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Comment disparaitre de soi ou la maladie d'être conscient!
Publié dans Leaders le 14 - 06 - 2016

Comme l'enfant qui se camoufle les yeux et l'autruche qui enfonce sa tête dans le sable, il nous arrive souvent de refuser d'affronter la réalité ou plutôt de la fuir dans un contexte émotionnel qui signifie la perte de la fonction du réel ou simplement une opération de déni!
Il peut nous arriver de souhaiter de ne plus communiquer, ni de se projeter dans le temps, ni même de participer au présent ; d'être sans projet, sans désir, et de préférer voir le monde d'une autre rive : c'est le néant que Jean Paul Sartre avait traité à travers plus de 700 pages dans son livre "L'Être et le Néant "
Ce sentiment touche des hommes ou des femmes ordinaires arrivant au bout de leurs ressources pour continuer à assumer leur personnage. C'est cet état particulier où l'on disparaît un temps en se situant hors des mouvements du lien social dont, paradoxalement, on a besoin pour continuer à vivre. Voilà qu'après les signes d'identité, c'est cette volonté d'effacement face à l'obligation de s'individualiser, c'est la recherche d'un degré a minima de la conscience, un “laisser-tomber” pour échapper à ce qui est devenu trop encombrant et qui fait surface. L'expression "un nuage est passé" traduit une forme d'absence provisoire qui ne dure pas longtemps! La nouveauté est que cet état gagne de plus en plus de gens et qu'il est de plus en plus durable. Cette situation a induit plusieurs troubles de personnalité qui préoccupent les spécialistes en la matière.
Il est légitime de se demander si notre époque est comparable au début du siècle précédent (avant la première guerre mondiale et la révolution russe) où les déséquilibres commençait à s'accentuer et annonçait les dictatures qui s'implanteront en Europe et généreront des "stress". La mise en question de certaines valeurs et la tyrannie des entreprises ont contribué à l'éclosion d'une attitude nihiliste qui croit que le monde tel qu'il est ne devrait pas être, et que le monde tel qu'il devrait être n'existe pas.
Heidegger présente ce nihilisme comme « l'oubli de l'être ». Et si Nietzche annonçait" la mort de Dieu" dans son Zarathoustra on serait tenté de projeter "la mort de soi " autrement dit la disparition de soi? "ça ne sert à rien" et "en vain" sont le signe du pathos nihiliste.
Est-ce mondial ou proprement tunisien?
En Tunisie, nous vivons auprès de nos patients et de ceux qui les accompagnent, une sorte de nihilisme ou défaitisme qui renie toute autorité aux structures publiques.
En première ligne le personnel est violenté et de tous les corps de métiers qui sont attaqués, les médecins se trouvent confrontés à diverses attitudes agressives. En effet, la "puissance" des médecins s'est effilochée au fil du temps en raison de la démocratisation de la formation et de la disponibilité et la facilité d'accès à l'information médicale.
La mission originelle du médecin était de combattre la maladie en la traitant comme un tout, se transforme naturellement en une tâche, au fond, plus médiocre : localiser tout mal et en déterminer la cause et le classer dans une catégorie de maladies systématiquement décrites et déterminées.
Une fois que le médecin a mené à bien son diagnostic et désigné la maladie dont souffre le patient, le principal travail est fait. Il prescrit alors le traitement spécifique pour cet individu car il s'agit d'une ‘'thérapie'' spécifique à ce ‘'cas'' bien précis.
Depuis Ibn Sina (Avicenne 980-1037), la médecine n'est plus comme jadis une discipline où se mêlent, l'art du divin, les balbutiements d'ordre sacerdotal avec quelques dons de "visionnaire" issus d'expérience et de pratiques magiques leur permettant de "communiquer" avec les forces supra terrestres et universelles de la nature : la vocation est devenue métier ; la magie se transforme en un système cognitif; le mystère de la guérison en une connaissance et en une maîtrise du fonctionnement des organes voire en une science médicale.
Une guérison ne s'accomplit plus comme une action "métaphysique" ou "théologique" ou comme un évènement miraculeux, mais comme un fait purement raisonné et calculé par le médecin. La pratique remplace la spontanéité, le manuel, le logos, "la conjuration mystérieuse" et créatrice qui éloigne le mauvais sort! Le médecin est un personnel hautement qualifié. Sa mission serait l'amélioration de l'état de santé de la population. Il est appelé à promouvoir, maintenir et rétablir la santé des personne et des populations, en tenant en compte des évolutions de la société, des aspirations des citoyens et des impératifs du système de santé.
