Un changement de lieu, décidé à la dernière minute, nous a fait perdre le nord et croire que le spectacle d'ouverture des nuits ramadanesques d'El Mourouj, qui devait démarrer le lundi 23 août avec le passage de Noureddine Béji, avait été annulé. Or ce n'était pas le cas, puisque le gala, supposé ravir la palme du meilleur spectacle programmé cette nuit-là dans le cadre des nuits ramadanesques, a bien eu lieu non pas à la maison de la culture mais à la salle des fêtes de la municipalité d'El Mourouj. Le responsable culturel aurait dû afficher le changement de lieu à l'entrée de la MC, et pourquoi pas aviser les médias par communiqué de presse. Enfin, on a réussi malgré les embûches à ne pas rater la fin du spectacle, nous contentant seulement de miettes. Devant un public qui s'est déplacé en bon nombre pour l'ouverture de ce mini-festival, Noureddine Béji a été comme il a toujours été ainsi à la hauteur de sa réputation. Alternant les registres savant et léger, il a le grand mérite de veiller scrupuleusement à sauvegarder la tradition du chant savant d'Orient qui a la particularité d'offrir un large éventail thématique que l'on peut réduire à quatre ou cinq noms récurrents : Ahmed Rami, Mohamed Kassabgi, Riadh Sombati, Abdelwahab et Oum Kalthoum. Le répertoire de l'Astre de l'Orient, Oum Kalthoum et de Mohamed Abdelwahab incruste dans le paysage musical l'itinéraire emprunté par Noureddine Béji où il évolue avec aisance parce que depuis ses débuts, il en a saisi les enjeux, la complexité et la richesse. Noureddine Béji, c'est une constante chez lui, s'attache à montrer que la vie musicale égyptienne n'a pas été circonscrite à ces deux individualités. Il y en eut d'autres, exemple : Sayed Darwish, Minyalaoui, Fathia Ahmed, Mounira Mahdia, Mary Jubran, etc. Certes,tous ces noms de légende offrent des «plages de variation» pour les amateurs capables d'apprécier la poésie et la musique de Rami, Kassabgi, Schawky ou Riadh Sombati et de savourer ces moments où lui, Noureddine Béji, jouant sur la polysémie des poèmes, décide d'en faire miroiter les latences. Quiconque n'a pas connu la griserie qui s'empare de l'auditeur à l'écoute de Noureddine Béji plongé dans des variations d'ornementation, ne peut qu'éprouver l'ivresse tout aussi capiteuse des fantasmes nés dans l'esprit de ceux qui croient dur comme fer que si le nouveau agace, le classique, lui, séduit parce qu'il nous fait revivre l'âge d'or de la musique savante : le tarab.