Malgré la mutation qualitative et quantitative du secteur de la santé enregistrée depuis les années 2000, le gouvernorat de Kairouan continue de souffrir du manque de spécialistes et d'équipements, ce qui oblige les patients à aller souvent se faire soigner à Monastir, Sousse ou Tunis. L'hôpital universitaire Ibn El Jazzar avec ses 17 services est sollicité non seulement par les Kairouanais mais aussi par des citoyens en provenance des gouvernorats limitrophes. Ainsi, au cours de l'année 2015, on y a enregistré 52.108 consultations en médecine générale, 14.553 consultations spécialisées, 39.564 consultations dentaires, 180.712 consultations en urgence, 46.829 consultations prénatales et 6.815 consultations postnatales. Et comme les 133 dispensaires situés dans les différentes délégations manquent de médicaments, d'équipements et de personnel médical, les patients sont nombreux dans les urgences de l'hôpital Ibn El Jazar et passent de longues heures d'attente dans des salles surpeuplées et inhumaines, dans l'espoir de se faire rapidement examiner par des médecins, toujours pressés et débordés. Hadda Oueslati, la soixantaine ,crie de douleur à cause d'une infection urinaire et doit aller aux toilettes toutes les dix minutes, mais doit se retenir : «Ici, les sanitaires sont sales et dégagent des odeurs nauséabondes. Je ne veux pas attraper d'autres microbles!». Habiba Rebhi, orginaire d'El Ala, nous explique qu'elle a dû louer 5 fois une voiture à 50D le trajet entre sa localité et Kairouan-Ville (soit en tout 250D) : «En effet, une fois c'est pour les analyses, une autre pour les radios, une troisième pour me dire que les médecins sont en grève, une quatrième pour me dire que les radios ont été mal faites et une cinquième pour mon opération de la vésicule biliaire, sans compter les contrôles, etc. Il y a de quoi devenir desespéré...» Pour toutes ces raisons, les villageois souhaiteraient la mise en place de structures de première ligne à même de mieux répondre aux besoins des patients avec des services réactifs. Belgacem Jaballah, 86 ans, vient d'être examiné par le médecin de garde qui lui a prescrit des médicaments qui manquent à la pharmacie de l'hôpital : «Je dois maintenant trouver qui pourra me prêter 50d afin d'acheter les médicaments. Je me demande pourquoi on ne fournit pas tout ce qu'il faut à la pharmacie de l'hôpital...» Des métatarses dans une poubelle Vu l'engorgement au sein des différents services de l'hôpital Ibn El Jazzar, on assiste souvent à des scènes de maltraitance, de violence verbale et physique et de mauvaise organisation. Les patients en état de détresse trouvent qu'il y a trop de laisser-aller et d'indifférence. Et le cadre médical et paramédical reproche aux nombreux accompagnateurs de perturber le déroulement normal de leur travail. C'est dans ce contexte que des femmes de ménage ont trouvé, il y a 2 semaines, au fond d'une poubelle du bloc opératoire à l'unité chirurgicale «Les Aghlabides» les métatarses d'un pied. Il va sans dire que la direction régionale de la santé a pris ce fâcheux incident à bras-le-corps et a ouvert une enquête pour connaître les fautifs qui n'ont pas respecté les mesures à prendre pour se débarrasser des déchets humains en cas d'amputation, et ce, en les enterrant. Le seul scanner est souvent en panne Le service d'imagerie médicale est doté d'une mammographie, de 3 échographes, d'un appareil panoramique et d'un scanner multibarrette (6) dont les pannes sont très fréquentes puisqu'on effectue plus de 7.000 scanners par an. Nous apprenons dans ce contexte que le ministère de la Santé a prévu un projet d'aménagement et d'extension d'une unité d'imagerie par résonance magnétique (IRM) pour un coût de 2 milliards et l'achat d'un nouveau scanner 64 barrettes pour un coût d'un milliard 300.000D, en cours d'acquisition. Par ailleurs, une enveloppe de 12 milliards a été débloquée pour procéder à des travaux d'extension et de construction de nouveaux services. En outre, dans le cadre du service civil, on va renforcer cette institution hospitalière par des spécialistes notamment en hématoclinique, en cardiologie, en anesthésie, en réanimation, en chirurgie générale, en orthopédie, en radiologie, en urgence... Absence de capitonnage des murs et de détecteurs de fumée L'aire géo-démographique du secteur du service de psychiatrie, situé à une centaine de mètres de l'hôpital Ibn El Jazzar, reçoit les patients de Kasserine, de Gafsa et de Kairouan, soit une population de 1.400.000 habitants. Le taux d'occupation global est de 95% et peut atteindre les 100%. Nous apprenons que le ministère de la Santé a débloqué 250.000D pour la réalisation de chambres d'isolement, de détecteurs de fumée et de portes spécifiques, ce qui permettra une meilleure qualité des soins pour les patients psychotiques hospitalisés. De nouvelles réalisations Mme Rafika Alouini, directrice régionale de la santé, nous explique que parmi les nouveaux projets en cours de réalisation, figurent les travaux de transformation de l'hôpital local de Bouhajla en un hôpital régional de catégorie «B», la réalisation d'un nouveau service d'urgence moderne et bien équipé à Chébika, la création de trois nouveaux dispensaires à Hdaya (délégation de Hajeb El Ayoun), à Friouet (Sbikha) et à Khilwet Mouisset (Bouhajla), la création d'un centre d'hémodialyse à Haffouz ainsi que la création d'un centre intermédiaire à Kairouan-Sud pour un coût de 750.000D et qui comprendra des services de radiologie, d'opthalmologie, d'ORL et de laboratoire.