Du nord au sud et d'est en ouest, l'armée est déployée sur l'ensemble du territoire, à l'affût du moindre fait suspect, de jour comme de nuit, dans une incessante chasse à l'homme. Les entraînements y sont intensifs et à balles réelles Au mont Châambi, dans la zone militaire tampon, sur le littoral comme dans le désert, nos forces armées ne laissent aucune partie du territoire livrée à son sort. Du sud au nord, elles se déploient en long et en large, bravant les difficultés du parcours et les aléas du climat. Au Kef, sur la dorsale nord-ouest, collée aux frontières tuniso-algériennes, la présence militaire ne fait guère défaut. De jour comme de nuit, rien n'échappe au contrôle permanent et minutieux, sous la haute surveillance du Régiment 14 d'infanterie mécanisée, basé en poste avancé sur les plateaux keffois. Depuis son emplacement stratégique, la mission d'observation de tout fait suspect demeure le pain quotidien de ses soldats. La visite d'un groupe de médias nationaux sur les lieux d'entraînement nous a permis d'être au plus près. Rassemblés au champ de tirs de « Debaibia », les éléments, en uniforme, sont sur le point de partir à la chasse. Blindés vrombissants, armes chargées et hommes cagoulés en état d'alerte, l'ambiance est celle de guerre. Une guerre bien réelle contre la nébuleuse terroriste à laquelle doit se livrer, sans merci, tout le pays, au lendemain d'une révolution jusqu'ici inachevée. L'intensité de l'acharnement face à l'ennemi de la démocratie faisant de l'ombre aux revendications sociales populaires autant légitimes que nécessaires. Cette situation de lutte si compliquée met le pays face à un double défi : gagner l'enjeu social et sécuritaire. Tous deux vont de pair. Et si la priorité était accordée à la guerre, l'on serait contraint de suivre cet élan, bien rangé derrière nos forces armées. L'obligation de la circonstance fait que la mobilisation citoyenne demeure aussi massive qu'inconditionnelle. Et les habitants des zones frontalières ne doivent, en aucun cas, déroger à cette règle. Grande vigilance Quelque temps plus tard, le commandant du régiment a donné le signal de départ. Pistolet attaché à la ceinture, radio de communication à la main, le capitaine de bord maîtrise bien son convoi. Direction au supposé fief des terroristes, confinés jusque dans les reliefs massifs de la région. Bien que le terrain soit impraticable et poussiéreux, les véhicules avancent à toute allure, se faufilant entre les arbres de pin d'Alep couvrant les forêts denses des monts Ouergha et Mellègue. Une chaîne montagneuse étalée sur une distance de presque 120 km, de Jendouba au Kef, jouxtant les périmètres limitrophes de Kasserine. Sur un ordre du commandant, on s'arrête, parfois, à mi-chemin. Place aux questions des journalistes curieux et avides de nouvelles. «Mon commandant, où sommes-nous maintenant? Pourquoi vous vous déployez ainsi ? Comment réagir en cas de danger? Combien d'opérations réussies, de coups de filet, de camps démantelés et d'armes et munitions déjà saisies ?». Jovial et rigoureux à la fois, mais avec retenue aussi, ce chef militaire, issu des forces spéciales de Bizerte, tente de contourner la bonne réponse. Parfois, il tient à révéler, à demi-mot, que de telles patrouilles relèvent des opérations de ratissage ordinaires. Certes, la chasse à l'homme n'est guerre une partie de plaisir. Cela commande vigilance et prédisposition d'esprit. «On est, toujours, à l'affût, traquant les terroristes là où ils se trouvent.. », évoque-t-il, soulignant que l'objectif est aussi de rassurer les habitants aux alentours, dispersés ici et là. Leur apport dans cette guerre qui ne dit pas son nom est visiblement essentiel. Démonstration de force Dans les grottes perchées, aux virages escarpés, derrière les collines ou de l'autre côté des oueds, le régiment n'hésite point à passer la montagne au peigne fin. La tactique du jeu lui impose d'occuper les points culminants. Mais le meilleur positionnement, comme l'a fait savoir le commandant, est celui situé à 360 degrés. «Parce que, sur les hauteurs, l'observation de l'espace, étendu à perte de vue, nous permet de guetter l'ennemi et poursuivre ses redoutables mouvements... », précise-t-il. Aux aguets, le contingent s'est dit bien outillé et prêt à aller plus loin dans sa bataille antiterrorisme. Au fur et à mesure, son entraînement lui redonne de la confiance en ses capacités d'attaque et de contre-attaque. A force d'apprendre les techniques du combat, on devient de farouches combattants. Retour au point du départ. Sur le champ de tirs de « Debaibia », une simulation d'exercice militaire démontrant la réaction des troupes face à une attaque terroriste. On entend de vrais coups de feu tirés à balles réelles vers des cibles artificielles. A portée, la rafale des munitions crée un bruit assourdissant. L'art de simuler fait partie du rôle aussi bien anticipatif que préventif. « Réagir face aux guet-apens est un savoir-faire enseigné dans l'armée nationale, dans le cadre de la formation fournie aux troupes, de Tabarka à Ben Guerdène», résume le commandant.