Pourquoi faut-il lire ou relire ces « Chroniques de la révolution tunisienne : chroniques 2011 / 2014 », édité par Orizons de François G. Bussac ? D'abord, parce qu'elles se lisent comme un roman, avec des personnages hauts en couleur, le Sémaphore, Madame Prune, le Capitaine en particulier, et qu'il est bon, en ces temps étranges, resserrés sur nous-mêmes, de se réfugier dans la littérature. Autant parcourir la table des matières pour en savourer la couleur : « La mère et ses deux fils » ou « La tentation d'Abel et Caïn », « Le craquement des mandibules » ou « La dérive d'Ifrikya ». Ces chroniques ont été écrites «dans le feu de l'action», a déclaré François-G. Bussac qui ne pouvait rester insensible au séisme politique, culturel, sociétal, déclenché en décembre 2010 par le suicide du jeune Mohamed Bouazizi. Il connaissait la Tunisie depuis toujours, à travers les récits de sa mère qui lui narrait la vie de son père, le jardinier de Métlaoui, héros de son livre éponyme, édité en 2009, du même titre. François G. Bussac, alias le Capitaine, avait séjourné de 2004 à 2008 en qualité de directeur des médiathèques françaises et il est toujours résident en Tunisie depuis. Il fallait donc que, de ces événements extraordinaires, il en fit des chroniques, avec cet équilibre délicat qu'imposait l'actualité : les faits ressentis et la distance avec l'écriture qu'il fallait rétrécir. Laissons l'auteur conclure par cet extrait de son chapitre 28, titré des « Chroniques de la révolution tunisienne » : « Ce matin aux aurores, le ciel était si doux qu'il m'a semblé prier. Il s'est ouvert comme une corolle, offert comme l'amour. Des notes de bleu, de blanc, de rose, des nuages d'un gris si pâle. Une caresse sur mon canal, qui en frémit de joie. Mon rossignol, en ses habits modestes, siffle son gazouillis et chante son envie de miettes. Face à la mer, saluant au loin l'éternel Ulysse, toujours nu, nous ne disons rien, l'oiseau et moi. Nous contemplons. En sirotant, en picorant. Sans un mot, de crainte d'effaroucher ce moment de grâce. (...)Je sens, cette année, une infinie lassitude ici. On se réfugie de plus en plus dans un quotidien que l'on pense maîtriser, qui rassure. Le temps est oublié. On ne le regarde pas en face, on biaise, on le prend en traître. Demain est l'effroi. Sous les pavés, non pas la plage, mais la fiente, glissante. On sait le présent comme suspendu au-dessus d'un gouffre, on sent le demain perclus de brumes. Alors comme moi, un jour de légèreté, on vante l'après-demain, ceux qui chantent, ceux qui permettent de renouer avec cette histoire paisible et forte à l'ombre des oliviers, des dattiers et des jasmins fous ! »