Des sessions de formation et des recommandations de bonnes pratiques destinées aux professionnels des médias. Ou on est féministe ou on est sexiste ! Il n'existe pas deux poids deux mesures pour traiter du thème de la violence exercée sur les femmes. Cette question dépasse le seul aspect de faits divers, véhiculé dans les journaux ou de problèmes de ménages, étalés sur les chaînes télévisées pour user d'un sensationnel déplacé et hisser, ainsi, l'audimat. La violence à l'égard des femmes est un problème social, éthique et politique à reconnaître comme tel afin de mieux le résoudre et mettre un terme à la banalisation de la violence et de la subordination infligées à celles qui donnent la vie. Active sur ce front, l'Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd) s'active dans le but d'impliquer la société civile et le paysage médiatique dans un projet à caractère éthique, social et politique. Elle a, en effet, organisé avant-hier, à Tunis, un atelier de réflexion pour lancer le projet baptisé : droits humains des femmes et traitement médiatique de la violence sexiste en Tunisie. Un pacte moral à respecter Le présent projet vise l'orientation du traitement médiatique de la violence à l'égard des femmes conformément aux principes démocratiques, aux articles constitutionnels 21 et 46 et dans le respect des droits des femmes et de leur dignité. Il servira de trait d'union entre les acteurs des médias et les associations féministes qui doivent, désormais, œuvrer ensemble pour cesser le traitement médiatique anti-éthique de la violence sexiste et stopper la stéréotypie d'un problème sociétal effarant. Lancé avant-hier, ce projet sera mené en collaboration avec plusieurs organisations et institutions, dont la Snjt, l'Arab Working Group (AWG), l'Union tunisienne des médias associatifs (Utma), le Capjc, la Haica, l'IPSI, ainsi que l'association Beity, l'association Femme et citoyenneté du Kef, l'Afturd et la Ligue tunisienne des droits de l'Homme. Mme Moufida Missaoui, membre de l'Atfd, a attiré l'attention sur la marginalisation confirmée des femmes aussi bien dans le paysage politique que dans celui médiatique. Elle a rappelé l'importance de l'expérience espagnole dans la protection des femmes et le respect de leurs droits humains dans les médias. L'Espagne avait, en effet, établi dix commandements sur le traitement médiatique de la violence ; des directives claires à respecter et des lignes rouges à ne pas franchir pour garantir la protection des victimes de violences. «Il convient de procéder, dans le présent projet, à une approche participative, à même de soutenir le traitement médiatique de la violence sexiste, tout en préservant la dignité des femmes. Le projet sera, en quelque sorte, un pacte social et moral, permettant l'identification de l'approche médiatique appropriée et précisant la conduite à tenir», a-t-elle indiqué. Un projet à triple vitesse Le projet, qui s'étalera sur une année, s'articule autour de trois volets fondamentaux. Le premier volet porte sur le « renforcement des compétences des acteurs des médias sur la problématique de la violence sexiste». «Pour ce, souligne Mme Emma Hassairi, nous avons concocté trois sessions de formation destinées aux acteurs des médias et des médias associatifs. Nous avons aussi planifié deux tables rondes destinées aux rédacteurs et aux rédactrices en chef afin de mieux les éclairer sur la question». Le deuxième volet consiste à encadrer les professionnels en les dotant des recommandations de bonnes pratiques. Aussi, trois ateliers sont-ils prévus, dont un atelier de réflexion et d'échanges, et deux autres d'écriture d'une déclaration de principe et d'un formulaire de consentement éclairé, à respecter dans le cas des témoignages des victimes de violence. Le troisième volet porte sur la consolidation du partenariat entre les acteurs des médias, la société civile, les futurs journalistes et les femmes victimes de violence. Une campagne médiatique sera menée à cette fin. L'assistance pro-féministe n'a pas été insensible à la question. Comment valoriser la place de la femme dans les médias ? Comment orienter les acteurs des médias vers un traitement éthique, journalistique, respectueux des droits de la femme ? Mme Bochra Ben Hmida, avocate et membre de l'Atfd, a souligné la nécessité d'encadrer les animateurs des médias audiovisuels qui, croyant servir la cause féminine, tombent souvent dans l'antiphrase, voire dans le sexisme. «Il faudrait promouvoir la participation des femmes cultivées dans les médias, tout comme il faudrait inciter les femmes victimes de violence à militer de leur côté, en témoignant de l'injustice dont elles sont sujettes», a-t-elle dit. Traiter le problème à la base De son côté, M. Larbi Chouikha, universitaire et sociologue des médias, a évoqué la discrimination sexiste au sein des salles de rédaction. «La plupart des médias tunisiens sont dépourvus de structures rédactionnelles. Les journalistes sont souvent livrés à eux-mêmes», a-t-il fait remarquer. Une enquête réalisée à l'aube du troisième millénaire a démontré, en effet, que ce sont toujours les femmes qui traitent des thèmes sociaux et culturels. Elles sont ainsi écartées des rubriques politiques. Le sociologue des médias insiste sur l'impératif de mener un travail de sensibilisation à l'intérieur des entreprises de presse et de miser sur la déontologie journalistique, laquelle fait souvent défaut au nom du buzz.