Les mesures présidentielles du 25 juillet ont recentré le débat. L'on redemande les mêmes revendications : emploi, justice et développement régional. Quitte à compromettre la paix sociale On n'a jamais cru à une telle réaction présidentielle aussi prompte aux appels des manifestants, si nombreux, descendus dans la rue le 25 juillet dernier. Et puis, on n'a jamais pensé que cette réponse soit, illico, traduite en mesures exceptionnelles, avec en toile de fond la préservation du prestige d'un Etat gravement abusé et la guérison d'un peuple meurtri par la pandémie. Gel des activités de l'ARP, levée de l'immunité des députés et révocation du chef du gouvernement, ces nouvelles instructions présidentielles, bien qu'elles soient limitées dans le temps, ont trouvé un écho favorable auprès des manifestants, créant ainsi une liesse populaire sans précédent. Ainsi s'esquisse un certain changement censé redonner confiance et espoir. Action et réaction Toutefois, cette réaction à l'égard de ces doléances majoritairement partagées a dû mettre du baume au cœur et rassurer une opinion publique déçue et trahie par une classe politique autiste et corrompue. Et des partis à l'esprit étroit, aux idéologies presque utopiques, s'enferment dans leur tour d'ivoire. Leurs idées et projets n'ont rien à voir avec la réalité d'un pays extrêmement appauvri, au bord de la faillite. Pourtant, ils n'ont pas appris la leçon. D'un gouvernement à l'autre, on n'a rien gagné. Sinon un cafouillage parlementaire et des combats de coqs qui ont pesé lourd sur le fonctionnement de l'Etat de droit et des institutions. Et voilà que la crise sanitaire, due au Covid-19, a tout mis à nu, pour annoncer un échec politique cuisant. Surtout que le constat dans nos hôpitaux demeure de plus en plus alarmant. L'on compte, aujourd'hui, près de 20 mille décès et des milliers de contaminations. Où va-t-on ? Sous nos cieux, on a du mal à donner des bouffées d'oxygène, au sens propre et figuré. Un ras-le-bol populaire ! Et vint le 25 juillet dernier, commémorant autrement la fête de la République. Dans la soirée, les mots-clés du Président Kaïs Saïed ont pu, cette fois-ci, tracer les contours d'un véritable tournant. Et là, peut-on dire qu'une troisième république se profile à l'horizon ? La thèse semble faire du chemin de l'avis des observateurs nationaux et étrangers, Saied commence à planter le décor d'une ère nouvelle. Depuis, les jours se succèdent et ne se ressemblent plus. Les décrets présidentiels se multiplient. A conjoncture exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Car, cet état d'urgence, à en croire des spécialistes en droit constitutionnel, ne devrait pas trop durer. Cela dit, il faut bien agir en connaissance de cause. L'article 80 de la constitution stipule que ces exceptions sont limitées dans le temps, pouvant même dépasser l'intervalle d'un mois. Un coup d'éclat ! Plébiscité lors de la présidentielle 2019, Saïed se voit, encore une fois, fortement soutenu par une légitimité populaire hors du commun. L'homme se donne ainsi carte blanche, sans pour autant toucher aux principes de la légalité. En fait, il tient à répondre à l'appel du devoir national : faire face aux périls et sauver le pays de l'abîme. Tout le monde sait que le terrorisme, la corruption, l'échec politique, auxquels s'ajoute une crise sanitaire aiguë, sont autant de maux qui risquent de verser dans le chaos. Le spectre d'une guerre civile aux conséquences inconnues n'a pas été aussi éloigné. Saïed s'est ainsi imposé en commandant de bord, garant de la sécurité et de la stabilité du pays. Il a pris son courage à deux mains, opérant un vrai coup d'éclat. D'autres l'ont, a priori, qualifié d'un coup d'Etat constitutionnel. Alors que toute la Tunisie ou presque le considère comme un acte de salut qui aurait dû être fait depuis dix ans. Soit un complément d'une révolution jusque-là inachevée, ayant éclaté en janvier 2011, dont les trois objectifs « Emploi, liberté, dignité » n'ont pas été dûment réalisés. C'est que le feu couve encore sous la cendre. L'avant et l'après-25 juillet! Et revoilà, le geste présidentiel du 25 juillet recentre le débat. L'on redemande les mêmes revendications : Emploi, justice et développement régional. Quitte à compromettre la paix sociale. Et la récente révolte populaire n'était pas fortuite. C'est le prolongement des mouvements sociaux épisodiques constamment en ébullition. Un danger bien réel sur lequel avaient alerté le Ftdes et beaucoup de sociologues engagés. Encore une fois, la classe politique, aussi sclérosée soit-elle, ne l'entendait pas de cette oreille. Elle continue à faire une fuite en avant. Tous les gouvernements qui se sont succédé n'ont pas été au rendez-vous. Face à cet imbroglio, Saïed a décidé de prendre les choses en main. Il a mis tout le monde devant le fait accompli. Ce qui lui a permis d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour assurer la sécurité et la continuité de l'Etat. Pour lui, le contrat social entre gouvernants et gouvernés n'a pas été rempli. Leur mandat a dérogé à la règle, d'autant que les droits les plus élémentaires du citoyen ont été bafoués. Et si ces rapports sociaux ne sont plus au beau fixe, que restera-t-il du prestige de l'Etat ? Certes, la légitimité populaire l'emportait ! Et toute lecture fragmentée des articles de la Constitution n'est autre qu'une manipulation des politiques voulant masquer la réalité de leur échec, a-t-on ainsi jugé. Il y aura, désormais, un avant et un après-25 juillet !