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De la consommation personnelle à l'entreprise familiale
La oula
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 05 - 2016

Tradition tunisienne qui consiste en la préparation de réserves alimentaires pour l'hiver, la « oula » tunisienne est très bénéfique pour la santé et dispose d'un grand apport nutritif, mais peut aider aussi à faire face à la hausse des prix. Bien qu'elle ait perdu du terrain en raison de l'évolution socioéconomique, d'aucuns constatent un grand retour de la oula devenue pour certains une entreprise familiale rentable. A l'approche du mois de ramadan, certaines denrées rares et prisées sont réservées pour d'éventuels consommateurs à l'affût de produits frais et de terroir.
La consommation au mois de ramadan augmente pour atteindre un pic de 80%, notamment pour certains produits comme la feuille de brick (malsouqa), la chorba frik, nwasser, épices et autres fruits secs très appréciés au cours du mois saint, et ce, sans compter le lait, les viandes et les œufs. Toujours fidèles à leurs habitudes de consommation, les Tunisiens commencent les préparatifs en s'approvisionnant de quantités suffisantes de denrées non périssables : légumes secs et céréales.
Saveur et savoir-faire
Les grandes surfaces s'apprêtent à faire face à cette forte demande d'achat. Mais également, les petits vendeurs de produits faits maison, à l'instar de ceux longeant les arrière-marchés ou les souks hebdomadaires qui proposent : feuilles de brick (malsouqa), chorba frik, nwasser et autres épices. Ainsi, Zahia vendeuse, prend ses dispositions à l'avance comme chaque année en prévision du mois de ramadan qu'elle considère comme le mois de la consommation par excellence au cours duquel elle réalise sa plus forte recette. «Depuis un mois, j'ai commencé à m'approvisionner en produits : épices (cumin, coriandre, piment doux et fort, etc.) et herbes aromatiques. Je me prépare assez à l'avance de peur de la pénurie» confie-t-elle.
Ce genre de produits est prisé par les consommateurs à cause de leur fraîcheur et de leur prix concurrentiel. «Les grandes surfaces ont du mal à écouler ces produits. Ils sont obligés de faire des promotions et des jeux pour attirer les clients», estime-t-elle. Ici, les consommateurs dépensent la moitié de ce qu'ils déboursent dans un supermarché. D'après l'Institut national de la statistique, le 1/3 des revenus des familles tunisiennes est consacré à l'achat de produits alimentaires durant le mois de ramadan. Latifa, femme au foyer, prépare sa propre oula en couscous chamsi, épices, qadid, une tradition que lui a transmise sa mère. «Rien ne vaut ce qui est fait maison », précise-t-elle.
Mais au-delà de la consommation personnelle, des femmes, à l'instar de Chahida Boufeid Louhibi, originaire de Kalaât El Kébira et établie à Nabeul depuis son mariage, a commencé son projet de préparation de réserves alimentaires oula depuis plus de 18 ans, et en a fait une entreprise familiale. Une pratique ancestrale acquise par sa grand-mère qu'elle a fructifiée pour en faire un véritable travail. Avant de faire évoluer son projet en entreprise familiale, elle a commencé par réaliser des réserves qu'elle stockait pour sa famille et ses connaissances. Son souci est la conservation des produits du terroir en voie de disparition ou qui apparaissent dans des occasions précises (mariages, circoncision) ou alors utilisés dans des régions rurales éloignées.
Des oulas spécifiques
«Je fais la oula du couscous de blé et de maïs, drôo et autres variétés, épices, les eaux de fleurs (oranger, rose, etc). Je me fais aider par mon mari. Mais lorsque les commandes deviennent nombreuses, je recrute de petites mains. J'ai formé un groupe de filles auxquelles je transmets le savoir-faire de la oula afin qu'elles puissent prendre le flambeau. Je considère le fait que d'autres artisanes comme moi s'intéressent à ce domaine n'est pas une concurrence mais plutôt une complémentarité», confie-t-elle. Les commandes de l'été, qui lui parviennent des 24 régions du pays, démarrent au mois de mars jusqu'à fin juin. «Les femmes qui travaillent n'ont plus le temps de préparer leurs réserves alimentaires, c'est pourquoi nous le faisons pour elles et leurs familles», ajoute-t-elle.