C'est dans ce cadre que les compétences du médecin ont été revues à l'aube du 21ème siècle pour aller au-delà de l'expertise clinique (diagnostic, traitement, suivi….) afin d'englober l'approche santé publique, la communication, la gestion, la collaboration et le professionnalisme.
Le médecin est aussi appelé à
* Communiquer efficacement avec ses patients et leur entourage. Il doit considérer que la relation qui s'établit entre lui et son patient comme étant la fondation sur laquelle s'articule son implication et sa responsabilité. La collecte et le traitement de l'information représentent, en général, le pilier indispensable pour dispenser et coordonner les soins. Dans ce registre, il doit faire preuve de professionnalité et de probité ;
* Travailler en étroite collaboration avec ses pairs, avec les autres professionnels de la santé, avec la famille et les autres intervenants dans de la société (société civile, décideurs, juristes, bailleurs de fond (CNAM…) et les mass-médias). Ainsi, le médecin doit démontrer, à travers ses actions, un engagement et une responsabilité sans faille envers tous les acteurs cités ci-dessus. C'est ce qu'on appelle le professionnalisme du médecin, qui se traduit par l'adoption de comportement respectueux des principes éthiques médicale.
Les médecins doivent posséder les qualités qui sont nécessaires pour répondre à leurs responsabilités individuelles et collectives envers tous les acteurs du système et la société en général ; c'est par l'écrit que, le plus souvent, ils s'engagent et engagent leurs collaborateurs, c'est encore par l'écrit qu'ils prescrivent et ordonnent, c'est toujours par l'écrit qu'ils deviennent des témoins précieux au service de la justice. Cet acte de rédaction n'est pas inné ; il obéit à des règles et surtout il s'apprend. Le médecin en formation n'a, malheureusement, pas été assez bien préparé sur les bancs de la faculté ni même sur les lieux de ses stages à toutes ces tâches.
Si on essaie de remonter dans le temps et à travers la littérature évoquant l'histoire de la médecine, on se rend rapidement compte que la notion de soin est instable. Sa définition varie selon le statut de la personne qui prononce ce mot selon sa discipline, selon le moment dans son histoire. Selon qu'il s'agisse d'un patient ou qu'il s'agisse d'un soignant.
Ceci peut être expliqué par le fait que le soin est, bien évidement d'abord, une notion éthique, une notion qui engage des mœurs avant d'être une notion purement technique.
Néanmoins il est possible de repérer une relative régularité dans l'évolution de la définition de ce que c'est qu'un bon soin. Cette régularité tient à des élargissements successifs
Le bon soin qu'on va considérer comme valable, est celui qu'on va considérer comme respectueux de la souffrance du patient s'accompagnant souvent d'anxiété.
En effet, s'occuper d'une maladie, d'une infection ou d'une souffrance, c'est également aller en amont et commencer par prendre en compte le contexte, les causes, mais aussi les raisons, c'est-à-dire tenir compte de toute la dimension du symbole et du sens de cette affection.
Le bon soin inclut, pendant qu'il est prodigué, des aspects moraux on parle alors du respect, d'information du patient ou de codécision avec celui-ci. Enfin le bon soin est, surtout, celui qui est capable de prendre en compte le retentissement de la pathologie dans la vie, le retentissement du soin lui-même avec, évidemment, cette fameuse question des effets secondaires de la thérapeutique.
Une enquête faite, dans le secteur de la santé, a montré des résultats effrayants concernant aussi bien le phénomène du burn-out que de la dépression dans ce secteur.
On reproche aux psychiatres le nombre des congés de longue durée
Je peux vous assurer qu'il y a, certainement, des dérives mais octroyer un congé de longue durée est, pour nous, avant tout, un échec thérapeutique et il s'accompagne d'un sentiment d'impuissance.
Je cite l'exemple d'une fille ayant une mère souffrant d'Alzheimer qui ne trouve aucune structure pour l'accueillir, celui d'une mère ayant un fils autiste qui ne peut abandonner son enfant pour le livrer à lui-même et j'en passe. Je cite, également, l'exemple des personnes en dialyse ou ayant eu un accident vasculaire cérébral invalident. Oui ils finissent tous par déprimer de cette vie mais la loi ne leur accorde aucun droit sauf à un congé psychiatrique.
En psychiatrie c'est la notion de « care » plutôt que « cure » qu'on est en train de satisfaire. Cette notion anglophone de « care » est importante à souligner.
