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La gent politique tunisienne plus que jamais face à ses responsabilités
Opinion
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 05 - 2016


Par Abdoulaye BA*
2015 a été une année très éprouvante pour le pays. Trois attentats majeurs et particulièrement meurtriers furent perpétrés par des terroristes jihadistes de l'organisation Etat Islamique, au musée du Bardo, dans un hôtel à Sousse et à l'avenue Mohamed-V à Tunis. L'année en cours s'annonce également difficile au regard de l'attaque de la ville de Ben Guerdane par les mêmes extrémistes religieux de l'EI. Un peu partout dans le monde, en Libye et en Algérie, en Egypte, en Syrie et en Irak, au Yémen, en Afghanistan et au Pakistan, en Afrique au Sud du Sahara, en Turquie, en Europe, etc., l'islamisme radical continue de commettre ses lâches forfaits et le nombre des victimes ne cesse d'augmenter de façon inquiétante. Pour « sauver leur peau », de nombreuses populations civiles cherchent refuge ou tentent de trouver asile, au risque parfois de leur vie, dans les pays voisins moins exposés ou plus sûrs. Pour preuve, on assiste depuis plusieurs mois à un important flux migratoire. La lutte contre le terrorisme est, pour ainsi dire, devenue à l'échelle internationale la priorité des priorités. Il y va de la sécurité et de la stabilité dans le monde.
En Tunisie, depuis plus de trois ans, les forces armées et de sécurité sont engagées dans une guerre farouche contre la nébuleuse terroriste. Nonobstant tous les revers subis, pertes humaines et blessés dans leurs rangs ainsi qu'au sein de la population civile, elles font vaillamment front à cet ennemi redoutable, mettent en échec la plupart de ses opérations et lui infligent régulièrement des coups mortels. Toutefois, nous savons tous que pour endiguer durablement ce fléau, la lutte contre le radicalisme religieux doit être multiforme, militaire et sécuritaire certes, mais aussi économique et sociale, culturelle, politique et idéologique, car il s'agit-là d'un mal complexe qui a fortement gangrené la société et sérieusement affecté la jeunesse.
Les pouvoirs publics, conscients de cet impératif, ont au lendemain des dernières élections générales concocté un programme de relance économique qui encourage l'investissement productif et la création d'emplois. Un fonds de lutte contre le terrorisme a été créé il n'y a pas longtemps afin de venir en aide aux familles victimes et aussi de soutenir financièrement l'effort de guerre. Suite à la contestation sociale qui a secoué le pays au mois de janvier dernier et à l'attaque terroriste de Ben Guerdane, le gouvernement a été amené à prendre dans l'urgence un train de mesures au profit des régions défavorisées, notamment la résorption du chômage des jeunes diplômés. Il faut reconnaître que la morosité ambiante prévalant depuis l'avènement du 14 janvier, caractérisée par la multitude des mouvements sociaux, le laxisme généralisé constaté à tous les niveaux de la société, l'état d'insalubrité et de délabrement du pays, le climat d'insécurité et d'inquiétude dû à la menace terroriste permanente, etc, est peu propice à l'investissement aussi bien national qu'étranger. Beaucoup d'entreprises ont fermé ou fonctionnent au ralenti, le secteur touristique, qui est la grande victime de la barbarie jihadiste, attend désespérément de connaître des lendemains meilleurs. Il va falloir d'une part s'armer de courage, d'abnégation, de détermination et de persévérance pour relever le défi terroriste et d'autre part s'ingénier à faire repartir la machine économique. La jeunesse désœuvrée, qui s'impatiente à juste raison de trouver une occupation permanente, est hélas généralement mal formée et peu qualifiée. Tout le problème est de lui assurer la mise à niveau nécessaire à sa bonne insertion dans le marché du travail. La mobilisation nationale et internationale en faveur de l'emploi initiée récemment par l'Etat peut à terme avoir des retombées économiques et sociales importantes.
La lutte contre le fondamentalisme religieux, nous l'avons dit plus haut, est aussi culturelle, politique et idéologique. C'est avant tout un devoir patriotique mais aussi une tâche ardue et de longue haleine, qui incombe essentiellement aux politiques, aux médias et à la société civile. Un bref aperçu de la situation nous permet de constater les acquis réalisés dans ce domaine et de relever les insuffisances et lacunes à surmonter.
