L'administration militaire est en train de parachever les travaux publics et l'asphaltage des routes étendues jusqu'au sommet. Huit kilomètres sinueux dont quatre déjà goudronnés nous séparent de la station de télédiffusion et radiophonique, basée au point culminant du mont à 1.544 mètres Sentinelle des frontières, garde-côtes et escadres de chasse, l'armée nationale, cette école de formation et du savoir-faire, fêtera bientôt son 60e anniversaire, qui correspond au 24 juin de chaque année. Dépositaire des valeurs de l'indépendance et de la souveraineté, elle est engagée pour donner vie à la chère patrie. Aujourd'hui, face à son premier ennemi, elle se dévoue corps et âme, avec la même énergie et sur la même lancée défensive, pleinement engagée dans une guerre antiterrorisme asymétrique. Loin d'être gagnée d'avance. C'est pourquoi, les médias jouissent, en ces temps délicats, du statut d'allié stratégique dans ce combat qui ne dit pas son nom. Ainsi s'inscrit dans cet esprit la longue tournée médiatique prévue dans plusieurs installations militaires. L'accès, mardi dernier, au mont Châambi n'en est qu'un début. Reportage. Mardi, vers midi, le grand bus vert militaire, parti de Tunis, débarque au parc national du Châambi, à Kasserine, endroit déclaré, depuis 2013, zone militaire fermée. Ce milieu forestier et écologiquement vulnérable, déjà classé réserve naturelle, n'est plus ce qu'il était autrefois. Quelques mois après la révolution, un dangereux groupe d'extrémistes a envahi l'espace, en a fait son fief qu'il croyait, à tort, inviolable. Mais le dévouement de nos forces armées lui a barré la route, le confinant dans un coin clos. La chasse à l'homme, engagée sur plusieurs fronts, continue à réveiller ses cellules dormantes, le plus souvent, prises au dépourvu. Sous le commandement du régiment d'infanterie mécanisée, soutenu par la force militaire du centre constituée en juillet 2013, la mobilisation est telle que tout est mis en œuvre pour l'accomplissement d'une mission assez difficile, mais pas impossible. Car prendre le pas sur un ennemi aussi invisible qu'imprévisible relève d'une tactique de jeu hors du commun. Et c'est de bonne guerre ! Grande préparation En outre, la nature du champ de bataille complique l'action d'intervention. De tels reliefs massifs et des falaises escarpées sur des flancs accidentés couverts d'un épais maquis font que les opérations de ratissage exigent une haute préparation. On se trouve sur un terrain glissant, où rien n'est laissé au hasard, mais la surprise ne manque pas. L'hymne national, solennellement entonné au rythme du «salut du drapeau» effectué tous les lundis, galvanise et redonne courage et dévouement. Dans le rituel sacré de l'armée, un tel moment fort d'émotion n'a rien d'équivalent. L'instant d'après traduit tout dans les faits. Passage à l'action, pour ainsi dire. Au centre des stages et du camping pour jeunes, situé au pied du mont Châambi, militaires bien aguerris et journalistes visiblement impressionnés par une démonstration de force, à leurs yeux spectaculaire, s'apprêtent à partir à l'aventure. En un laps de temps, hommes hyperarmés et véhicules blindés (Hummer, Kirpis..) étaient là. Les journalistes, eux aussi portant leurs gilets pare-balles n'ont pas cédé à la tentation. En pareille mission, personne ne doit déroger aux instructions de précaution : «A vos sièges tous et n'oubliez pas d'attacher vos ceintures... !», ainsi lance le commandant de la force d'intervention spéciale à l'adresse des médias. Au signal, le convoi militaire commence à bouger, en direction de la zone montagneuse fermée. Toute une machine de guerre qui se met à avancer à pas comptés. Dans sa guerre contre le terrorisme, l'armée nationale semble être sûre d'elle, faisant confiance en ses compétences de lutte. Moral au plus haut ! Maintenant, il n'y a pas d'autre choix que de jouer à quitte ou double. A l'étape actuelle, changer de stratégie c'est passer à la contre-attaque sans reculer. Du mois d'avril à juillet 2013, on était en phase d'exploration et de prospection au cours de laquelle la zone dite tampon fut, ainsi, passée au peigne fin. Des patrouilles militaro-sécuritaires mixtes y ont ratissé large, jour et