Ce retour des Tunisiens à la oula s'explique, selon Chahida, par le fait que certains genres de produits deviennent rares au cours de quelques mois de l'année, outre le fait que ces produits sont plus sains que ceux de la grande distribution sans compter les raisons économiques. Un projet réussi qui s'exporte actuellement. «Ma participation à la foire de Milan m'a donné des élans. J'ai pu constater que les Italiens aiment bien l'harissa, les épices tandis que nos émigrés préfèrent la bssissa, notamment celle avec les pépins de figue de barbarie qui constitue une nouveauté dans le domaine. J'ai moi-même créé ce produit avec le concours de mon mari et du Dr Khaled Zarrouk», affirme-t-elle.
Lors de sa participation à l'événement « Du producteur au consommateur » qui s'est tenu les 14 et 15 mai dernier à l'avenue Bourguiba, Chahida a proposé dans son stand divers articles alimentaires en perspective du mois de ramadan qui aura lieu cette année au mois de juin. «On retrouve la chorba frik, hlelem, nwasser, la salade méchouia, le zhar, qui parfume le masfouf, les épices comme le tabel, etc. Ce sont des produits spécifiques au mois de ramadan. De nombreuses commandes spécial ramadan me parviennent comme pour le couscous de blé qui a plein de vertus : il rassasie et en même temps ne donne pas soif. Par ailleurs, je prépare la oula sans gluten en veillant à ce que les prix soient abordables».
Des propositions de fournir les grandes surfaces en produits alimentaires n'ont pas séduit Chahida qui préfère, dit-elle, vendre directement ses produits aux consommateurs sans intermédiaires en pratiquant des prix raisonnables car son souci est la qualité avant tout.
Sauvegarder les traditions
Pour sa part, Latifa Khairi, présidente de l'Association Saveurs de Tunisie, estime qu'il existe deux catégories de oula : celle préparée en été et une autre spécifique au mois de Ramadan. En ce qui concerne la deuxième catégorie, les ménagères stockent certains produits qui se font rares durant le mois saint ou dont les prix augmentent vertigineusement, comme, par exemple, le persil, les œufs, le citron, la bssissa, les petits pois, artichauts, le mermez pour la chorba, hlalem, nwasser.
«La oula est un héritage culturel qui ne se réduit pas au couscous. Mais cela dépend des régions; par exemple à Nabeul, les femmes font la oula d'eau de fleur d'oranger, les salaisons, le maïs et le drôo qui sert à la préparation de variétés de plats : le couscous au drôo est une spécificité de la région de la Dakhla au Cap Bon. Pour la région de Kairouan, c'est le piment, les épices sont liées à l'été. La région du Sahel est célèbre pour l'huile d'olive; à Sfax : les amandes et les raisins secs, le poisson séché et ses variétés, la bssissa et à Djerba aussi. Il y a des oulas qu'ont ne connaît pas. Dans la culture amazigh, tout se conserve selon la saison, par exemple les dattes sont transformées en « Rob » utilisé dans certains mets. C'est lorsqu'il y a une avalanche de produits et que leurs prix diminuent que les ménagères préparent la oula. La conservation ne se fait pas uniquement pour des raisons économiques, mais parce que les denrées étaient rares. Autrefois, tout avait de l'importance pour assurer la sécurité alimentaire», rappelle-t-elle.
Le retour à ce phénomène de la oula, notamment en perspective du mois de ramadan, s'explique aussi par la crise économique qui déséquilibre les budgets des ménages. Selon Latifa Khairi, contrairement à une idée reçue, ce type de commerce ne constitue pas une concurrence pour les industriels, mais une valeur ajoutée. «L'Association travaille sur l'héritage et non pas sur le savoir-faire. L'essentiel est de maîtriser la recette ancestrale. L'héritage est une plate-forme pour la culture culinaire tunisienne. Le but est de réaliser un centre de formation selon un cahier des charges international que je tiens à dédier aux artisanes de mon pays», révèle-t-elle.
La présidente de l'Association Saveurs de Tunisie assure que des filles diplômées, ayant participé à des compétitions culinaires organisées par son Association, sont conscientes de l'importance de l'héritage et de sa sauvegarde. «Aujourd'hui, elles veulent investir dans la préservation du patrimoine culinaire. En 2012, il n'était pas question d'aborder le sujet qui trouvait un refus catégorique de la part des jeunes. J'ai d'abord commencé par identifier le savoir-faire chez les femmes âgées et j'ai réalisé des ateliers où ont pris part de jeunes femmes. J'ai travaillé par exemple sur la préservation du osbane sec de Nabeul, produit en voie de disparition ainsi que le kaâk de Kélibia. J'ai vulgarisé l'information sur les réseaux sociaux, les journaux et les télévisions et cela a donné de bons résultats», enchaîne-t-elle. En 2013, ces produits du terroir étaient en voie de disparition, aujourd'hui, ils existent bel et bien et portent le label de commerce équitable.


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