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«Hadhra 2010», une œuvre magistrale
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 19 - 08 - 2010


Par Emna MENIF (médecin universitaire)
Les remous d'une critique acerbe sur les deux représentations de «Ha-dhra 2010» de Fadhel Jaziri nous parviennent encore. On ne peut qu'en être surpris et à certains égards affligé.
D'abord, que je sache, Fadhel Jaziri n'est ni un cheikh de soulamia ni un mystique, c'est un artiste. Et en la matière, il répond bien à tous les attributs de l'artiste accompli qui n'a plus rien à prouver : c'est un homme de culture, un dramaturge, metteur en scène et comédien hors pair.
Fadhel Jaziri n'est pas sorti de son registre. Il a tout simplement produit une œuvre artistique de grande facture, sous tous ses aspects. Comme à son accoutumée, il n'a rien laissé au hasard.
Il a soigné les costumes avec un grand sens esthétique sans sacrifier au folklore racoleur. En parfait connaisseur de la tradition, il a superbement vêtu les hommes de costumes traditionnels de tous genres, en les réhabilitant sans la moindre faute de goût. Créatif, il a su, partant de tissus, également traditionnels, marié costumes féminins bédouins et citadins à la modernité. Et dans un foisonnement de couleurs, il a pu imprimer grâce et splendeur, en même temps que diversité et originalité.
Il a tout naturellement concilié pas de danses classiques, envolées de danse moderne et transes mystiques pour une présence scénique intense et esthétique dans une chorégraphie tout simplement belle en même temps que complexe. Le regard embrassait l'ensemble de la scène où partout quelque chose se passait, vigilant à n'en plus oser cligner des cils de peur qu'un tableau lui échappe ou qu'un détail ne le fuie. Les transitions d'un tableau à l'autre étaient naturelles, sans discontinuité, sans temps morts, sans pesanteur… et tout semblait aller de soi.
Musiques et chants n'étaient pas en reste. Introduire une orchestration moderne, mêler saxophone au mezoued, faire appel à cet énorme instrument à vent venu d'ailleurs ranimé par le souffle d'une frêle jeune femme ou organiser un concert permanent de percussions n'a desservi ni les chants originels d'El Hadhra ni les voix choisies dans une large gamme de vocalises et de timbres, même si certaines étaient faibles. Mieux encore, la distribution nouvelle qui a été présentée a impulsé au chant mystique un caractère différent, peut-être plus temporel, et laissé aux interprètes le loisir d'exprimer leur pleine mesure.
Mais au-delà de la dimension artistique, il y a, à mon sens, une symbolique qui ne devrait pas nous échapper. On peut d'ailleurs se demander si notre perception de l'œuvre est nécessairement ce qu'a voulu transmettre l'artiste. La création n'échappe-t-elle pas bien souvent à son créateur ? Il n'en demeure pas moins que, pour ma part, on ne peut ne pas percevoir une part de transgression dans «Hadhra 2010». Il y a un instant crucial, dès le commencement, où les jeunes femmes jettent leur voile à terre pour se mêler aux chants et aux danses des hommes d'El Hadhra, avec un rien de détermination révoltée. Il y a une attention particulière qu'on ne peut pas s'empêcher de porter sur cette belle jeune femme vêtue de costume masculin. Il y a une émotion saisissante lorsqu'une blonde platine, a priori pas à sa place, sifflée au début de son tour de chant, impose un silence troublant lorsqu'elle déploie une voix intense en même temps qu'envoûtante, pour un peu céleste, dans l'invocation du Prophète. Et finalement, quel hommage et quelle réhabilitation aux femmes lorsque leurs voix tantôt se mêlent aux voix masculines et tantôt s'en singularisent dans le chant mystique.
Par des temps où le retour au religieux signifie pour certains l'exclusion des femmes de la sphère publique sous des couverts fallacieux, leur redonner leur place naturelle à tous les niveaux de l'expression est un défi, même sur une scène artistique. Et au-delà, s'autoriser à marier sacré et profane dans une perception plus ouverte, plus tolérante et plus joyeuse de l'évocation spirituelle est une gageure qui n'est pas sans risque.
En somme, «Hadhra 2010» est une œuvre magistrale, un spectacle musical intense, joyeux, haut en couleurs, en surprises et en émotions, et dans un sens engagé de façon subtile, à peine perceptible. Depuis combien de temps n'avons-nous pas apprécié son pareil ?
En définitive, qu'est-ce qui est reproché à Fadhel Jaziri ? D'être fidèle à son métier d'artiste ? D'être libre dans la création et de faire partager sa liberté ? D'être un esthète qui sort des sentiers battus et même de ses propres sentiers ? Ou peut-être simplement de ne pas être un médiocre parmi tant d'autres ?
Dépassons le cas «Hadhra 2010», une question plus pressante se pose. Quand allons-nous cesser de nous insurger chaque fois qu'une création est innovante et vouloir figer l'imagination, aux prétextes galvaudés de patrimoine et d'identité ? N'avons-nous pas encore compris et admis que l'art est par essence transgression, qu'il est libératoire, transcendantal ? Depuis quand l'art est-il le gardien de la tradition, du patrimoine ou de l'identité (laquelle ? lesquelles ?) D'autres en ont la charge et s'en acquittent. L'artiste, quant à lui, peut les célébrer et s'en inspirer mais il a aussi le privilège de pouvoir s'en émanciper. L'art innove. Il crée le patrimoine de demain.
Alors, si on est en droit de ne pas nécessairement aimer le spectacle de Fadhel Jaziri, saluons sa contribution dans l'édifice de notre patrimoine futur. On est dans le devoir de reconnaître sa valeur et la prouesse du maître.


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