Cette distinction oppose ou différencie le « cure » et le « care ». Le « cure » est l'acte technique de soigner tandis que le « care » est, selon sa traduction de l'anglais, « prendre soin de » ou « prendre en charge ». Selon le psychanalyste Donald Winnicott, faire le « care » ou agir en tant que « care » c'est permettre au patient d'offrir sa dépendance à vous. De faire rencontrer à la dépendance du patient la fiabilité du soignant. Donc permettre à quelqu'un d'être relativement désintégré pendant tout un temps et de l'accompagner vers le chemin de la réintégration.
Nous constatons, en réalité, que personne n'est satisfait ni les soignés ni les soignants eux même qu'ils soient para médicaux ou médicaux. Tous souffrent d'une insatisfaction au quotidien. Ces derniers ont cette impression de gérer plus le social que le médical avec souvent ce sentiment d'impuissance de ne rien pouvoir gérer en fin de compte.
En psychiatrie ce qui prime c'est l'empathie cette possibilité de se mettre à la place de l'autre mais cette empathie devient mortifère et morbide.
Oui gérer la misère, l'impossibilité de venir à l'hôpital pour prendre un médicament, nécessaire et indispensable, est devenue impossible pour beaucoup de nos malades.
Maintenant, le personnel est dans la nécessité constante de montrer qu'il est à la hauteur. En tant que praticien, le portable vient nous traquer dans nos moments de repos. Dans les trains, les gens "crient et gesticulent" au téléphone et racontent leur vie. Le silence devient plus rare. Il n'est plus possible de faire une sieste dans le train comme il y a 20 ans. Maintenant tout un univers de sonneries nous rappelle à l'ordre. On finit par craquer et de vouloir disparaitre de diverses manières. Plusieurs jeunes s'enlisent dans des comportements à risque comme la toxicomanie et l'alcoolisme non pour l'ivresse, mais pour ne plus "être là" . L'anorexie et les "Hikikomori" où ces ados refusent de manger et de sortir de leur chambre traduisent ce nihilisme et cette volonté morbide de disparaître.
Dans ce contexte que peuvent faire les professionnels? Comment faire ? La psychose est une maladie chronique à l'instar du diabète et la dangerosité qu'elle engendre n'est pas, uniquement, une dangerosité pour le patient (risque de suicide) mais aussi une dangerosité pour sa famille.
En effet, beaucoup de familles souffrent dès qu'ils découvrent qu'un de leurs membres est psychotique
Nous avons, aujourd'hui, en Tunisie, les moyens de bien traiter cette maladie mais pas partout. Je voudrais parler de notre hôpital qui est une référence en matière de santé mentale. Cependant, il ne dispose pas de la quantité suffisante de médicament permettant de répondre aux besoins de patients venant des quatre coins du territoire pour réclamer le traitement.
De plus, vue que l'hôpital dessert tout ce monde, chaque année la pénurie de médicaments s'accroît et se prolonge avec, surtout, une augmentation du déficit qui devient colossal.
Je me demande quand est-ce que le politique va vouloir se pencher sur cette question
Le secteur de la santé publique se meurt et pourtant il prend en charge 80% des tunisiens . L'insatisfaction des malades les transforme en "impatients" et aiguise le stress de leurs accompagnants qui induit l'agression vis-à-vis du personnel qui lui-même subit de fortes pressions! Beaucoup veulent disparaître à travers des congés à répétition.
En effet, ce secteur est attaqué de partout même en son sein où règne une discorde opposant médecins et paramédicaux. La discorde touche également les médecins de la santé publique et les médecins de libre pratique et enfin cette fameuse question de l'activité privée complémentaire qui, à chaque fois, emballe le tunisien.
Oui cette activité est autorisée, de par le monde. En France en Algérie au Maroc, les médecins ont ce droit et personne ne les attaque. Pourquoi en Tunisie, sommes-nous si allergique à cette activité ?
Le médecin tunisien souffre aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, il gère des vies humaines et chaque décision qu'il prend est passible de jugement. Comment va-t-il continuer à exercer son art si on ne retient que le comportement négatif alors que les médecins tunisiens ont une compétence reconnue de par le monde.
On se trompe de cible en accusant les médecins de plusieurs maux! Il s'agit de voir de façon approfondie le contexte socio-sanitaire, les diverses conditions d'exercice et le système des prestations. D'autre part, comment faire pour que les patients suivent les prescriptions médicales et respectent davantage le corps soignant qui, pour arriver à avoir ce titre de « docteur » a, en général, sacrifié des nuits de repos et subi des pressions et des stress des révision et souvent pris le risque d'oublier "d'être là" lors de sa jeunesse et faire disparaître son "moi".
C'est à se demander si le système de santé voudrait lui aussi faire la politique de l'autruche et "disparaître de soi"?
Rym Ghachem Attia


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