La réforme globale du secteur de la santé demeure encore figée. Qu'en est-il des huit axes majeurs et du Livre blanc ? Feu Slim Chaker, alors ministre de tutelle, peu avant sa mort subite, début octobre 2017, lançait un appel d'urgence pour la mobilisation de pas moins de 770 MD au profit des hôpitaux publics et de la Pharmacie centrale. Sorte de profession de foi, l'homme avait tiré, sans détour, la sonnette d'alarme sur l'une des questions les plus pressantes, à savoir la réhabilitation du secteur. Souvenons-nous encore du fameux plan de réforme sanitaire, théoriquement engagé il y a six ans, qui a pris forme sans suite, au temps de M. Mohamed Salah Ben Ammar, alors, ministre de la Santé dans le gouvernement Mehdi Jomâ. C'était un grand chantier « ambitieux », annoncé en huit axes majeurs, sous les auspices du directeur régional de l'OMS qui se targuait de lui apporter le soutien et l'appui financier nécessaires. Certes, l'objectif déclaré consistait à garantir et faciliter le droit d'accès à la santé et répondre aux besoins des régions en moyens, en équipements et en médecins de spécialité. Des prestations qui constituent jusque-là le parent pauvre du système sanitaire. « Tout fut annoté dans le Livre blanc du secteur et il ne reste plus qu'à passer à l'action.. », ces révélations émanant de M. Ben Ammar, lui aussi médecin de formation, furent perçues comme un signal fort du départ sur la voie de la concrétisation. Mais, en vain. Les conflits partisans et les convoitises politiques des uns et des autres ont tout fait voler en éclats. Ce fut, vraisemblablement, comme un ballon d'essai. En réalité, ce n'est qu'un engagement moral et professionnel manqué. Pourquoi s'en passe-t-on ainsi, sans que personne ne puisse l'interpeller ? Qu'en pense le ministère de la Santé? Y a-t-il encore espoir de relancer ce chantier ? Il est aussi légitime de se demander pourquoi on n'arrive pas à gérer un tel dossier si vital dont la situation ne peut plus attendre. Tant il est vrai que le secteur semble être en proie à une crise de gouvernance, doublée de soupçons de corruption que seule la justice devrait trancher. Car le secteur continue à souffrir dans sa chair. Il ne se porte pas bien. Cela n'est guère une fatalité, comme l'ont bien reconnu le même ministre et ses successeurs. Tous avaient fait preuve de leurs limites de gestion et d'incapacité manifeste face à l'insurrection de la corporation. Et les syndicats de la profession font, parfois, la loi dans l'indifférence et l'impunité totale. Souvent, on ne sait plus qui gouverne et à qui revient le dernier mot. Dans la majorité des cas, une mesure décisive ou même une note disciplinaire ne résiste pas, finissant par tomber à l'eau. Devant tout bras de fer syndical professionnel, l'on se voit vite revenir à la case départ. Y a-t-il un pilote dans l'avion ? Aucun ministre n'a eu le courage d'avancer sur les problèmes de la santé. Jusqu'ici, on ne voit rien changer : infrastructure de base mal en point, appareils et équipements vétustes, produits périmés, services de soins rendus inhumains, défauts médicaux sans restriction, rapport personnel-patients sous tension, cadres médicaux et paramédicaux défaillants, centres hospitaliers en état d'urgence, médicaments en rupture de stock, la crise du secteur n'est plus à démontrer. Elle a été aggravée par d'autres facteurs liés à la crise de la Cnam avec ses affiliés et les officines conventionnées avec elle, à des trafics douteux et d'autres affaires de corruption et de malversation rongeant les rouages de la Pharmacie centrale dont les réserves en médicaments sont déjà en baisse. Dans son rapport rendu public en février 2017, l'Association tunisienne de défense du droit à la santé a fait état d'un constat inquiétant : « Plus de 5 milliards de dinars sont investis dans les soins de santé de base sans qu'une majorité de citoyens n'en jouisse pleinement ». Et les chiffres n'ont pas manqué de mettre à nu une vérité qui dérange : « près de deux millions de Tunisiens n'ont aucune couverture sanitaire, alors que les trois quarts de la population ont du mal à bénéficier de soins de qualité dans nos hôpitaux ». Et pourtant, l'on paye aussi cher des consultations médicales et continue à consommer assez de médicaments qui ne sont plus à la portée de tous. Slim Chaker, réveillez-vous..! Nos hôpitaux gardent-ils encore leur vocation humanitaire ? Leurs patients y trouvent-ils satisfaction ? Et les pharmacies internes ont-elles le même rôle qu'avant ? Absolument pas ! Rien ne semble irréprochable. Ce qui n'augure rien de bon. Face à ces maux qui déciment le corps de la santé, le gouvernement n'a, jusque-là, aucune recette de guérison. Même pas une panacée de traitement avant de s'attaquer à un vrai plan de réforme et de modernisation. Soit un « Plan Hôpital » à la tunisienne, comme ce fut récemment le cas en France. Bien qu'on ait déjà amorcé depuis 2012 les négociations, la réforme globale du secteur de la santé demeure encore figée. Qu'en est-il de ses huit axes majeurs et du Livre blanc élaboré sur moult recommandations ? Tout cela nous pousse à en chercher les raisons. M. Slim Chaker, alors ministre de tutelle, peu avant sa mort subite, début octobre 2017, lança un appel d'urgence pour la mobilisation de pas moins de 770 millions de dinars au profit des hôpitaux publics et de la Pharmacie centrale. Sorte de profession de foi, l'homme avait tiré, sans détour, la sonnette d'alarme sur l'une des questions qualifiée des plus pressantes, à savoir la réhabilitation du secteur. Cela dit, en ses termes bien précis, « pallier le manque de financement de nos hôpitaux, ainsi que des ambulances, des médicaments et des cadres médicaux, dont surtout les médecins spécialistes ». A même de créer une certaine synergie entre le ministère de la Santé, ses directions régionales et les citoyens dans les régions. Hélas, l'homme est mort et tout fut enterré avec lui. Puisqu'il n'y a plus continuité de l'Etat, chaque ministre travaille pour soi. Entre-temps, le dossier de la santé dort dans les tiroirs, sans que personne ne bouge le petit doigt. Mais, une chose est sûre : sans lueur d'espoir, le citoyen-patient se sent toujours hors de soi. Au risque d'éclater à tout moment. « Mieux vaut prévenir que guérir », dit-on souvent à titre de précaution. En politique, le résultat l'emporte sur l'action. A bon entendeur !