Décidément, Ennahdha et ses principaux dirigeants n'arrêtent pas de surprendre. Autant leurs détracteurs que leurs adeptes, voire leurs partisans. Le parti islamiste court, de plus en plus, de risques certains de déformation. Risque de désaveu, risque de déni, risque de prétention. En tout cas, quand Ghannouchi s'exprime, ou que l'un de ses lieutenants, comme Rafik Abdesselem, se prononce, leur manière de s'exposer désole autant qu'elle accable. La présence inopportune de certains acteurs rappelle la réalité d'une élite politique incapable de rassurer, une élite qui, de plus en plus mal, perçue dans ses différentes interpellations, divise plus qu'elle ne rassemble. Mal en point politiquement, le chef du mouvement Ennahdha et président de l'ARP dissous n'a pas hésité à défier de nouveau l'Etat et ses structures, en annonçant la poursuite des sessions virtuelles du Parlement. Là où les valeurs n'ont plus aucun sens, là où le sentiment d'appartenance au pays se trouve de plus en plus conditionné par des considérations personnelles et partisanes, il ne semble plus en finir avec autant d'incohérence. Sans estime et sans mérite. Ghannouchi et ses lieutenants ont leur propre raisonnement politique depuis qu'ils ont commencé à vivre au temps de la grande désillusion. Les dérapages et les dérives portent toujours la même marque, la même signification. Cela ne les fait pas avancer outre mesure. Il y a, en fait, comme un parfum de décadence. Dans quelques mois, quelques jours, quelques heures peut-être, Ennahdha risque de perdre tout ce dont il n'a cessé de bénéficier depuis 2011. Le sort du parti, sous la direction actuelle, tient désormais à peu de chose, surtout qu'il ne peut plus compter sur l'opération reconquête des cœurs par les fausses promesses. Ce n'est plus aujourd'hui qu'un vœu pieux au regard d'un gâchis avéré et d'une rétraction assumée. Il sera d'ailleurs inutile de raisonner à l'envers en cherchant à aveugler l'opinion publique. Il est évident que le mouvement islamiste affiche trop de carences pour aborder les prochaines épreuves et échéances en confiance. Des années durant, il a fait un fort mauvais usage des notions politiques. Par conséquent, il ne peut plus faire disparaître magiquement les réalités auxquelles il ne cessait de s'identifier par une désespérante fuite en avant… Les propos de Ghannouchi, ainsi que ceux émanant des principaux dirigeants du parti, sont assez symptomatiques de la manière avec laquelle Ennahdha avait pris l'habitude de tromper les Tunisiens et les Tunisiennes. Le constat que les idées proviennent exclusivement de personnalités ayant déjà fait leur temps, et non de personnalités ayant une stratégie et un programme d'action fut, reste et demeurera une étrangeté toujours renouvelée dans la marge d'évolution du parti islamiste.