Eclairage du député Abdelmoumen Ben Aanès sur le slogan religieux du FP La campagne de sensibilisation contre l'endettement, organisée par le Front populaire, fait l'objet d'une contre-campagne sarcastique, à cause d'un slogan que ses détracteurs trouvent à la fois choquant et populiste. Le slogan en question est le suivant : «Ni Dieu, ni son Prophète n'admettent l'usure». Ces détracteurs n'arrivent pas à comprendre comment une coalition de gauche puisse puiser ses idées dans la religion. Selon eux, le FP ne diffère donc en rien du parti islamiste Ennahdha; l'un et l'autre essayant de chatouiller la sensibilité religieuse, d'où leur démagogie et leur populisme. La campagne de dénigrement, prenant particulièrement la forme de pastiches, bat son plein, aussi bien sur les réseaux sociaux que dans l'audiovisuel. Le pastiche le plus sarcastique visant le FP est celui réalisé par le blogueur Amine Mtiraoui, dans sa rubrique humoristique «Net Nessma», où il remplace le mot d'ordre du mouvement communiste international «Travailleurs du monde entier, unissez-vous !», par «Travailleurs du monde entier, priez pour le Prophète !», et les chœurs de l'Armée Rouge soviétique par la chanson religieuse célébrant la naissance du Prophète. Alors, au vu des attitudes des uns et des autres, où est la part de vérité et où est la part d'erreur ? Spécialisation et diversité Ce dérapage de la part du FP mérite-t-il une réaction aussi violente? Mais, a-t-il réellement dérapé ? Par ce slogan, les militants du FP ont-ils vraiment trahi leur idéologie et leurs principes ? La Presse a contacté le député du FP, Abdelmoumen Ben Aanès, pour tenter d'élucider ces questions. L'initiative en question est conjointement prise par le groupe parlementaire du FP et l'association Raid Attac. Etant spécialisée dans le domaine de l'endettement, cette dernière était chargée de la conception, de la préparation et de l'exécution de la campagne. D'ailleurs, la question inhérente au slogan qui a suscité la polémique a été tirée au clair par cette association dans un communiqué adressé à l'opinion publique, dans lequel le FP est écarté de toute responsabilité. L'association en assume l'entière responsabilité. Ce slogan très maladroit, qui a fait des mécontents même parmi les bases du FP, a été retiré de l'espace public et de l'internet. Ben Aanès explique que chacun des courants du FP est «spécialisé» dans un domaine particulier. C'est dans cet esprit que, par exemple, la question d'incrimination de la normalisation avec l'entité sioniste est du ressort des nationalistes et que celle qui est relative à l'action visant la révision de la loi 52 sur la consommation des stupéfiants, revient à Al Kotb. «Cette répartition des tâches reflète fidèlement la nature du FP qui est, contrairement à ce que à l'image que certains veulent lui inculquer, une coalition pluripartite, en ce sens qu'elle comprend des partis d'obédiences diverses, à savoir marxiste, nationaliste, social-démocrate, musulmane et même libérale», souligne le député. Et il cite le martyr Hadj Mohamed Brahmi comme l'un des musulmans du FP. Toutes ces parties, appartenant à des familles idéologiques diverses, se sont réunies autour d'un même projet politique et conçu un programme commun consistant essentiellement à lutter pour l'instauration d'une démocratie politique et sociale et pour la récupération de la souveraineté nationale confisquée, selon l'expression de l'interlocuteur. Il ajoute que les frontistes essayent toujours, autant que faire se peut, de rapprocher leurs points de vue respectifs, mais lorsque cela n'est pas possible, chacun des partenaires a toute la liberté d'agir selon ses convictions. « Cette entente entre des partenaires venant d'horizons différents ne semble pas être du goût des détracteurs du FP qui saisissent la moindre occasion pour porter atteinte à la réputation du Front en évoquant une soi-disant fissure en son sein. La manière de gérer démocratiquement nos rapports gêne apparemment certains de nos adversaires politiques, mais ne leur en déplaise, notre front restera toujours soudé», entonne le député du FP. L'aboutissement de la campagne Concernant les suspicions qui entourent le financement d'une campagne d'envergure nationale en grande pompe, il exprime son étonnement vis-à-vis d'une telle accusation qu'il trouve aussi bien infondée que malintentionnée, étant donné que les dépenses consenties pour ladite campagne ne dépassent pas la location des salles de conférence et des panneaux publicitaires et l'impression des flyers. «Quant aux invités étrangers, ce sont les amis du FP qui viennent à leurs frais», précise Abdelmoumen Ben Aanès. Enfin, pour ce qui est des critiques qui leur sont adressées autour de l'opportunité et l'intérêt d'une telle campagne en cette conjoncture, il réplique en ces termes : « Nous entamons cette campagne dont l'aboutissement sera, on l'espère, un projet de loi qui sera présenté devant l'Assemblée des représentants du peuple. L'objectif étant la sensibilisation de nos concitoyens à la gravité de l'endettement, en tant que procédé de spoliation déguisé de nos richesses nationales, dont use le néocolonialisme, et sur la nécessité de procéder à un audit de la dette tunisienne, depuis 1986, c'est-à-dire la fin de l'ère bourguibienne. A cette date, le FMI a imposé à la Tunisie un plan d'ajustement structurel (PAS) qui dure jusqu'à nos jours, en passant par les époques de Ben Ali et celle de la Troïka. Des milliards de dinars ont été accordés par les institutions financières internationales, dont on ne voit la trace nulle part, en contrepartie de diktats, imposant une politique d'austérité, dans des secteurs stratégiques, tels que l'enseignement, la santé et l'administration. Tout cela a touché les catégories sociales les plus défavorisées et les plus démunies que ces institutions financières condamnent à l'indigence et au chômage permanents, à l'instar de ce qu'est en train de subir le peuple grec que les créanciers européens sacrifient pour leurs propres intérêts et mettent à genoux pour assouvir leur cupidité insatiable», conclut le député du FP.