La salle était à moitié pleine à l'ouverture de la 3e édition de «Courtes mais bonnes», jeudi dernier, à l'espace culturel El Teatro. Initiée par Taoufik Jebali, cette manifestation, qui se déroule sur trois jours, se penche avec dérision et humour sur l'actualité politique à travers de très courtes saynètes d'une durée maximum de 10 minutes. Sans présentation, ni discours de la part des organisateurs, ni non plus de document présentant le spectacle et les protagonistes, comme le veut l'usage, les spectateurs sont invités à découvrir ce pot-pourri interprété par des artistes peu connus mais dont les prestations sont néanmoins appréciées par l'assistance. Dix-huit sketchs et environ deux heures et demie de spectacle non-stop où toute l'actualité politico-médiatique a été décortiquée parfois avec cruauté mais toujours avec une pointe d'ironie salvatrice. Prendre des situations dramatiques inspirées de la réalité et les cuisiner avec des mots drôles et subtils, c'est tout l'art de la machine comique de l'atelier de Jebali. C'est la talentueuse cantatrice Alia Sellami qui a ouvert le bal en entraînant les spectateurs dans une ambiance qui vous pénètre par tous les pores. Avec le mot «choc», elle propose une cascade de termes comme chèque, cheikh, chkoun, charité, choco Tom, Choufli hal, chakchouka, chaque jour, etc. qu'elle chante de manière à peine audible. Se suivent après des sketchs mettant en scène des thèmes sur la liberté des femmes, la laïcité, le terrorisme, la francophonie, la liberté d'expression, la Palestine, le racisme, les talk-shows télévisés, etc. Le clou de ce spectacle est la saynète jouée par Hatem Karoui, un artiste qui fait preuve de beaucoup de talent. Dans le sketch qu'il a présenté, il s'est mis dans la peau du célèbre présentateur égyptien Bassem Youssef, invité à présenter la soirée de clôture de remise des prix des Journées cinématographiques de Carthage. Ici, les récipiendaires ne sont pas des cinéastes mais les hommes politiques qui nous gouvernent. Hatem Karoui n'a pas manqué de verve pour critiquer les politiciens avec un dialecte égyptien sans faute. Le sketch est succulent et fait mourir de rire. Le moins cocasse et le moins réussi d'ailleurs, à notre avis, est celui de l'hôpital avec le corps médical portant chacun un sachet noir contenant soi-disant des membres de corps humain, allusion sans doute à la tête du fameux berger tué par les terroristes au mont Chaambi. L'humour noir lorsqu'il est mal maîtrisé devient tout juste une bourde. Il n'en demeure pas moins que ces prestations théâtrales, qui consacrent les travaux des jeunes acteurs membres d'El Teatro Studio, ont réussi à tordre le cou avec intelligence et drôlerie à des termes utilisés avec amalgame tels que "laïc = athée", "libertés des femmes = safirattes à mœurs légères", "francophones = traîtres à la Patrie", etc. et remis un peu d'ordre dans la cuisine des mots. Chapeau à la direction artistique du spectacle assurée par Taoufik Jebali et la coordination par Walid Ayadi et au travail artistique de toute l'équipe, dont Alia Sellami, Zohra Zammouri, Raida Taha, Mona Belhaj, Yosser Galai, Hatem Karoui et les autres «Citoyens dites-vous !».