Par M'hamed JAIBI Destouriens, bourguibistes, bourguibiens, rcdistes, nidaïstes... ont accouru le 2 mars à Monastir, comme pour célébrer une «unité nationale» ressoudée, celle-là même qui était si chère à Bourguiba mais qui n'arrive toujours pas, ces temps-ci, à identifier les voies d'une relance significative de l'économie et du développement. Le 2 mars est également la date choisie par Mohsen Marzouk pour faire un nouveau pas vers un lancement effectif de son nouveau parti, fort de quelques recrutements destouriens. Et Bourguuba trône de nouveau, juché sur son cheval historique du 1er juin 1955, aux portes de Tunis, mais il ne gouverne pas. Pas plus que tous ceux qui s'en réclament désormais et qui restent impuissants à rétablir le pays. Mieux, incapables de s'unir au détriment de leurs ego démesurés, de se trouver un leader rassembleur et crédible, de voler au secours du «premier parti» guetté par l'implosion, alors qu'il matérialise, en fait, leur propre victoire électorale et leur réconciliation avec cette démocratie que Bourguiba n'a pas eu le temps — ou le loisir — d'instaurer. Maintenant, tout le monde se réclame de Bourguiba mais son génie nous manque, comme son sens des étapes doublé de son attachement aux principes sacro-saints et au respect des lignes rouges. Il sait quand déclencher, quand mettre le holà, il sait quand rassembler, quand lancer les défis, il sait quand négocier, même en catimini, et quand rompre le fil pour courir rallier, ameuter, rassembler. Ici et maintenant, Bourguiba nous interpelle. Son appel au sursaut est limpide et pressant. Mais la tâche s'avère décidément coriace. Partis, fondations, associations, amicales, clubs... se multiplient, se dédoublent et se fragmentent, en une surenchère sans fin de l'allégeance à la mémoire du défunt, mais aucun n'a su pertinemment raviver la flamme. Les orphelins sont nombreux et se démultiplient, aucun ne s'élève cependant au rang de l'héritier. Les leaders autoproclamés se bousculent dans l'antichambre de l'histoire, attendant en vain le sacrement. Dans le temps, Bourguiba avait su prendre part, s'intégrer puis se fendre, se distinguer, professer... pour convaincre et s'imposer. Avant de proclamer le «Néo», il a su gagner la confiance de tous et digérer l'élan du Destour et la riche histoire des réformateurs de céans. Son appel attend impatiemment l'étincelle du réveil, celle du sursaut salvateur. De l'initiative patriotique unitaire qui tournera enfin le dos aux petits calculs mesquins des mégalos, afin de rejoindre la dimension des appels du défunt.