Manquant de volonté politique, tous les gouvernements qui se sont succédé ont fait du surplace, en faisant croire le contraire. Le 25 juillet, dix jours déjà ! On n'a pas fini de peser le pour et le contre pour déchiffrer l'acte présidentiel si tranchant et bien chargé de messages clés. Et maintenant que les dés sont jetés, quelle serait l'étape d'après ? Ce passage à vide politique semble inquiéter de larges franges de la société. Il prête à diverses interprétations et supputations, faute de données probantes. C'est également l'heure des confrontations, voire des diffamations. Les uns s'accusent mutuellement, les autres se renvoient la balle. Pour l'Ugtt et les organisations civiles, l'essentiel consiste, désormais, en la mise en œuvre d'une feuille de route claire et chronologiquement détaillée. L'heure des réformes a bien sonné. Pas plus tard qu'hier, des experts de tous bords et des personnalités politiques et des droits de l'homme se sont interrogés sur l'après-25 juillet. « Révolution de la République, et après », ainsi s'intitulait la conférence de presse organisée, hier matin, au Snjt à Tunis, par l'association « Forza Tounes ». Son président, Souhayel Bayoudh, avait, d'emblée, qualifié ce qui s'est passé de révolutionnaire au sens propre du terme. Un geste révolutionnaire, donc, visant à rectifier le tir et remettre les pendules à l'heure. Partant du lendemain de 2011, l'homme s'est présenté comme victime d'injustice et d'oppression et la cible des lobbies. Dix années et sans véritable contre-pouvoir régulateur, selon lui. Dans la même veine, Souhayel Bayoudh a exhorté les médias nationaux à jouer pleinement leur rôle et à être un rempart contre les forces rétrogrades qui tirent vers le bas. «On ne doit pas faire marche arrière», lance-t-il, en référence à l'initiative prise par le président Saïed le 25 juillet. Selon lui, c'est un nouveau tournant vers des lendemains meilleurs. Fiasco politique De son côté, Badreddine Gammoudi, président de la commission chargée de la réforme administrative, de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption au sein d'un parlement gelé, a amèrement regretté l'échec caractérisé de la guerre dite anticorruption. A défaut de volonté politique, tous les gouvernements qui se sont succédé ont fait du surplace, en faisant croire le contraire. « La guerre contre la corruption a été un slogan creux. Une alliance d'intérêts a été scellée entre le pouvoir et les mafieux», révèle-t-il encore. Le tout aux dépens de l'intérêt général. Et à l'en croire, aucun gouvernement n'est au-dessus de tout soupçon. Un fiasco politique, selon Badreddine Gammoudi ! Hichem Mechichi, dernier chef de gouvernement, limogé par Kaïs Saïed, « est également accusé d'avoir entravé les missions de contrôle et d'enquête. D'autant que ces instances souffrent de plusieurs défauts intrinsèques dont le manque d'effectif. Sans parler du fait qu'elles sont sous la tutelle du pouvoir exécutif. » M. Gammoudi a aussi pointé du doigt l'appareil judiciaire, « mis à genoux », qui ne parvient plus à s'acquitter convenablement de sa mission. Le jugement de milliers de dossiers est renvoyé aux calendes grecques. « On n'a pas entendu parler à ce jour d'un dossier important sur lequel le pôle judiciaire et financier a pu statuer», accuse-t-il. Ce pôle connaît, depuis sa création, des dépassements divers et multiples. Son impartialité est également mise en doute. Il est, à ses dires, sous la coupe de l'ancien procureur de la République près le tribunal de première instance de Tunis, Bechir Akremi, mis actuellement en résidence surveillée. Et d'ajouter, la fameuse commission des biens confisqués est, elle aussi, mal gérée. La manière détournée avec laquelle ont été cédés des biens publics, des véhicules et même des palais confirme les suspicions de corruption qui entourent ces transactions. « Un des palais présidentiels à Sousse a été vendu à 20 millions de dinars, un prix insignifiant qui ne reflète pas sa juste valeur », déplore-t-il. En guise de recommandation, Badreddine Gammoudi a insisté sur la nécessité de faire en sorte que la lutte contre la corruption devienne une guerre sans répit. Selon lui, est venu le temps de supprimer les formalités bureaucratiques et de passer à la digitalisation de l'administration. Tout service rendu à distance réduit considérablement la corruption. La BCT impliquée ? Pour l'économiste Jamelddine Aouididi, il y a urgence de changer le modèle de développement et de rompre avec l'économie rentière et le monopole pratiqué par certaines familles sur divers secteurs d'activités. Un cercle vicieux dont il faudra sortir coûte que coûte. Après le 25 juillet, l'occasion est propice, à présent, de promulguer de nouvelles lois, notamment celles régissant la Banque centrale. En 2016, une loi a été promulguée portant atteinte à l'indépendance de l'institution. D'après la loi de 1958, rappelle-t-il, la Banque centrale est appelée à injecter des fonds pour renflouer les caisses de l'Etat, et ce, afin de veiller aux équilibres financiers de l'économie nationale. Par conséquent, selon l'économiste, il est fort intéressant d'amender la loi de 2016 pour faire de la BCT un organisme au service de l'Etat. Egalement, redynamiser l'économie et stopper l'hémorragie des importations sont, aujourd'hui, des impératifs pour relancer le tissu économique national. Ce qui est de nature, selon M. Aouididi, à encourager des projets économiques, créer de la richesse et générer des emplois. Parallèlement, il faudra rationaliser le flux des importations. Le marché de la contrebande a atteint 60 milliards de dollars, soit une fois et demie des dettes publiques.