Commençons tout d'abord par rappeler que la révolution du 14 janvier 2011 est la résultante d'un sursaut patriotique dont le but fut de mettre un terme à une situation politique caractérisée par l'arbitraire et l'injustice sociale, et incarnée par le régime de Ben Ali. Il s'agit surtout d'une révolution dont l'objectif, à l'évidence et en toute logique, est l'instauration d'une société démocratique, à savoir libre, juste et solidaire. Ses principaux auteurs que sont la jeunesse, le mouvement syndical et diverses organisations associatives, en l'absence d'un leadership politique clairement assumé, n'avaient pas a priori de projet de société à mettre en place en cas de succès de leur soulèvement. Ce fut en fait un mouvement de révolte brusque et spontané, l'expression d'un ras-le-bol général qui réclamait un changement qualitatif dans la gestion des affaires du pays sans une remise en cause des principaux acquis de la société tunisienne. A la faveur de ce formidable élan populaire qui a précipité la chute du dictateur, les divers partis et organisations politiques de l'opposition, légale comme non reconnue, en dépit de leur rôle minime dans l'avènement du 14 janvier, s'empressèrent d'occuper le devant de la scène. On assista alors à une effervescence politique et aussi médiatique sans précédent. De nouvelles formations politiques virent rapidement le jour, les médias non plus n'étaient pas en reste. Il y eut des créations nouvelles d'organes de presse et de chaînes TV, une multitude de nouvelles émissions radio-télévisées, d'interventions sur le Net et les réseaux sociaux, etc. La Tunisie vivait ainsi son « baptême de feu » démocratique, ce qui était tout à fait prévisible. Cette situation nouvelle et inédite, chemin faisant, prenait de l'ampleur au fil du temps pour finalement déboucher sur les premières élections libres organisées dans le pays. La suite, nous la connaissons tous. Du 20 au 23 octobre 2011, 11.686 candidats enregistrés sur 1.517 listes, soit 828 listes de partis, 655 indépendantes et 34 coalisées, briguèrent les suffrages de près de la moitié de l'électorat en âge de voter dans le but d'être parmi les 217 élus devant siéger à la nouvelle Assemblée des représentants du peuple. Lors des législatives et présidentielle de 2014, plus de 13.000 candidats d'une part répartis sur 1.327 listes, soit 803 listes de partis, 365 indépendantes et 159 coalisées, et 27 autres d'autre part, se présentèrent devant en moyenne plus de quarante pour cent de l'électorat potentiel pour se faire élire à la future Assemblée des représentants du peuple et pour être le premier président de la République tunisienne démocratiquement élu. Un des enseignements notables à retenir de ces deux scrutins est le nombre impressionnant des formations et personnages présents sur l'échiquier politique national. La plupart des courants politiques existants de par le monde y sont représentés, allant de l'extrême à l'extrême, je veux dire des islamistes radicaux et modérés, libéraux et centristes, aux socio-démocrates, socialistes et communistes, en passant par les laïques et les théocrates, etc. La question qui vient tout naturellement à l'esprit, à la lumière de ce constat, est de savoir quel a été l'impact de cette fièvre politique sur le processus de démocratisation du pays, plus de cinq ans après la révolution du 14 janvier ? En nous basant sur les principaux faits et événements qui ont marqué la vie politique, nous pouvons affirmer avec certitude que la contribution d'une manière générale des politiques est pour le moment bien en deçà des espérances qu'un peuple est en droit d'attendre légitimement de ses leaders. Primo, le bilan de la gouvernance Troïka est négatif, c'est le moins que l'on puisse dire. Sous la direction de cette coalition victorieuse des élections de 2011, la Tunisie a connu moult difficultés imputables à une gestion laxiste des affaires et à une méconnaissance criante de la part des gouvernants de la réalité sociologique du pays. Ces problèmes se résument ainsi : une situation économique et sociale dégradée, la recrudescence des mouvements et conflits sociaux, l'exacerbation des contradictions entre le pouvoir et l'opposition, la montée vertigineuse de l'extrémisme, de la violence et de la terreur, etc. Secundo, sans le dialogue national initié par le Quartette digne représentant de la société civile et l'appui de pays frères et amis ainsi que d'organisations internationales qui ont œuvré inlassablement pour le rapprochement politique entre les deux principaux leaders et protagonistes, le centriste et actuel chef de l'Etat, M. Béji Caïd Essebsi, et l'islamiste modéré, le Cheikh Rached Ghannouchi, le pays allait tout droit vers de graves dangers. Le gouvernement d'union nationale issu de cette initiative salutaire et qui a succédé à la Troïka, sans coloration politique et dirigé par M. Mehdi Jomâa, a bien réussi la mission principale qui lui était assignée, à savoir mener à bien la Tunisie vers ses premières élections législatives et présidentielle, libres et démocratiques. Tertio, le gouvernement actuel, constitué au lendemain du dernier scrutin, sous la conduite de M. Habib Essid, une personnalité indépendante, s'est inscrit dès sa constitution dans la même dynamique unitaire que celui qui l'a précédé, avec toutefois une connotation politique plus affirmée.