nuit. Le balisage de la voie avait, en l'espace d'un an (août 2013-août 2014), permis à l'armée la mise en place de son dispositif complet. Projection à l'appui, ce processus opératoire lui a coûté, jusqu'alors, un lourd tribut : 38 martyrs et une soixantaine de blessés. N'empêche, le moral est au plus haut. En retour, elle a fait subir à l'ennemi beaucoup de dégâts et des pertes en vie. Multiples coups de filet, démantèlement de camps, saisies d'armes et des munitions, le butin n'est pas maigre. Dans une guerre non traditionnelle, nous dit-on, mieux vaut savoir où poser les pieds que d'aller compter les morts. Aux dires du commandant, la vraie victoire se mesure plutôt par la force d'agir en connaissance de cause, sans battre en retraite. Ses hommes se croient en terrain conquis. «Mont Châambi, c'est notre propre terrain, notre chasse gardée. On y est jusqu'à sa libération et à tout prix», jure le commandant, en toute confiance. Sans chercher à se montrer, l'armée continue à travailler, toujours, dans l'anonymat et avec discrétion. Pour elle, seul le résultat compte. En témoigne son bilan réalisé depuis juin dernier : près de 4.500 tirs d'artillerie, 236 patrouilles, 92 opérations d'investigation, 48 descentes ayant déjoué 179 guet - apens, ainsi que de grandes manœuvres militaires. Le tout s'est, ainsi, déroulé à la faveur d'une coopération concertée avec les forces de sécurité, mais aussi à l'aide d'un service de renseignements et de communication, fournis dans l'immédiat. Dans le jargon militaire, va-t-en-guerre mérite bien d'assurer ses arrières. Et c'est grâce aux grands ouvrages de bitumage encore en chantier que la zone d'intervention militaire est de plus en plus accessible et sécurisée. Ledit convoi militaire, parti en grande pompe, continue à arpenter le bitume. A mi-chemin sur les hauteurs verdoyantes de la montagne, les unités armées simulent des affrontements avec des terroristes, où les coups de feu sont bien réels. La rafale des balles a fortement retenti dans tous les coins, déclenchant un bruit assourdissant. Mieux connaître son ennemi, c'est savoir contourner ses imprévus. Mais, toujours est-il que l'on doit prendre garde. Sur un champ minier, on commence par tâter le terrain. A tout moment, il y a, éventuellement, le risque de s'exposer à des mines antipersonnel ou des charges explosives, plantées sous les pieds. Face à pareil danger simulé, la vigilance des hommes est de mise. Au moyen des détecteurs, des mines ont été localisées. Suite à une reconstitution d'intervention militaire en urgence, on assiste à une tentative de piège avortée. Il convient de dire que la grande déflagration, réellement provoquée, n'est, en fait, qu'artificielle. Finie la démonstration, les journalistes ont regagné leurs places à bord des «Kirpis», des véhicules blindés flambant neufs. Vigilance au sommet Pour en finir avec ce mode d'armement artisanal propre à l'ennemi, l'administration militaire est en train de parachever les travaux publics et l'asphaltage des routes étendues jusqu'au sommet. Huit kilomètres signeux dont quatre déjà goudronnés nous séparent de la station de télédiffusion et radiophonique, basée au point culminant du mont à 1.544 mètres. Nous sommes, alors, à l'endroit le plus élevé du pays. De là, On voit les engins des travaux publics relevant de l'armée nationale qui tournent à plein régime. L'ultime but est d'assurer la protection de la station, en la dotant d'un système de sécurité et de surveillance très sophistiqué. Des hommes en tenue militaire sont au four et au moulin. «Toutes les pistes menant à la station sont sous contrôle...», rassure le commandant du régiment d'infanterie mécanisée. Et d'ajouter que bien qu'il existe encore des terroristes, retranchés ici et là, leurs menaces auraient une faible chance de surgir. «A titre préventif, on est passé à l'offensive, à même de procéder à des opérations d'anticipation et de contre-attaques meurtrières...», prévoit-il. De plus, affirme-t-il, l'institution militaire n'oubliera jamais ses martyrs valeureux et elle accordera l'intérêt qu'il faut à ses soldats blessés. Le moral fait aussi partie de la guerre psychologique que notre armée livre sans merci contre l'hydre terroriste.