Par trois fois, Ameur Hizem a été sélectionneur national, en plus de ses responsabilités de DTN et son passage par le CA, le ST, l'USM... Son témoignage est des plus précieux quand on sait qu'il a eu sous ses ordres les plus grands joueurs du pays. «Dans mon esprit, le joueur qui incarne le mieux la longévité d'une carrière reste incontestablement Tarek Dhiab. Il a su gérer parfaitement un long parcours, alors qu'un footballeur comme Hamadi Agrebi me paraît plus doué. La différence se situe au niveau de la vie privée, de ce qu'on appelle l'hygiène de vie, du sérieux et de l'application aux entraînements, de la motivation sportive. Et je suis bien placé pour apprécier le parcours de l'enfant de l'Association Sportive de l'Ariana. puisque je l'avais connu alors qu'il était inscrit à l'école de football. Je me rappelle avoir invité le grand technicien allemand Dietmar Kramer, ancien entraîneur du Bayern Munich, à visiter les installations de l'Espérance Sportive de Tunis. Il était alors instructeur de la Fifa. Abderrahman Ben Ezzeddine lui présenta Tarek et Hédi Bayari qui venaient d'arriver à l'EST en provenance de l'Ariana. Le second, comme on le sait, allait vite rebondir au Club Africain. Kramer avoua sur le coup : «Eh bien, ces deux-là vont faire du chemin !». Je me rappelle également de Sadok Sassi, dit Attouga, qui a eu une bien longue carrière. Il le doit à un sérieux sans faille aux entraînements. Je ne connais pas exactement ce qu'il était en dehors du terrain. Toutefois, sur un terrain, c'était un grand bosseur, un monstre de labeur, une sorte de stakhanoviste. Il lui arrive comme tout le monde de connaître des passages à vide ; cela coïncida avec les Jeux méditerranéens d'Alger, en 1975. Il n'était pas en forme. En rentrant, je l'ai remplacé par Mokhtar Naïli durant cinq rencontres avec le Club Africain que j'entraînais alors. Le temps de souffler et le voilà revenu en forme, juste à temps en vue de la Coupe maghrébine des clubs. Il est vrai qu'il donnait des complexes aux attaquants algériens et marocains. Ils le craignaient, en fait. Le président du CA de l'époque, Azouz Lasram, m'a fait cette remarque : «Laisser Attouga au repos et lui préférer Naïli, c'est une décision plus grave et plus impensable que celle d'un de Gaulle rejetant d'arrimer la France au Pacte atlantique !». Je crois que les footballeurs d'antan «durent» plus longtemps. Ils n'étaient pas aussi gâtés que ceux d'aujourd'hui, et ne jouaient pas pour l'argent. A présent, on trouve rarement un joueur capable de faire toute une saison pleine comme jadis un Chakroun, un Chammam, un Akid... Les dirigeants assument un rôle capital dans l'encadrement des joueurs. Un Abdelmajid Sayadi, président de la section FB du CA durant 23 bonnes années, cela ne court pas les rues, les responsables savaient imposer une discipline de fer. J'ai entraîné le Stade Tunisien trois bonnes saisons. Jamais, le président Mohamed Acheb ne m'avait demandé quelle formation j'allais aligner. Et puis, l'entraîneur doit être un bon communicateur pour inciter le joueur à rester le plus longtemps dans le milieu. Rached Tounsi a été fortement critiqué après avoir raté un match avec le ST. On ressortit son passé de joueur de sport et travail, le refus du CA et du CSHL de l'engager... J'ai parlé avec lui, je lui ai fait une sorte de «lavage de cerveau», comme on dit. Résultat : il réussit un triplé devant l'Espérance de Tunis !».