Les représentants des parlements libyens établis à Tripoli et à Tobrouk annoncent avoir réussi à signer un accord de principe en vue de mettre fin à la guerre ravageant le pays. On attend la réaction des milices armées qui dominent le terrain et font régner leur loi Peut-on dire que les frères ennemis en Libye ont, enfin, choisi la voix de la raison en parvenant, hier, à un accord devant mettre sur pied un processus politique appelé à mettre fin au conflit qui ravage le pays depuis des années ? Ceux qui ont signé l'accord, hier, à Tunis (les représentants des parlements de Tripoli et Tobrouk) s'accordent à le qualifier de «moment historique que les Libyens, les Arabes et le monde entier attendaient». Et ils ont raison puisque la guerre civile qui ravage la Libye sœur, où plus de trois cents milices armées sont présentes et actives sur le terrain, ne concerne pas uniquement les Libyens. Elle touche, selon les spécialistes, d'abord les pays voisins et en premier lieu la Tunisie. Elle menace également la sécurité internationale. Reste à savoir comment les Tunisiens vont tirer profit de cet accord qui est intervenu «sans ingérence étrangère et sans conditions préalables». Une autre question s'impose également : quel rôle la Tunisie aurait-elle joué pour amener les belligérants à se rencontrer sur son sol et à parvenir à un accord qu'ils qualifient eux-mêmes d'opportunité historique qui ne se représentera pas une seconde fois ? Motus sur un éventuel rôle joué par la Tunisie officielle Le gouvernement tunisien, gardant le silence comme si l'accord n'avait aucune incidence sur la situation en Tunisie, plus particulièrement sur la guerre totale que notre pays mène contre le terrorisme, ce sont les experts suivant l'évolution du conflit en Libye qui parlent, s'expriment et analysent ce qu'il adviendra de cet accord sur le terrain en Tunisie et en Libye, en attendant que le département communication auprès de la présidence de la République réagisse. On s'attendait, en effet, à croire certaines indiscrétions médiatiques, à ce que le président Béji Caïd Essebsi reçoive hier, en début de soirée, les signataires de l'accord. On saura peut-être si la Tunisie a joué un rôle dans les négociations interlibyennes mais à condition que les communicateurs du palais de Carthage jugent utile de nous le dire. Badra Gaâloul, présidente du Centre international des études stratégiques, militaires et sécuritaires ayant déjà particpé en sa qualité d'experte à une rencontre de dialogue interlibyen au Maroc, confie à La Presse : «C'est un pas positif mais à condition qu'il ait des effets concrets sur le terrain où les milices armées n'ont pratiquement pas de rapports avec les politiciens. Et ce qui m'inquiète aussi est de savoir si les signataires de l'accord représentent effectivement tous les acteurs influents sur le terrain. Quant à la participation de la Tunisie officielle aux assises de Gammarth, j'ai le sentiment que notre pays s'est contenté d'offrir uniquement l'hospitalité aux parlementaires de Tripoli et de Tobrouk. Sauf qu'il ne faut pas oublier que certains hommes d'affaires tunisiens connus pour leurs relations étroites avec les principales milices armées libyennes ne sont pas étrangers à ce qui vient de se passer à Gammarth. Ces hommes d'affaires sont hyperactifs dans le paysage politique libyen. Toutefois, ils ne parlent pas au nom du gouvernement tunisien. Et ce qui me conforte dans mon analyse, c'est que seule la chaîne Nessma TV a été autorisée à filmer l'événement. En tout état de cause, c'est le terrain qui déterminera l'issue de l'accord de Gammarth». L'ONU doit recourir à la force contre les milices «Que vaut sur le plan juridique un accord de principe signé entre les représentants d'un parlement élu, d'une part, et ceux parlant au nom d'un parlement dont la validité est consommée, d'autre part», s'interroge le Pr Abdelmajid Abdelli, enseignant de droit public à l'université El Manar. Il précise : «Quelle utilité pourrait avoir cet accord pour les Libyens quand on sait que plus de 300 milices armées sont présentes sur le terrain et échappent à tout contrôle de la part des politiciens établis à Tripoli et à Tobrouk ? Deux assemblées législatives, l'une contestant la légitimité de l'autre, ne peuvent pas s'accorder sur une solution et déjà et bien avant que l'encre de cet accord ne sèche, beaucoup d'acteurs sur le terrain le contestent et le considèrent comme nul. A mon avis, c'est à la communauté internationale d'agir comme elle l'a fait en 2011 quand l'ONU a adopté la résolution 1973 autorisant l'emploi de la force. La résolution en question est toujours en vigueur et si l'ONU veut une solution en Libye, rien ne l'empêche de recourir à la force contre les milices armées». «La menace libyenne touche principalement les voisins de la Libye : la Tunisie, l'Algérie, l'Egypte et le Niger, notre pays étant le plus exposé aux dangers», conclut le Pr Abdelli. Les principaux axes de l'accord – Se fonder sur l'ancienne constitution en vue de l'organisation d'élections législatives dans un délai ne dépassant pas deux ans. – Création d'une commission de 10 membres chargés de choisir un chef de gouvernement de consensus national et deux vice-chefs de gouvernement. – Création d'une commission de dix membres chargés d'amender la constitution.