24 ministres, dont 8 femmes, et une secrétaire d'Etat. Lors d'une cérémonie tenue, hier, au Palais de Carthage, la Cheffe du gouvernement, Najla Bouden Romdhane, a dévoilé finalement son équipe gouvernementale, ainsi que ses objectifs pour la prochaine étape, après avoir prêté serment devant le Chef de l'Etat, Kaïs Saïed. 24 ministres, dont huit femmes et une secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères composent le gouvernement de Bouden qui a été approuvé par le Président de la République. Leur première mission sera de lutter contre la corruption, comme annoncé par la Cheffe du gouvernement. Deux ministres, à savoir Othmane Jerandi, ministre des Affaires étrangères, et Fathi Sellaouti, ministre de l'Education, conservent leurs portefeuilles, alors que deux autres, à savoir le ministre de l'Intérieur, Taoufik Charfeddine, et le ministre de la Jeunesse et des Sports, Kamel Dguiche, limogés par l'ancien chef du gouvernement Hichem Mechichi, font leur retour. Limogée également par Mechichi, Leïla Jaffel, ancienne ministre des Domaines de l'Etat, revient par la porte du portefeuille de la Justice. Notons également que Sihem Boughdiri, Ali Mrabet, tous deux chargés de gérer leurs départements depuis les événements du 25 juillet, ont été nommés, respectivement, aux postes de ministres des Finances et de la Santé. Le ministère des Affaires locales a été supprimé et celui de l'Economie, des Finances et de l'Appui à l'Investissement a été séparé. Idem pour le ministère de la Jeunesse, des Sports et de l'Intégration professionnelle. Le professeur universitaire, Imed Memmich, a été nommé au poste de ministre de la Défense. La magistrate Leïla Jaffel a été, pour sa part, nommée au poste de ministre de la Justice. Jaffel avait été nommée en août 2020, ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières dans le gouvernement de Hichem Mechichi. Le 15 février 2021, elle a été limogée par l'ancien chef du gouvernement, Hichem Mechichi. Samir Saïed, lui, a été nommé comme nouveau ministre de l'Economie et de la Planification au gouvernement Najla Bouden. Le programme du gouvernement La Cheffe du gouvernement, dans une brève allocution, a présenté les grands traits du programme de son équipe gouvernementale. Pour elle, le premier objectif du gouvernement étant de restaurer la confiance des Tunisiens. Le gouvernement sera également chargé de garantir tous les droits des Tunisiens en matière de sécurité économique et sanitaire, a-t-elle noté. Najla Bouden vise également à rassurer l'étranger sur les capacités de la Tunisie de dépasser cette situation et d'instaurer un Etat fort et capable de faire face à tous les défis économiques. Tout cela passe, selon ses dires, par l'efficacité des entreprises publiques, mais aussi par la concrétisation des principes d'équité et de lutte contre la corruption. Compte tenu de la situation économique, elle a mis l'accent sur la nécessité d'accélérer le circuit économique, encourager l'investissement et améliorer le pouvoir d'achat des citoyens. La gestion des affaires de l'Etat impose, a-t-elle dit, une opération d'évaluation, d'analyse et de réorganisation pour ordonner les priorités et œuvrer au rétablissement de la confiance en l'action gouvernementale, a-t-elle souligné. La nouvelle Cheffe du gouvernement a souligné que l'action gouvernementale sera, en effet, basée sur le rétablissement de la confiance en l'Etat et la confiance du citoyen et des jeunes en leurs capacités, qui ne se réalise que par la garantie de l'égalité des droits et devant la loi, en plus de la confiance des partenaires de la Tunisie. Kaïs Saïed annonce, avertit et promet Prenant la parole lors de cette cérémonie, le Chef de l'Etat s'est exprimé sur les décisions prises le 25 juillet dernier, rappelant qu'elles visaient à «protéger l'Etat contre tout péril, qui est d'ailleurs, toujours présent en Tunisie». Dans ce sens, le Chef de l'Etat a annoncé que les dispositions exceptionnelles restent en vigueur jusqu'à nouvel ordre, promettant de faire face à «tous ceux qui veulent porter atteinte à la Tunisie et à sa souveraineté». Faisant allusion aux agissements de l'ancien président de la République, Moncef Marzouki, Saïed a sévèrement dénoncé le fait que «certains veulent comploter contre l'Etat tunisien et veulent porter atteinte aux relations avec des pays frères, comme la France». Présentant des photos témoignant du chaos au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Kaïs Saïed s'est opposé à tout retour à l'avant-25-juillet, critiquant sévèrement la situation politique dans laquelle était enfoncée la Tunisie. «Dans les prochains jours, un cadre sera trouvé pour un vrai dialogue national, différent de ce qui a été fait durant les dernières années», a-t-il promis. «Un dialogue national qui associera les jeunes de toutes les régions et l'ensemble des Tunisiens pour finaliser la révolution et le processus du mouvement de rectification et de libération», a-t-il dit. Kaïs Saïed s'est, également, engagé à poser des délais pour chaque étape, affirmant: «Nous resterons dans l'exception tant que le péril persiste dans le parlement et autres institutions. Nous traquerons les corrompus, l'argent du peuple reviendra au peuple». Il a fait observer que la nomination de la nouvelle équipe gouvernementale intervient dans «un contexte difficile et chargé de défis». Il s'agit, de prime abord, de «sauver l'Etat de ceux qui le guettent en croyant que les postes sont des butins à se partager». Nous ouvrirons tous les dossiers, a-t-il martelé, mettant en garde contre ceux qui cherchent à nuire à l'Etat et à l'intérêt des citoyens. Réactions et attentes Les réactions à cette nouvelle composition gouvernementale n'ont pas tardé. Le secrétaire-général adjoint de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) a rappelé, dans ce sens, que la formation du gouvernement était l'une des principales revendications de la centrale syndicale. Cependant, l'Ugtt attend toujours la mise en place d'un programme de gouvernement et d'ouvrir les dossiers sociaux et économiques. Dans un communiqué rendu public, l'Union nationale de la femme tunisienne a, pour sa part, réitéré son appréciation du choix de placer une femme à la tête de La Kasbah, se montrant satisfaite également du fait d'avoir accordé aux femmes des portefeuilles ministériels de souveraineté. Sur le plan politique, le leader suspendu d'Ennahdha, Imed Hammami, s'est montré «optimiste pour l'avenir de la Tunisie» après avoir pris connaissance de la composition gouvernementale. «Ce gouvernement a toutes les chances de venir à bout de ses missions», a-t-il souligné. Le secrétaire général du mouvement Echaâb, Zouhaier Maghzaoui, a également félicité Bouden, notamment pour la présence féminine, estimant que ce gouvernement doit immédiatement se pencher sur la situation économique du pays. Pour sa part, la figure de la mouvance anti-25 juillet, Jawher Ben Mbarek, a qualifié ce gouvernement d'un «comité illégitime». «Nous allons l'affronter comme nous affrontons le coup d'Etat», a-t-il posté sur Facebook.