Un cerveau microcéphale, un corps calleux réduit et un petit cervelet sont responsables du retard mental et moteur chez les trisomiques. «Trisomie 21 : une situation qui évolue». C'est ainsi que le Pr Habiba Bouhamed Chaâbouni, première généticienne et premier chef de service des maladies génétiques, instauré en Tunisie, considère l'état des lieux du syndrome de Down. Une évolution qui rime, d'après elle, avec une meilleure compréhension, des médecins et des chercheurs, de la première anomalie génétique découverte chez l'Homme. Avant de commencer sa conférence organisée, vendredi dernier, à la Cité des sciences de Tunis, le Pr Bouhamed a tenu à partager avec l'assistance les souvenirs de ses premiers pas de médecin généticien. Dans les années 70, elle avait choisi cette spécialité peu connue non pas pour guérir les personnes atteintes d'anomalies génétiques mais pour comprendre ces anomalies et soutenir les patients ainsi que leurs proches dans le parcours d'une prise en charge de longue haleine. Dans un exposé scientifique exhaustif, la généticienne a rappelé la définition et l'historique de la trisomie 21 ou du syndrome de Down comme la surnomment les Anglais. Ces derniers ont été, en effet, les premiers à l'avoir découvert en 1866. En France, Jérôme Le Jeune et Marthe Gautier ont percé le mystère de cette anomalie génétique via la découverte du chromosome 21, et ce, en 1956. «La trisomie 21 est une anomalie fréquente. Sur 600 ou 800 naissances vivantes, un nouveau-né porte une anomalie chromosomique. Le syndrome de Down concerne toutes les populations, les hommes comme les femmes. D'après les études, le risque pour une maman d'avoir un enfant trisomique est plus notable chez les femmes âgées de plus de 38 ans», explique l'oratrice. Il faut dire que le risque des anomalies génétiques est important dès la phase de la fécondation. Ces anomalies régressent, généralement, au fil des phases de formation du bébé. La trisomie 21 revient, dans 93% des cas, à la non-séparation d'un couple de chromosomes et sa présence dans une même cellule du gamète. On parle donc de trisomie 21 libre. Si elle survient au niveau du zygote, elle présentera une trisomie 21 par translocation. L'oratrice souligne que l'origine de cette anomalie génétique est maternelle dans 90% des cas. Cela saute aux yeux ! Le bébé trisomique se caractérise par plusieurs signes avant-coureurs, qui anticipent sur un diagnostic détaillé effectué dans 90% des cas à la naissance. Un petit crâne, un large visage, des yeux bridés, un cou court, des mains larges et trapues, des doigts courts ; autant d'indices qui laissent deviner le syndrome de Down. «Souvent, on remarque que le petit doigt ne présente qu'un pli au lieu de deux. Les pieds sont larges et les orteils, plus petits que la normale. L'on remarque aussi, poursuit le Pr Bouhamed, un espacement entre le premier et le deuxième orteil». Le diagnostic postnatal met en évidence une hernie ombilicale et un petit pénis chez les garçons. Souvent, des bébés trisomiques naissent avec une peau légèrement marbrée. Retard mental et moteur Au fil de leur développement, les enfants atteints de la trisomie 21 présentent aussi bien un retard mental saillant que des problèmes moteurs. S'agissant du retard mental, il est manifeste dans le retard du langage et cette inaptitude notable de l'enfant à s'éveiller à la vie normalement. Le déficit du développement mental revient, d'après l'oratrice, à un cerveau microcéphale, marqué par un corps calleux réduit et un nombre de cellules astrocytes supérieur à celui des neurones. Ainsi, les trisomiques commencent à parler plus tardivement que les autres enfants, soit à l'âge de 10 mois à 48 mois. Le Qi ( ou le degré de l'intelligence) chez le trisomique varie entre 20 et 80 - 80 étant la limite normale-, pour chuter progressivement en raison du vieillissement précoce du cerveau jusqu'à 40, voire 45 à l'âge adulte. Quant au développement moteur, il reste bien en deçà de la normale. Les trisomiques présentent, en effet, une hypotonie axiale et périphérique, une hyper-laxité ligamentaire et souvent une luxation congénitale de la hanche. Ces problèmes de santé sont responsables de l'incapacité de ces personnes à se tenir bien droites et à avoir des mouvements précis. Ces difficultés motrices reviennent, elles aussi, à la morphologie cérébrale typique des trisomiques. Le cervelet, plus petit que la normale, est à l'origine de cette hypoplasie. Aussi, parvient-on à comprendre ce retard moteur qui marque le développement de l'enfant trisomique. Ce dernier commence à s'asseoir à 15 mois alors que cela devrait arriver à l'âge de sept mois tout au plus. Il a besoin de trente mois pour commencer à marcher alors que les enfants «normaux» y parviennent à 18 mois. Et même à l'âge adulte, les m ouvements effectués par les trisomiques restent maladroits car imprécis. Malformations et pathologies chroniques Manifestement, les personnes atteintes du syndrome de Down nécessitent une prise en charge et un suivi médical régulier, afin de les aider à acquérir des aptitudes indispensables à leur autonomie. Une autonomie qui reste, toutefois, restreinte en raison de moult problèmes de santé, dont de sérieuses malformations viscérales. L'oratrice indique que 40% des trisomiques présentent des malformations cardiaques ; 30% d'entre eux souffrent d'une occlusion intestinale (un colon plus épais et/ou plus long) et 10%, d'une anomalie rénale. Certains endurent des maladies ophtalmiques, comme les cataractes, le strabisme, la myopie et l'hypermétropie. Ils présentent aussi une susceptibilité aux infections, ce qui les rend plus fragiles que les autres. «Il est à souligner que 15% des personnes atteintes du syndrome de Down souffrent d'une hyperthyroïdie. 5% d'entre eux sont épileptiques et pratiquement tous sont prédisposés à devenir obèses bien que leur poids à la naissance soit, généralement, faible», renchérit le Pr Bouhamed. Une prise en charge pluridisciplinaire ininterrompue Il devient clair que la micro-céphalée caractéristique des trisomiques interfère considérablement sur le bon fonctionnement du métabolisme et sur le développement aussi bien psychologique, mental que moteur. Un cerveau atypique qui vieillit précocement, ce qui favorise le terrain à la maladie d'Alzheimer. L'espérance de vie des trisomiques est de 60 ans ; d'ailleurs, 50 % d'entre eux atteignent cet âge. Côté santé reproductive, l'oratrice souligne que les hommes trisomiques sont généralement stériles. Ce n'est pas le cas des femmes, «d'où l'impératif de veiller sur l'éducation sexuelle des filles et leur protection afin qu'elles ne tombent pas — malencontreusement — enceintes», ajoute le Pr Bouhamed. Et d'ajouter qu'il est fondamental, pour les parents et les proches des personnes atteintes de la trisomie 21, de poursuivre, sans relâche, la prise en charge des trisomiques. Une prise en charge pluridisciplinaire qui inclut le traitement symptomatique et le suivi médical régulier, surtout que ces personnes risquent de voir leur capital santé dégringoler à défaut de soins préventifs et curatifs adaptés. La prise en charge des trisomiques implique aussi le développement et le maintien des capacités intellectuelles et physiques du patient et la soumission à un régime alimentaire équilibré afin de prévenir l'obésité.