Le technicien français affirme que le football tunisien regorge de talents. Mais la formation est au point mort «En Tunisie, nous avons du mal à former de grands joueurs. Des joueurs qui ont du mal à s'imposer, notamment quand il s'agit de bien représenter l'équipe nationale dans la perspective de remporter la CAN, ou encore de la qualifier à la phase finale de la Coupe du monde. Par la suite, ils doivent aspirer à partir dans des clubs européens et surtout, ne pas revenir, en tout cas pas tout de suite. Nous sommes capables de former de grands joueurs, mais à des conditions. D'abord, s'il n'y pas de formation, on n'a pas de grands joueurs. Or, dans ce domaine, tout est à refaire. Je suis bien placé pour le dire dans la mesure où j'étais entraîneur d'équipes professionnelles et deux fois directeur technique du centre de formation de l'EST. Le problème en Tunisie est qu'on n'a pas de formateurs. Il faut donc commencer par en former. On a très peu de directeurs techniques qui ont été formés pour être des directeurs techniques. Les 3/4 d'entre eux sont d'anciens joueurs devenus des entraîneurs expérimentés. En Tunisie, on confond entraîneur et formateur. Un entraîneur qui remporte le championnat dans une catégorie jeune est considéré comme un grand formateur. Or, un formateur est avant tout un enseignant. Un formateur, c'est quelqu'un qui travaille dans l'ombre, qui aime enseigner, corriger et recorriger les fautes des gamins. Un entraîneur, par contre, est un compétiteur, qui, par-dessus le marché, aime être sous les projecteurs. Ce sont donc deux profils complètement différents. Il faut donc reprendre toutes ces bases, travailler sur une période allant de quatre à cinq ans, avant de commencer à cueillir les fruits. Nous avons un deuxième problème. Un jeune Tunisien s'entraîne une seule fois par jour. Il faut se mettre d'accord avec le ministère de l'Education pour aménager les horaires des cours pour que les enfants puissent s'entraîner deux fois par jour, comme c'est le cas en Europe. Un simple calcul nous amène à dire qu'en l'espace de quatre ans, un gamin en Europe bénéficie d'un temps de formation double qu'un enfant évoluant dans un club tunisien. De plus, le travail est précis et il y a une stabilité technique dans les centres de formation européens. Par contre, en Tunisie, on change plus souvent les directeurs techniques. Ici, on a aussi la fâcheuse manie de changer beaucoup les entraîneurs pour ramener des anciens joueurs, le copain du copain ou le copain du délégué, et ainsi de suite. Il faut aussi revoir les infrastructures au niveau des équipes professionnelles, notamment la qualité des pelouses centrales qui abritent les matches. Il faut aussi que chaque équipe senior dispose d'un terrain annexe dédié aux entraînements, d'une salle de musculation. Il faut aussi recentrer le football. Il est temps d'arrêter de crier à tort et à travers, en accusant entre autres les arbitres de tous les maux dont souffre le football tunisien. Chose qui s'est amplifiée ces deux dernières années. On parle désormais d'arbitrage et d'autres affaires sordides, mais pas du football, le vrai. Il faudra désormais parler du jeu et des joueurs. Ce sera plus simple pour tout le monde. Il est temps d'enterrer la hache de guerre et de remettre le ballon au centre du terrain. Bref, c'est un long chemin à parcourir. En France, nous avons installé les premiers centres de formation en 1976 et nous avons mis plus de 20 ans pour remporter la Coupe du monde. Dans les centres de formation, on trouve des écoles avec des horaires aménagés. En Tunisie, il y a des solutions à trouver pour améliorer la formation. Il vaut mieux laisser les joueurs issus des grands clubs dans leurs centres de formation respectifs pour que les jeunes issus des petits clubs de l'intérieur du pays puissent être formés dans le centre de Borj Cédria et les centres régionaux. C'est une solution de départ qui tient en compte des infrastructures actuelles. Cela peut constituer un point de départ pour que déjà, les talents en herbe qui se trouvent dans les régions ne se dispersent pas. Car le potentiel, on en a en Tunisie. Le football tunisien regorge de talents qui ont juste besoin d'un encadrement sur des bases solides et de l'infrastructure qui va avec».