CAMP SPEICHER, Irak (Reuters) — Le sergent Kendrick Manuel balance son fusil sur son épaule et grommelle : il ne comprend pas qu'on le qualifie de soldat "non combattant" en Irak. "Quand NBC a dit que les dernières troupes combattantes étaient parties, elle a donné l'impression que tout était fini", regrette-t-il après avoir escorté un convoi de 19 véhicules dans une région du nord de l'Irak, où bombes et attaques au mortier constituent toujours une menace pour les forces américaines. "On l'a pris comme une gifle parce que nous, on est encore là (...) On fait face au danger dès qu'on franchit les portes (du camp)", rappelle Kendrick Manuel à Camp Speicher, une caserne américaine près de Tikrit, la ville natale de Saddam Hussein. Le 31 août, l'armée américaine a officiellement déclaré la fin de sa mission de combat en Irak, sept ans et demi après l'invasion ayant conduit au renversement de Saddam Hussein. Après cette intervention, des dizaines de milliers d'Irakiens sont morts dans des violences interconfessionnelles dans des attentats commis par des fidèles de l'ancien régime ou des islamistes. En outre, plus de 4.400 militaires américains ont péri en Irak depuis 2003. Comme NBC, les grandes chaînes de télévision américaines ont diffusé les images de ce que l'armée a présenté comme la dernière unité de combat quittant l'Irak en traversant la frontière du Koweït. On pouvait y voir des militaires hurlant de joie et criant aux caméras que la guerre était terminée. Six brigades de 50.000 hommes restent pourtant stationnées en Irak avant un retrait complet prévu fin 2011. Si leur mission est désormais d'aider et de conseiller l'armée irakienne et non plus de lutter contre les rebelles, elles restent lourdement armées en raison des menaces toujours présentes. Le 7 septembre, deux militaires américains sont morts et neuf autres ont été blessés lorsqu'un militaire irakien leur a tiré dessus sur une base de commandos irakiens. Avec cette évolution dans la mission de l'armée américaine, le Président Barack Obama a pu se vanter d'avoir tenu sa promesse de mettre progressivement fin à une guerre devenue impopulaire aux Etats-Unis. La publicité faite autour de l'événement a en revanche alimenté les plaintes des militaires restés en Irak. La mission a beau avoir changé de nom, passant de Liberté irakienne à Aube nouvelle, les soldats américains continuent à être attaqués à l'arme légère ou au mortier. "ça ne change vraiment rien, ça reste dangereux", souligne Byron Reed, qui, à 22 ans, effectue son deuxième service en Irak. Pour le sergent Kendrick Manuel, changer le nom de la mission ne changera rien au sort des militaires qui continueront à se faire tuer par des bombes posées en bord de route. "Si une vie est prise, elle est prise", dit-il. "Tant que l'on va au devant du danger, (la guerre) n'est pas finie pour nous." Les militaires américains disent que leur mission n'a guère changé depuis le 1er septembre. La plupart des unités s'étaient déjà tournées vers la formation de la police et de l'armée irakiennes depuis leur retrait des villes, le 30 juin 2009. "C'est leur pays" Si les violences se sont fortement atténuées ces deux ou trois dernières années, l'Irak reste un pays instable en raison de la présence de rebelles islamistes liés à Al Qaïda et de milices chiites, d'autant que les partis politiques ne parviennent toujours pas à former de gouvernement six mois après les élections législatives. "Nous constituons une grosse cible pour l'ennemi, on nous attaque encore mais pas aussi souvent", souligne le lieutenant colonel David Gooch, commandant d'un bataillon d'infanterie, à Balad, à environ 80 km au nord de Bagdad. "Au cours de la semaine écoulée, nous avons été attaqués disons cinq fois. Ces attaques deviennent de moins en moins mortelles car on a très bons véhicules comme vous pouvez le constater", ajoute-t-il, debout devant des blindés de type Mrap. Ces véhicules ont permis de réduire fortement les pertes américaines. Les militaires américains qui étaient présents en Irak au plus fort des violences confessionnelles entre la minorité sunnite et la majorité chiite sont désormais bien contents de laisser les Irakiens en première ligne. "C'est leur pays vous savez", remarque le sergent-chef Dana Campell, 37 ans, dans la ville de Rabiya, près de la frontière syrienne. "Ils font du bon boulot. Ils reviennent de très, très loin", ajoute-t-il.