A l'horizon 2050, augmentation de la température de 2,7% au sud, baisse de la pluviométrie de 10 à 30% au Sahel, perte de 16 mille hectares de terres agricoles dans les zones côtières et baisse de l'effectif du cheptel d'environ 80% dans le centre et le sud Dans une salle comble de l'Agora, à la Marsa, une conférence a été organisée par l'Association tunisienne pour les Nations Unies, jeudi dernier. C'est en résonance à la COP 21 de Paris qui touche à sa fin, -alors que la prochaine est déjà annoncée à Marrakech-, que cette rencontre a eu lieu. Et, fait remarquable, celle-ci a pu attirer un public divers. En plus de la présence de plusieurs anciens ministres comme Afif Chelbi, Naziha Mezhoud, Faiza Kéfi et Ahmed Ounaiès en sa qualité de président de l'Association, des universitaires et des représentants de la société civile ont fait le déplacement, en plus d'un nombre important de jeunes étudiants dans l'environnement, en médecine ou en architecture. Plusieurs d'entre eux ont pris la parole au cours du débat pour rappeler leurs activités, parler de leurs aspirations et déplorer le désintéressent des pouvoirs publics vis-à-vis de leurs travaux ou de leurs idées. Une étudiante, qui a préparé son projet de fin d'études sur le traitement et la valorisation des rejets, regrette que leurs travaux ne soient jamais pris en considération par les politiques publiques. Un étudiant en architecture a déploré que l'on continue à construire des maisons et des bâtiments « gourmands » en énergie alors qu'il y a moyen de faire mieux. Ce qui ressort de la conférence : premièrement, la Tunisie, pays faible émetteur en gaz à effet de serre est en train de subir de plein fouet les effets du changement climatique et qu'il est impératif de s'adapter au plus vite. Deuxièmement, ce ne sont ni les études des experts, ni les idées des jeunes chercheurs et des militants associatifs qui manquent, mais qu'il faudra penser à les impliquer davantage au moment de l'élaboration des projets, et notamment de la prise de décision, sinon à quoi bon ? C'est Samir Meddeb, consultant international, ex-chef de l'Observatoire national de l'environnement et ancien directeur général de l'Agence nationale de protection de l'environnement, qui a animé une conférence avec support visuel, très intéressante et didactique, malgré la complexité du thème traité. Le contenu de cette conférence est résumé dans ce qui suit. Qu'est-ce que les changements climatiques ? Le changement climatique est un phénomène naturel, abstraction faite de l'activité humaine. La Terre a subi, depuis qu'elle existe, c'est-à-dire depuis 4 milliards d'années et plus, des changements de sa température. Sur les vingt derniers siècles, on compte une période médiévale chaude, vers le 11e siècle, et plus tard le petit âge glacier vers les 16 et 17es siècles. Sur les cinquante dernières années, les températures ont augmenté. Et ce n'est pas par hasard que l'année 2015 est l'année la plus chaude que les services de météo à travers la planète ont mesurée depuis 1880. Des changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine et qui viennent s'ajouter à la variabilité naturelle du climat. Les causes du changement climatique sont la conséquence de nouveaux modes de développement de l'homme qui sont basés sur la combustion des énergies fossiles. Cela a commencé à partir de la révolution industrielle, la découverte des grands gisements de pétrole et toute la mécanisation qui s'est développée avec. L'homme post-révolution est responsable des changements climatiques. Résultat, depuis 1970 jusqu'à 2004, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté de 70%. Augmentation de la température et phénomènes extrêmes Augmentation globale de la température moyenne à la surface de la terre accompagnée de perturbations des équilibres naturels et écologiques, mais à côté il y a des perturbations au niveau de plusieurs activités humaines en relation avec les écosystèmes. L'augmentation de la température entraîne ce que nous appelons les phénomènes extrêmes climatiques, les sécheresses et les ouragans, les vagues de chaleur et inondations, la fonte des glaces, la montée des eaux de mer avec le risque que cela engendre sur les côtes et les infrastructures. Il faut savoir que la Méditerranée est considérée comme un hot-spot, c'est-à-dire une zone où les effets des changements climatiques sont les plus marqués au niveau de la Terre. Les spécialistes annoncent que la Terre ne peut digérer que l'équivalent de 11 milliards de tonnes de CO2 par an, alors que nous concentrons 30 milliards. Soit l'équivalent de 8 tonnes aujourd'hui qui devront baisser à peu près à 1,6 tonne équivalent de CO2. D'où l'effort gigantesque à faire. Comment faire pour que les dirigeants de cette planète mettent leur population dans de nouveaux modes de vie. Les défis de la COP ne sont donc pas uniquement techniques et climatiques, ils sont civilisationnels. Qu‘en est-il en Tunisie ? La Tunisie est un pays faiblement émetteur de gaz à effet de serre. Par conséquent, le défi essentiel de notre pays réside dans sa capacité à s'adapter aux effets des changements climatiques. En fonction des régions, il y a des augmentations de température qui vont jusqu'à plus de 2,7° au Sud, à l'horizon de 2050, et une baisse du volume annuel de pluie de 10 à 30 % selon les régions avec l'augmentation des phénomènes extrêmes, baisse des ressources en eau. Perte par submersion d'environ 16 mille hectares de terres agricoles dans les zones côtières. L'effectif du cheptel baissera d'environ 80% dans le centre et le sud contre 20% dans le nord par perte des parcours et des pâturages, et apparition de maladies nouvelles. L'oliveraie du Sahel, qui représente un équilibre social et économique national important, est directement menacé. Pour que l'olivier soit productif, il faut qu'il reçoive au minimum 250 millimètres d'eau de pluie par an, avec ces changements climatiques, il ne les recevra plus. C'est pourquoi il faudra engager une réelle transition énergétique, au niveau du transport, du bâtiment, de l'industrie. Il faut repenser les modes de développement, de production et de consommation, particulièrement dans le secteur agricole qui consomme 82% du capital en eau. Il faudra imaginer une autre agriculture qui consommerait moins et produirait plus. Faire de la question de l'adaptation un débat public et une opportunité pour développer une économie créatrice de nouvelles richesses et d'emploi.