Ce bref rappel historique a l'avantage de nous éclairer sur le rôle et l'apport des politiques depuis l'avènement du printemps tunisien. Ils sont hélas une infime minorité, les hommes et femmes politiques, à mériter réellement de la patrie. Ils ont pour la plupart fait preuve d'amateurisme et d'opportunisme politique, ignorant complètement la signification et la portée de la révolution du 14 janvier 2011. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas lieu d'être surpris de l'existence de tant d'organisations et formations politiques qui se sont toutes targuées en son temps d'avoir le meilleur projet de société pour la Tunisie. Il n'est pas non plus surprenant, alors que la seule alternative crédible, au lendemain de la chute de Ben Ali est la gouvernance unitaire nonobstant la tenue d'élections démocratiques, de voir ces mêmes partis ou coalitions de partis se livrer à des calculs politiciens et surtout à une « guerre de clocher» dont les conséquences furent néfastes pour le pays. L'attaque de l'ambassade américaine à Tunis en 2012 et l'assassinat de deux leaders de l'opposition en 2013 par des extrémistes religieux (et dont les causes ne sont pas encore complètement élucidées), tout le mal qu'a eu l'ancienne Assemblée nationale constituante pour achever la rédaction de la nouvelle constitution, la crise interne qui a secoué et provoqué une scission au sein de Nida Tounès, parti pourtant vainqueur aux dernières élections, etc. constituent des faits on ne peut plus clairs nous permettant de nous faire une opinion claire sur le niveau, la qualité et les motivations de nos politiques. Pendant que la situation difficile du pays exige l'union de toutes les forces vives pour relever les défis majeurs du moment, au lieu d'aller sur le terrain à la rencontre de la jeunesse désespérée et désorientée pour l'aider à affronter les difficultés du quotidien, l'exhorter à ne pas céder à la tentation de la résignation et la prémunir contre toute dérive extrémiste, la gent politique dans sa grande majorité préfère s'adonner à son exercice préféré, c'est-à-dire « s'accoupler avec les médias » dans des émissions et sur des plateaux radiotélévisés, histoire de polémiquer entre adversaires ou avec les journalistes, de nous ressasser ses « états d'âme », ses solutions aux problèmes de la Tunisie, etc.
Dans une démocratie en général, le rôle dévolu aux politiques consiste à éduquer et encadrer le peuple dans le but d'œuvrer pour son émancipation. Dans ce cadre, ils peuvent s'appuyer sur les médias qui sont un important relais pour la vulgarisation de l'information. La relation entre ces deux acteurs doit être fondée sur des principes d'indépendance, d'objectivité et d'intérêt général. Au regard des faits vécus, il apparaît clairement que nos politiciens sont loin d'avoir assumé leurs responsabilités, leur inexpérience et la jeunesse de la démocratie tunisienne ne pouvant pas servir d'alibi. Les médias nationaux, nous l'avons déjà souligné à plusieurs reprises dans nos publications antérieures, ont pour la plupart cédé à l'approche événementielle pour ne pas dire au« show médiatique », plutôt que de privilégier une démarche contributive à la cause nationale. Eux aussi ont leur part de responsabilité à assumer. Heureusement, l'espoir nous est venu de la société civile qui, à une période critique pour le pays, a su se mettre à la hauteur de la situation et lui épargner de réels risques de tension voire de crise politique. La célébration du nouvel an au mont Chaâmbi par des activistes avec les forces armées et de sécurité ainsi que la population locale est à la fois un acte symbolique et un message fort qui en disent long sur l'implication totale de la société civile dans la lutte contre le terrorisme.
Cela étant dit, « il n'est jamais tard pour bien faire ». Ce proverbe devrait inspirer la gent politique et l'amener se à débarrasser de ses réflexes étroits et partisans. Aujourd'hui, force est à de constater qu'elle est hélas le talon d'Achille de la démocratie tunisienne. Il n'y a pas trente-six mille solutions pour résoudre tous les maux de la société, mais une seule, à savoir mettre en avant ce qui nous unit plutôt que ce qui nous divise, s'appuyer sur les principales réalisations du pays pour remporter la victoire contre le terrorisme et gagner le pari du progrès économique et social. Nous demeurons convaincus, dans la situation actuelle du pays, qu'une gouvernance unitaire avec une faible coloration politique est plus à même de répondre aux aspirations et attentes de la population. Les politiques, outre le soutien critique à apporter au gouvernement, se doivent de propager au sein de la population un message de paix, d'unité, de solidarité, de civisme et de patriotisme.
Mesdames et Messieurs de la gent, trêve de politique politicienne, l'heure n'est plus aux beaux discours et belles intentions, mais plutôt à l'action pratique au service de la Tunisie. Les récentes attaques de Mnihla et Tataouine, déjouées in extremis, sont là pour nous le rappeler.
« A vous maintenant de jouer! »
Vive la Tunisie moderne et démocratique, unie et solidaire, paisible et hospitalière, laborieuse et généreuse.
*Observateur politique mauritanien


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