Le secteur de la production pétrolière a toujours été entouré de flou et de mystère en Tunisie. Tantôt exploité à des fins électorales, tantôt utilisé pour faire mobiliser la foule, ce dossier fait toujours polémique. Alors que la Tunisie n'est pas connue comme étant un pays pétrolier, ou jouissant de grandes ressources naturelles de ce genre, le débat autour de la production énergétique et notamment pétrolière est à l'origine de certaines crises sociales d'envergure, Al-Kamour étant le principal exemple. Sauf qu'après la révolution, ce dossier s'est transformé en un slogan électoral et a été massivement exploité à des fins purement politiques pour accéder au pouvoir. C'était notamment le cas de la Coalition Al-Karama qui avait bâti sa campagne électorale sur «la récupération des richesses nationales spoliées par les compagnies étrangères». Autant dire que le manque de transparence adopté par les autorités depuis le début des investissements dans ce secteur a accentué ce flou et a alimenté les mystères et même les contre-vérités dans ce dossier. Aujourd'hui, la réalité est tout autre, le secteur est presque au blocage, la production est en baisse et des compagnies internationales menacent de quitter le pays définitivement faute de climat social adéquat. En effet, selon plusieurs sources, de nombreuses compagnies pétrolières installées en Tunisie menacent de quitter le pays, principalement à cause du climat social, en tout cas c'est ce qui est annoncé. Mais selon un expert en énergie qui a préféré garder l'anonymat, il existe d'autres raisons. Des vérités à cacher ? Il explique à La Presse que pour certaines entreprises pétrolières la volonté de quitter le pays est là, sauf qu'il faut mettre en garde contre l'intention de vouloir exploiter cette situation pour «camoufler certains dépassements». «La volonté de quitter y est. La raison principale est que c'est le bon moment de quitter, vu qu'en face il y a le vide, donc elles peuvent facilement tout nettoyer avant de quitter», explique-t-il, confirmant en même temps que la deuxième raison est «l'environnement du travail en Tunisie avec le banditisme et les grèves». Contacté également par La Presse, Imed Derouiche, expert en énergie et ex-PDG de Petrofac, a refusé de commenter cette situation «tant que le secteur est totalement détruit par l'invasion d'incompétents et surtout accaparé par un seul parti politique», sans le citer. Certains médias, notamment des sites d'information étrangers spécialisés dans la question énergétique, avaient confirmé que les deux principales compagnies pétrolières installées en Tunisie, à savoir ENI et Shell, envisagent de quitter le pays à cause de la dégradation du climat social et de l'environnement du travail. Cependant, Rachid Ben Dali, directeur général des hydrocarbures au sein du ministère de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, précise que ces deux sociétés pétrolières n'ont pas «formulé de demandes officielles pour quitter le pays». Et d'ajouter que la société italienne ENI avait exprimé seulement sa volonté de cesser ses activités pétrolières en Tunisie et de s'orienter vers le bio et le renouvelable. «Elle s'est dite prête à investir dans les énergies renouvelables et dans le bio fuel via le sucre de canne», a-t-il affirmé. Evoquant le cas de Shell, le responsable a démenti ces informations, affirmant que durant une dernière réunion à haut niveau avec les dirigeants de la compagnie, « la société a affirmé qu'elle n'avait pas l'intention de vendre ses parts ni à un investisseur étranger, ni à des banques, ni à des groupes». Il faut rappeler dans ce contexte qu'à l'issue de la crise d'El Kamour, l'été dernier, des sociétés pétrolières opérant dans le sud du pays avaient envoyé une correspondance aux autorités et notamment au ministère de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, dans laquelle ils avaient menacé de décréter un chômage technique et d'arrêter de régler les salaires des employés et de quitter définitivement le pays. L'ancien membre du cabinet ministériel de l'Energie, des Mines et de la Transition énergétique, Kamel Cherni, avait confirmé cette information indiquant, en effet, que «si la situation se poursuit de la sorte, ces compagnies vont bel et bien décréter un plan de chômage technique au vu des grandes pertes accusées, et même arrêter leur activité pour force majeure». Baisse de la production Lors d'une conférence de presse tenue récemment au siège du ministère de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, la directrice de l'exploration, Rania Marzouki, a communiqué le résultat des activités d'exploration, de recherche, de production et de développement des hydrocarbures en Tunisie au cours de la période 2010-2020. Marzouki a annoncé une baisse de la production nationale d'hydrocarbures allant de 7 millions de barils de pétrole à la moitié de la quantité entre 2010 et 2020. Ce constat s'explique selon ses dires par la baisse du nombre des puits exploités de 19 à un seul, ainsi qu'à la diminution du nombre des puits d'exploration de 6 à 3 seulement en 2020. Cette baisse de la production est aussi expliquée par la dégradation du climat social en Tunisie. L'union régionale du travail de Tataouine a annoncé une grève ces trois derniers jours (31 mars, 1er et 2 avril), avec arrêt de la production dans les champs de Wadi Zar, Djebel Krouz et El Borma relevant du groupe italien «Eni». Cette décision avait été prise à la suite de l'échec de la session de réconciliation tenue au sujet de la situation sociale des employés des champs de production de la société opérant dans le désert de Tataouine. En août dernier, le ministère de l'Energie, des Mines et de la Transition énergétique avait mis en garde contre la poursuite du blocage de production de pétrole et de gaz naturel dans le sud tunisien. Le département précisait que la Tunisie fait face à des difficultés au niveau de l'approvisionnement en gaz naturel au vu du blocage de la production mais aussi en raison de la crise financière. «La Tunisie fait face à des risques de suspension de l'approvisionnement en gaz naturel et en pétrole, ce qui pourrait paralyser la production d'électricité», a-t-on même annoncé. L'Etat tunisien ne participe pas au risque d'exploration. Mais en cas de découverte, l'Etat a la possibilité d'exercer une option de participation à hauteur de 50%. Dans ce cas, il contribue, a posteriori, au financement de sa quote-part des dépenses de développement et d'exploitation du gisement en question et rembourse sa quote-part des dépenses d'exploration.