Le Monde Diplomatique arabe et la Fondation Rosa Luxemburg organisent une rencontre de trois jours sur le thème programme : « Cinq ans après le printemps 2011, défis, tâches et stratégies des moyens des gauches arabes ». L'ouverture, 27 mai, au siège de la Fondation à Tunis, a réuni, outre les figures de la gauche tunisienne Hamma Hammami et Ziad Lakhdhar, des militants associatifs et politiques venus essentiellement des pays arabes comme le Soudan, le Yémen, l'Irak. Le délégué de la mouvance mauritanienne s'est vu, lui, interdire de quitter le sol national par les autorités de son pays. Par ailleurs, le ministère des Affaires étrangères tunisien a été remercié avec insistance pour son appui logistique. L'objectif du rendez-vous qui se présente comme un laboratoire d'idées revêt un aspect pratique voire utilitariste. Puisqu'en plus de partager les analyses et échanger les idées promouvant les valeurs de la gauche, cette nouvelle plateforme œuvre à «l'émergence d'une alternative face au despotisme, à la corruption et au clientélisme». Une première édition sera suivie par d'autres, annonce, confiant, Riadh Ben Fadhl, directeur du mensuel et coorganisateur, en mettant en avant les fils thématiques conducteurs, favoriser la refondation de la gauche arabe, renforcer les solidarités internationales et «pousser vers l'émancipation citoyenne pour échapper au fatalisme et à l'assujettissement ». Notre destin étant commun, souligne encore le coordinateur général du parti El Kotb, « notre ambition est de construire entre les militants de la gauche un réseau mondial transfrontière », aspire-t-il. Raviver la flamme de l'élan révolutionnaire Deux ateliers intitulés : défis et tâches des gauches arabes, et stratégies et moyens, pour le deuxième, seront animés par une quinzaine de participants chacun. Inscrite sous le signe de l'efficacité, non du discours théorique ou de l'approche académique, des formulaires y seront distribués pour canaliser les analyses et surtout structurer les propositions des militants. Invité à s'exprimer, Ziad Lakhdhar préconise un regroupement des forces de la gauche pour résister « aux capitaux qui broient les peuples et tous les acquis gagnés de haute lutte par la classe ouvrière depuis des décennies dans les pays capitalistes développés». Pour ce qui est de la Tunisie, le député de l'opposition recommande de raviver la flamme de l'élan révolutionnaire « pour contrecarrer le pouvoir de la mafia qui désormais tient les rênes du pays ». Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, loue la valeur ajoutée du think tank qui aura pour effet, espère-t-il, « de nous arracher de l'activisme quotidien et nous inciter à réfléchir sur la manière d'unir la gauche révolutionnaire mondiale pour construire une nouvelle civilisation sur les décombres de la civilisation bourgeoise ». S'identifier et mobiliser Suite à la question de La Presse sollicitant une précision sur l'identité de la gauche ciblée par la rencontre et les représentants invités à y assister, Riadh Ben Fadhl répond clairement : « Les partis de la gauche qui traitent avec les pouvoirs économiques mondiaux désignés encore par la gauche réformiste n'ont pas de place parmi nous, comme le Parti socialiste français au pouvoir n'a pas été invité. Le Parti démocratique italien, successeur du parti communiste non plus. Les représentants des partis de la gauche au pouvoir au Portugal sont en revanche invités. Nous avons convié, précise-t-il, les mouvements politiques et associatifs avec lesquels nous partageons des valeurs militantes et révolutionnaires de la gauche, essentiellement celles qui luttent contre le système capitaliste actuel, le libéralisme et le libre-échange », a-t-il conclu. Les ateliers se tiendront à huis clos, au terme desquels sera communiquée une synthèse finale. Si ambitieuses soient les visées d'unir à travers le monde les forces de la gauche « pure », la gauche de la gauche, la gauche non dénaturée par les compromis voire les compromissions avec les pouvoirs en place, les pouvoirs capitalistes, ces forces du mal, il émane une réelle sincérité des discours et une volonté inébranlable de construire une nouvelle aire mondiale sur des bases plus justes et des valeurs. Il est un fait qu'il est attribué à la gauche une profonde tradition humaniste. Cela a été, encore une fois, perçu à travers les interventions. La question est comment et avec qui ? Puisqu'il faudra à la gauche (radicale ou communiste) comme il lui plaît de se désigner, qu'elle s'identifie d'abord, s'unisse, s'accorde sur les fondamentaux, ensuite, et le plus important est de parvenir à mobiliser. Il est un fait reconnu que la société tunisienne et plus largement arabe est faiblement acquise aux thèses de la gauche radicale. L'histoire récente de la Tunisie en témoigne.