Les faits et méfaits de certains ténors de la classe politique se succèdent. Ils prennent ces deux jours une allure fantasque. Au point de souscrire que du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas Acte I : Fadhel Omrane, président du groupe parlementaire de Nida Tounès, est poussé à la porte de sortie. Le lendemain de sa démission obligée, il démissionne de la commission des finances et adresse une missive assassine au président du Parlement. A l'en croire, ses colistiers dans ladite commission ne feraient guère montre de sérieux et de diligence. Il accuse même l'un des députés de rappliquer fréquemment ivre mort à la commission au point de s'y adonner à des extravagances manifestes et caractérisées. Acte II : Le lendemain, Fadhel Omrane revient à la charge sur un plateau télé et s'en prend ouvertement à Saïd Aïdi, ministre de la Santé et membre de Nida Tounès, comme lui. Il l'accuse d'inconsistance et d'activisme facebookien plus que d'engagement politique. Saïd Aïdi rétorque le lendemain qu'il n'avait rencontré Fadhel Omrane qu'une seule fois et avait refusé d'interférer illégalement en faveur de l'un de ses proches, comme il le lui a demandé. Acte III : Le lendemain, trois députés de l'UPL rallient le bloc parlementaire de Nida. Slim Riahi, président de l'UPL, réagit sur Facebook. Il en congratule Soufiane Toubel, nouveau président du bloc parlementaire de Nida et l'homme d'affaires à la renommée sulfureuse Chafik Jerraya, qu'il désigne ironiquement comme président de Nida. Acte IV : Le même jour, un autre membre de l'UPL accuse le même Chafik Jerraya d'avoir voulu acheter onze députés de l'UPL moyennant 550.000 dinars. De leur côté, les membres de l'UPL se sont réunis et ont manifesté leur désir de quitter en bonne et due forme la coalition gouvernementale. Quelques jours auparavant, les différends des partis de la majorité avec le parti Afek Tounès avaient fait miroiter l'éventualité d'un retrait de ce parti de la coalition gouvernante. L'opinion est estomaquée. Les gens sont blasés par cette passe d'armes aux argumentaires scabreux et peu recommandables. Les priorités du pays sont ailleurs. Les terroristes sont toujours à l'affût. Le chômage massif persiste. Le renchérissement des prix se poursuit. Le déséquilibre régional n'en finit pas d'accuser les tares du sous-développement et de l'exclusion de larges franges de la population, dans seize des vingt-quatre gouvernorats du pays. Les investissements sont au point mort, les exportations se tarissent. L'endettement extérieur atteint des seuils faramineux. Et nos valeureux politiques s'abîment dans d'interminables querelles de coteries et de chapelles. A la manière des Byzantins, qui passaient le plus clair de leur temps à se disputer sur le sexe des anges. Reconnaissons-le. Notre classe politique déçoit. Bien pis, l'argent louche interfère dans les affaires. L'échelle des valeurs est reléguée aux oubliettes. Alliances et contre-alliances s'opèrent sur la base d'intérêts secrets et inavoués. Des hommes brusquement devenus riches, Dieu sait comment, mènent le bal. Au vu et au su de tous. Sans être inquiétés pour leur fortune, les réseaux semi-occultes qu'ils entretiennent et le chantage qu'ils exercent à l'emporte-pièce et d'une manière non déguisée. D'ailleurs, les enceintes médiatiques et associatives sont instrumentalisées par les nouveaux gourous de la politique mafieuse. Là, tous les coups sont permis. Et l'enceinte judiciaire demeure, elle, sclérosée, sinon plombée par les interférences secrètes et les pressions partisanes. Les instruments de régulation et de garantie du plein-jeu de la règle de droit en toutes circonstances sont inexistants, voire inefficients. La scène politique va mal. La déliquescence de la classe politique est on ne peut plus évidente. Deux perspectives aussi catastrophiques l'une que l'autre se profilent. D'abord, l'investissement de la place politique par les réseaux mafieux. Comme ce fut le cas en Italie et dans certains secteurs du patronat et du syndicalisme américain. Cela est de manière à pervertir également les institutions, les associations et les médias notamment. Par ailleurs, il y a un fort risque de générer une désaffection généralisée de la politique. La voie royale pour les populistes et manipulateurs de tout poil en somme. Avec la perspective d'élections municipales en mars 2017, cela pourrait être lourd de conséquences. Moraliser la politique ? Cela peut sembler, de prime abord, niais. Emmanuel Kant définissait l'Etat comme une communauté de volontés impures sous une règle commune. Et Montaigne instruisait que le premier trait de la corruption des mœurs, c'est le bannissement de la vérité. Osons regarder la vérité en face.