On proteste contre la situation qui prévaut dans l'hôpital public. Celui qui a formé tant de compétences très sollicitées à l'étranger court à sa perte. Au bout de ces dix dernières années, la dégringolade n'est plus à démontrer. Point de la situation. Dans nos hôpitaux, on n'a jamais été assez contents ou bien servis. Nos besoins ne sont toujours pas satisfaits, et ce, pour mille et une raisons ! Toutefois, le ministère de tutelle s'enferme dans sa tour d'ivoire. Chose qui a fait, maintes fois, sortir les professionnels de la santé hors de leurs gonds. Souvent pour la même cause. Leur syndicat général, celui des médecins, médecins dentistes et pharmaciens de la santé publique, avait, depuis le mois dernier, averti de débrayer à travers tout le pays. Et il a failli décréter une grève qui fut finalement reportée à la dernière minute au 16 et 17 mars 2022. Les maux d'un secteur D'ailleurs, agir de la sorte n'est guère un fait rarissime au sein du milieu hospitalier. C'est la énième fois que cela se passe inaperçu. Sans que personne ne bouge le petit le doigt. Et combien de fois la réforme du secteur a fait grand débat, mettant en avant les mêmes revendications d'ordres moral et professionnel. Mais on finit par revenir à la case départ. Pourtant, l'hôpital public s'enlise dans son éternelle crise. Depuis des années, un vrai projet de réforme sanitaire s'impose comme une planche de salut qui réserve à tous le droit d'accès à des services de soins de qualité. Souvenons-nous encore de celui théoriquement engagé, sans suite, il y a maintenant huit ans. Ainsi, l'idée avait pris forme, dès le début de la révolution. C'était, donc, un chantier «ambitieux», publiquement annoncé, sous les auspices de l'OMS qui se targuait de lui apporter l'appui financier requis. Prestations médicales tous azimuts, structures de santé bien fournies, situation professionnelle et matérielle acceptable, médecine de spécialité judicieusement répartie, tout fut ainsi annoté dans un livre blanc et il ne restait, à l'époque, que passer à l'action. Le pari aurait dû être gagné. Sauf que la politique de l'Etat n'a pas suivi. L'on a, depuis, baissé les bras. Entre-temps, la crise du secteur de la santé s'intensifie et le risque de son implosion demeure bien réel. La mort suspecte de 15 nourrissons à La Rabta, l'affaire de stents périmés, trafic des médicaments et bien d'autres accidents mortels survenus dans nos hôpitaux qui n'ont cessé de poser les points d'interrogation. Aussi, se rappelle-t-on encore du décès de Badreddine Aloui, jeune médecin au début de sa carrière, suite à sa chute dans une cage d'ascenseur à l'hôpital de Jendouba. Tous ces maux continuaient à remuer le couteau dans la plaie. Pire, le Covid-19, lui aussi, vient apporter un coup dur. Ce constat si alarmant, il faut le dire, n'est plus un secret. L'Association tunisienne de défense du droit à la santé l'a, d'ailleurs, confirmé: «Plus de 5 milliards de dinars sont investis dans les soins de santé de base sans qu'une majorité de citoyens n'en jouisse pleinement». Chiffres à l'appui, près de deux millions de Tunisiens n'ont aucune couverture sanitaire, alors que les trois quarts de la population ont du mal à bénéficier de soins de qualité dans nos hôpitaux. Et pourtant, l'on continue à payer aussi cher des consultations médicales et consommer assez de médicaments qui ne sont plus à la portée de tous. Revendications anciennes-nouvelles Certes, une telle vérité dérange, mais la réalité en dit aussi long. Lors de grèves antérieures, les blouses blanches, en colère, avaient scandé les mêmes slogans. Sauver le secteur et parer à l'urgence : droit d'accès aux soins médicaux, couverture sanitaire, assurance maladie, bonne gouvernance administrative, pénurie des médicaments et bien d'autres doléances qui préoccupent encore la corporation. Soit des revendications anciennes-nouvelles, auxquelles la profession revient à chaque fois. Sans résultat. Et revoilà que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Aujourd'hui comme hier, on défend la même cause. Bref, on proteste contre la situation dans laquelle se trouve l'hôpital public. Celui qui a formé tant d'élites très sollicitées à l'étranger court à sa perte. Au bout de ces derniers dix ans, sa dégringolade n'est plus à démontrer. C'est ce qu'avait déploré Dr Slim Ben Salah, alors président du Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom). Le secteur a perdu son credo, d'autant plus qu'il a dérogé aux moindres règles de la déontologie. La responsabilité médicale n'existe plus. Le citoyen-patient étant, hélas, le grand perdant. Jusqu'à quand peut-on attendre une réforme sanitaire en profondeur? «L'hôpital de la mort», comme ont osé le qualifier ses employés, ne peut pas continuer à fonctionner avec un budget annuel d'à peine 5% de celui de l'Etat. On se sent offensé d'en parler ainsi, mais c'est la vérité. Encore une fois, les professionnels de la santé se sont retrouvés dans la même situation : des conditions de travail si misérables qu'il faut améliorer à tout prix.