rôle des délégués de protection de l'enfance dans les régions, le ministère s'apprête à recruter 50 autres délégués. Ce qui permettra de développer l'approche protectrice et préventive. Etablissements de prime enfance : reprendre les choses en main Prenant la parole à son tour, M. Lotfi Belaâzi, directeur de l'animation pédagogique, éducative et sociale, a exposé la stratégie menée par le ministère afin de mettre à niveau le domaine de la protection et de l'encadrement de la prime enfance. Une stratégie fondée, d'abord, sur la mise en place d'une loi réglementant les établissements de la prime enfance et sanctionnant toute atteinte aux droits de l'enfant. La stratégie accorde une place de choix à la garantie d'une éducation et d'un encadrement de qualité. Aussi, un nouveau cahier des charges relatif aux crèches et aux jardins d'enfants a-t-il été élaboré. La formation de base et continue des animateurs de l'enfance constitue un critère fondamental dans la garantie de prestations de qualité. Par ailleurs, et dans l'optique de lutter efficacement contre le fléau des crèches et des jardins d'enfants clandestins et privés ne répondant pas aux normes, le ministère redonne aux jardins d'enfants municipaux leur place. «Quelque six jardins d'enfants municipaux ouvriront leurs portes dès le premier trimestre de 2016. Quelque 22 autres seront actifs au cours de l'année prochaine», a souligné le responsable. Il a ajouté : «Compte tenu de la faible couverture éducative de prime enfance dans les régions défavorisées et frontalières, nous avons décidé d'épauler financièrement les familles démunies afin que les enfants puissent désormais bénéficier de l'accompagnement et de l'encadrement adapté à leur tranche d'âge. Ce travail sera effectué en faveur de 2.000 enfants relevant de huit gouvernorats». Enfants en situation de difficulté : placement familial et bourse mensuelle De son côté, M. Chokri Maâtoug, directeur des droits de l'enfant, a souligné que la Tunisie vient d'achever les procédures relatives à l'adoption du troisième protocole facultatif relevant de la Convention des droits de l'enfant; un protocole qui exige des pays signataires la dénonciation des abus et des atteintes des droits de l'enfant par le biais de rapports périodiques. Il a indiqué, par ailleurs, que le ministère révise le dossier relatif aux centres intégrés de l'enfance et de la jeunesse en tablant, désormais, sur le placement de l'enfant ou bien dans son milieu familial ou bien dans une famille d'accueil. Notons que l'enfant bénéficiera d'une bourse mensuelle de l'ordre de 150 dinars. «Nous sommes en train de finaliser, en collaboration avec le ministère des Affaires sociales, de Solidarité et des Tunisiens à l'étranger, les listes des familles d'accueil», note-t-il. Les recommandations de l'enfant pour le prochain quinquennat Mme Faouzia Jabeur, directrice générale de l'enfance, a parlé des démarches menées par le ministère pour l'implication des enfants dans l'élaboration des axes majeurs du plan de développement 2016/ 2020. «Nous avons organisé des focus groupes en faveur de 310 enfants relevant de 13 régions. Ces rencontres ont pour finalité de donner la parole aux enfants afin qu'ils puissent donner leurs avis et recommandations sur plusieurs thèmes vitaux. Les enfants se sont exprimés sur les conditions et les méthodes pédagogiques, sur leurs besoins en moyens de loisirs ainsi que sur leurs relations avec leurs parents. Les recommandations des enfants seront communiquées aux médias le 30 novembre 2015», indique-t-elle. Encore faut-il préciser que le ministère envisage l'instauration d'un nouveau centre de vacances et de loisirs, outre le centre situé à Hammamet, qui sera implanté à Zarzis. Quant à M. Hadi Riahi, inspecteur général de l'enfance, il a évoqué les actions envisagées en faveur des enfants habitants les zones frontalières, notamment les gouvernorats du Kef, Jendouba, Kasserine, Sidi Bouzid, Gafsa, Médenine et Tataouine. Ces actions consistent à encadrer les enfants et à leur prêter une oreille attentive afin de les protéger contre l'impact psychologique de la vague terroriste. Au programme, des séances d'écoute, individuelles et collectives, et des programmes d'animation orientés vers la lutte contre le terrorisme et l'obscurantisme ainsi que des débats. La ministre a, pour sa part, recommandé la mise en place d'une stratégie nationale de protection de l'enfance contre le terrorisme, une stratégie qui doit, impérativement, impliquer les enfants.